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Modou Diagne Fada (ancien ministre) : « Je suis entré à l’Université par une année blanche, j’en suis sorti par une année invalidée »

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Modou Diagne Fada (ancien ministre) : « Je suis entré à l’Université par une année blanche, j’en suis sorti par une année invalidée »

« Je suis arrivé à l’université en 1987/ 88 et j’ai commencé mes activités syndicales la même année comme délégué d’amphithéâtre, puis délégué de la faculté des Sciences et techniques en 88/89 avant d’intégrer plus tard le comité exécutif de la dite faculté. En 1991, quand j’ai obtenu pour la première fois une chambre à l’université, j’ai été aussi délégué de couloir dans le campus social, ce qui m’a permis d’être en même temps membre de l’assemblée générale des délégués de la commission sociale. En 91/92, je représentais les étudiants à la Commission nationale d’attribution des bourses, présidée par le ministre de l’Education nationale, président de la commission des bourses et cartes. Mon mandat a été constamment renouvelé jusqu’en 1994, année invalidée par les autorités rectorales. C’est l’année de mon exclusion de l’université alors que j’étais en Dea de Biologie. Les autorités rectorales n’ont plus voulu de moi à l’université."


La Sentinelle : Quelles sont les luttes et les confrontations qui vous ont le plus marqué dans cet itinéraire syndical ?

Mdf : Il y en a plusieurs. Nous avons participé à plusieurs luttes de terrain, à plusieurs descentes. Nous avons fait l’objet de plusieurs interpellations. Etant délégué, nous avions déjà connu tous les commissariats de Dakar. Nous étions souvent détenus, par fois quelques heures, parfois 24 heures ou 48 heures au moins dans tous les commissariats de Dakar : commissariat du Plateau, Fort B, Hlm, Médina, Port ou encore Reubeuss. Je me rappelle cette grande marche des étudiants, autorisée pour la première fois par les autorités. Me Abdoulaye Wade était en ce moment là dans le gouvernement, et c’est avec son intervention que les autorités nous ont laissé marcher. Nous étions peut-être 5000, 10 000… Cette marche a finalement dégénéré parce que nous n’étions pas d’accord sur l’itinéraire que les autorités voulaient nous imposer. Il y a eu des affrontements terribles et beaucoup de gens avaient fuit, dont des responsables de la Ced de l’époque. Mais comme toujours, il y a eu des camarades qui ont fait face.

La Sentinelle : A partir du début des années 90, vous avez inversé la tendance avec une domination écrasante de membres appartenant au Pds au détriment des partis de gauche. Peut-on dire qu’il y avait connivence entre votre parti et le syndicalisme étudiant ?

Mdf : En 1991, Me Wade avait cherché à venir un jour à l’université. Le Pds était alors entré au gouvernement et ça n’avait pas plu aux étudiants de gauche qui caporalisaient à l’époque la Ced. Une déclaration avait été rendue publique par la Ced pour déclarer Abdoulaye Wade persona non grata à l’Université. Ca m’avait fait mal, d’autant plus que j’étais sûr que les étudiants libéraux étaient majoritaires. Nous avons mené patiemment le travail nécessaire si bien qu’en 92/93, alors que j’étais à la tête des étudiants libéraux, nous avions largement renversé la tendance. Ainsi, sur les 25 membres de la Ced de l’époque, les 18 étaient du Pds (…). D’ailleurs, nous avons eu plus au moins obtenu gain de cause, parce que Me Wade est resté au gouvernement et personne n’a plus pu utiliser le mouvement étudiant pour inquiéter notre secrétaire général.

La Sentinelle : Cela confirme t-il cette mainmise des étudiants libéraux sur la Ced ? Dites-nous franchement où se décidaient les mots d’ordre ? Au sein du campus, à la permanence du Pds de Colobane ou chez Me Wade au point E ?

Mdf : Non pas du tout ! Nous avions travaillé à renforcer notre influence dans l’espace universitaire pour éviter que la Ced ne soit plus utilisée à des fins politiciennes. La fameuse grève qui a abouti à l’année invalide en 94, nous l’avons déclenchée au mois de mai. Il y a beaucoup de gens qui font la confusion en la liant aux événements du 16 février à Dakar (meeting de l’opposition suivi d’une marche violente avec mort de six policiers ndlr).

Ce n’est pas l’arrestation des Wade, Savané et Moustapha Sy qui en a été l’origine. Ils avaient déjà été libérés quand nous déclenchions la grève. Il n’y avait pas du tout de lien. Mais nous avons, en tant qu’étudiants libéraux, assumé notre rôle dans la libération de Me Wade, en déclenchant pendant dix jours notre fameuse grève de la faim à la salle Soweto. .

La Sentinelle : La crise est devenue endémique à l’université. On craint un remake de 88 ou de 94. Quel regard portez-vous sur l’institution ? Quels conseils pour vos cadets ?

Mdf : Aux plus jeunes, je leur dis souvent vous parlez de la démocratie, mais vous n’êtes pas des démocrates. Il n’y a plus d’assemblées générales de débats. Plus d’Ag sectorielles ou les gens peuvent débattre. Les décisions sont prises à l’intérieur des Amicales. La base n’est plus associée comme c’était le cas à notre époque. La violence a gagné du terrain. Nous, la violence que nous exercions était externe à l’Université et ce n’était pas une violence physique, mais peut-être celle sur les biens publics. Maintenant, la violence est entre les acteurs du mouvement étudiant, entre les tendances qui se battent à coups de machette, à coups de gourdins, des guets-apens etc. Il y a beaucoup de sang qui coule. Le débat d’idées a foutu le camp. Le mouvement est divisé. Nous avions une structure centrale. Aujourd’hui, chaque faculté mène sa lutte.

Aux autorités, je leur dis qu’il faut désengorger l’université Cheikh Anta Diop qui ne plus continuer à fonctionner de la sorte. Il faut construire deux nouvelles universités dans la région de Dakar. Déplacer certaines facultés, quitter l’enceinte de l’université pour être installées ailleurs (…)

La Sentinelle : Vous êtes issu du mouvement étudiant, devenu député puis ministre. Vos successeurs à la tête du Meel, Pape Birame Ndiaye, Aliou Sow, et ensuite Khady Diédhiou sont devenus députés alors qu’ils étaient encore étudiants. Ne pensez-vous pas que c’est cette lutte vers les strapontins politiques qui a exacerbé cette violence. Au sein du camp libéral en particulier ?

Mdf : Nous avions l’habitude de dire que la carte d’étudiant est plus importante que celle de militant.

J’ai été élu député en 1998, en tant que responsable du mouvement national des jeunes du Pds. La même année Pape Birame Ndiaye, encore étudiant, était aussi élu député. Après, cela a conduit la structure étudiante libérale à des problèmes. Parce qu’on pensait que le chef de file des étudiant était de fait député à la prochaine législature. Ce qui n’est pas vrai puisqu’en 2002, K Pape Birame Ndiaye était encore secrétaire général du Meel. Les étudiants d’après alternance pensent moins à la formations de militants (libéralisme, parcours du secrétaire général, formation aux techniques de vote etc.). La compétition est icii une course vers les postes. Beaucoup parmi eux se déclarent libéral alors qu’ils ne connaissent même pas les idées de base du libéralisme.

La Sentinelle : Peut-on dire que c’est le syndicaliste Modou Diagne Fada qui a produit l’homme politique Modou Diagne Fada ou l’inverse ?

Mdf : (Il hésite un peu). En tout cas, j’ai été d’abord militant du Pds avant d’être syndicaliste. Je sais aussi que dans ma situation actuelle, j’ai beaucoup bénéficié de mon rôle au sein du mouvement étudiant. Le parcours que j’ai fait à l’Université, les luttes que j’y ai menées, l’expérience que j’y ai acquise et la renommée que j’ai obtenue de par mes fonctions syndicales, me sont très utiles présentement. J’ai été militant politique avant d’être syndicaliste, mais je me suis révélé à la face des Sénégalais, d’abord en tant que syndicaliste d’abord.



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