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ÉMIGRATION CLANDESTINE :MAMADOU, PECHEUR : Partir, à tout prix

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ÉMIGRATION CLANDESTINE :MAMADOU, PECHEUR : Partir, à tout prix

Deux fois refoulé du Maroc puis de l’Espagne, Mamadou guette une troisième occasion pouvant, enfin, lui garantir le statut d’émigré On lui donnerait la quarantaine. C’est-à-dire onze années de plus que son âge réel. Mamadou ne donne pas l’impression de porter une attention particulière à sa mise. Il se présente à nous tout de blanc vêtu : un tee-shirt à l’effigie d’une société de téléphonie mobile de la place, d’un pantalon jean et de sandales en plastique. Mamadou n’a pas l’allure de la plupart des jeunes de sa génération, reconnaissables par leur casquette bien vissée, jean et tee-shirt débordants. Genre hip-hop, quoi.

Son physique de jeune lutteur informe un peu plus sur sa profession : pêcheur. Un métier qu’il exerce depuis huit années, après avoir arrêté ses études en classe de 6ième. A plus de 6O ans, son père continue d’aller en mer. La pêche est la principale activité à Yoff, ce village de pêcheurs situé sur la presqu’île du Cap-Vert. Mamadou y partage le domicile familial avec 18 autres personnes dont son épouse et ses trois enfants. Une grande concession dont il est le seul à devoir assurer la dépense quotidienne. Une charge d’autant plus difficile à assumer que la pêche ne nourrit plus son homme. Les jours de bonne prise peuvent lui procurer 10 000 F Cfa. Ou, tout au plus, 50 000 F Cfa. « Cela n’arrive que deux fois par mois. Les bateaux nous devancent maintenant dans les zones poissonneuses où ils sont pourtant interdits de pêche», précise Mamadou. Il lui suffit de rester deux jours sur la terre ferme pour avoir des difficultés à subvenir à ses besoins primaires. Une autre solution s’impose. Mais laquelle ? L’idée de faire du commerce lui caresse l’esprit. D’autant qu’un nouveau marché vient d’ouvrir ses portes à Yoff. Il estime pouvoir opérer une transition avec ses 400 000 F Cfa d’économie. Impossible !  Le stand lui revient deux fois plus. Que faire d’autre ? Partir. Sa décision était dès lors prise de quitter ce pays où aucune perspective ne semble s’offrir à lui. Du moins dans le court terme. « J’ai une femme et trois enfants dont je dois nécessairement assurer l’avenir ». Aussi, le regard et les commérages des voisins de quartier sont-ils devenus difficiles à affronter. L’on ne cesse de s’interroger sur sa situation sociale et ses possibilités à mener une vie meilleure. Très souvent en comparaison avec des jeunes du quartier qui ont réussi à améliorer leur statut social. Deux de ses amis d’enfance vivent présentement en Espagne et son frère aîné, aux USA. Pour avoir gagné une « Green card » à la loterie. Tous l’encouragent à tenter l’émigration. « Partir pour réussir » semble être le slogan à la mode. Et Mamadou l’a adopté. C’est ainsi qu’en 2001, il tente une première aventure pour Las palmas, via le Maroc. Il s’achète un billet d’avion à 150 000 F Cfa, mais atterrit à l’aéroport avec quelques heures de retard. Le passeur qui devait le prendre n’a pas eu la patience d’attendre. Mamadou est refoulé par la police marocaine. Il est loin d’être découragé par cette mésaventure. Lors d’un séjour à Nouadhibou (Mauritanie), il est informé de la possibilité de rallier les Iles Canaries à partir de Dakar. « On m’a dit que les premières pirogues étaient parties de Yarakh. Quelques jours après, un ami m’appelle depuis l’Espagne qu’il a pu rallier par pirogue, à partir de Yoff. C’est cela qui m’a galvanisé ». Il parvient à trouver un passeur moyennant 400 000 F Cfa qu’il a obtenus en hypothéquant sa pirogue, en attendant de pouvoir rembourser après son arrivée en Espagne. Ils étaient 100 personnes à bord dont deux jeunes filles originaires de Mbour. Le voyage sans escale d’une semaine jusqu’aux Iles Canaries nécessitait, outre le GPS pour s’orienter en mer, une alimentation consistante constituée, entre autres, de deux moutons. Les pêcheurs membres de l’équipage tenaient à tour de rôle le volant pendant quatre heures. Mamadou garde encore les séquelles sur sa main droite. « La mer était si houleuse qu’on a failli faire demi-tour », se souvient-il.

 L’espoir est là-bas

Tout se termina finalement assez bien pour les candidats à l’émigration qui arrivèrent en Espagne sans grand dommage. « A 12 kilomètres de la côte, un bateau dans lequel avaient pris place des membres de la Croix rouge espagnole nous attendait. Pendant quatre jours, ils nous ont bien traités. Ceux qui avaient les adresses de leurs amis ou parents ont pu les retrouver grâce à la Croix rouge », poursuit-il. Mamadou n’en faisait pas partie. Il avait perdu les contacts de son ami qui vit en Espagne durant la traversée. Il est donc resté avec la Croix-Rouge pendant un mois, jusqu’à l’arrivée des autorités sénégalaises. Celles-ci avaient pour mission de recenser tous les originaires du pays de la téranga. « Je n’ai pas voulu faire partie des recensés car je me disais que quelque chose se tramait ». Mamadou n’avait pas ainsi décliné son identité. Se contentant simplement, par des gestes, d’indiquer vaguement son pays d’origine : la Côte d’Ivoire. «C’est un pays en proie à un conflit. Je pouvais donc être considéré comme un réfugié », explique-t-il. Seulement au bout de quelques jours, ses amis finirent par le convaincre de la volonté des autorités sénégalaises de les emmener dans une autre ville espagnole. Il accepte de se plier et signe par la même occasion, sans le savoir, son retour au Sénégal. Sur place, il se voit proposer de l’emploi dans le cadre du programme « REVA ». Et comme tous ses compagnons d’infortune, la réponse opposée aux autorités est un niet catégorique. « Je ne peux m’engager dans une activité que je n’ai jamais pratiquée. Et puis, on est vite découragé quand on pense aux conditions de vie de nos paysans », commente Mamadou. Que lui reste-t-il maintenant à faire ? « Repartir ! Je sauterai sur la première pirogue que je verrai. Mon père et ma mère m’y encouragent et mon épouse n’est pas tout à fait contre. Je crois que je ne pourrai pas réussir au Sénégal ». Sa religion est ainsi faite et rien n’augure qu’il pourra de sitôt changer d’avis.



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