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OCCUPATIONS IRRÉGULIÈRES : Des maisons rasées à Mbao et Rufisque

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OCCUPATIONS IRRÉGULIÈRES : Des maisons rasées à Mbao et Rufisque

La Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos) a ordonné la destruction de maisons en construction à la Zone d’aménagement concertée (Zac) de Mbao et à Rufisque. Les occupants, nous dit-on, occupaient en toute illégalité ces parcelles, avec la bénédiction de nervis.

Des gendarmes dépêchés par la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos) ont surveillé hier le déroulement de la démolition de plusieurs maisons en construction à Rufisque et dans la Zone d’aménagement concertée (Zac) de Mbao. Les victimes de cette descente musclée des forces de l’ordre sont des occupants irréguliers de parcelles dans les zones précitées. Dans la matinée, deux véhicules pick-up bondés de gendarmes arrivent à la Zac de Mbao où, nous apprend-on, des individus empêchent aux bénéficiaires de construire. Arrivés sur place, les gendarmes encerclent les lieux et interpelle un homme de forte corpulence. Ce dernier oppose une farouche résistance aux hommes de loi. Il est plaqué par terre. Avec beaucoup de peine, les forces de l’ordre parviennent à menotter l’individu qui ne cessait de vociférer et se débattre. Finalement, l’individu est embarqué derrière la cabine du pick-up, solidement menotté. Son imposant scooter noir est aussi embarqué dans un autre pick-up.

Une personne arrêtée

« Les autres ont fui », apprend le gendarme chef des opérations. « Vous voyez, c’est un lutteur ! », ajoute-t-il en référence à l’homme interpellé. Juste à côté, on voit des fondations détruites. Les gendarmes s’ébranlent vers la brigade de la Zone industrielle à Mbao avec leur turbulent « hôte » qui ne cesse de râler, malgré le fait qu’un agent le tient solidement, en dépit des menottes. A la brigade, il se met à crier de plus belle, « khamb yi ! Soow mi ! » (« khamb » signifie autel, soow, lait). Il est débarrassé de ses nombreux gris-gris et de ses imposantes chaussures flambant neuves. Mais cela n’entame en rien son agitation, les gendarmes repartent avec lui, cette fois à destination de Rufisque pour une autre opération.

Une famille épargnée, provisoirement

Le cadre, c’est le quartier Sant Yalla à Rufisque Ouest. Les lieux sont déserts, quelques mendiants rôdent avec leurs sébiles. La pelle mécanique qui accompagne cette fois les gendarmes entre en action. L’engin se met à démolir les fondations en construction les unes après les autres pendant plus de trente minutes. Une terrasse en construction est attaquée et presque entièrement rasée. Une maison inachevée, mais déjà occupée est épargnée. Déjà, ses occupants presque tous des dames, retiennent leur souffle en constatant ainsi qu’ils sont en sursis. Un gendarme délivre à la mère de famille une convocation à la Dscos pour lundi prochain. La dame, hagarde, prend le papier. « Nous n’avons même pas fait un an dans cette maison », confie sa fille qui demande à sa maman, Khardiata Mbaye, d’éviter de s’exprimer à cause de sa forte émotion. Les membres de cette famille vivaient dans une maison à Fass comme locataires. « Notre père est décédé le 16 décembre 2001, nous étions des locataires avant d’acheter cette maison, maintenant, tous nos espoirs de vivre sous notre propre toit s’envolent en l’air », confie la fille. Le drame, c’est que Khardiata Mbaye et ses enfants éprouvent de la peine à expliquer comment ils ont acquis la parcelle. « Nous l’avons acheté, mais pas directement », explique la dame, laconiquement. Une façon de dire qu’il y a eu des intermédiaires dans l’acquisition de la parcelle. La dame ajoute, à sa décharge, qu’elle détient même les papiers de la parcelle. Des documents que nous n’avons jamais vus. « C’est dur pour une famille composée de femmes », s’apitoie un homme. La fille évoque un rêve prémonitoire, selon ses dires. Et pour conjurer la catastrophe, « j’ai cherché partout de la cola blanche hier à donner en aumône, mais en vain », dit-elle.

Pendant ce temps, l’engin continue son travail destructeur, réduisant en poudre des tonnes de ciment et de béton. Un petit tableau indiquant le chantier d’un certain Modou Diagne est également emporté par la pelle mécanique qui obéit aux ordres des gendarmes et des représentants de l’administration. Ensuite, les forces de l’ordre reprennent la route, pour retourner à la brigade de la Zone franche industrielle. Une fois là-bas, les gendarmes font descendre la personne interpellée qui s’est calmée entre temps. Mais ce n’est que de courte durée, on entend aussi sa forte voix résonner depuis les locaux de la brigade. Maintenant débarrassés de l’individu, les gendarmes mettent le cap sur la Zac de Mbao où sévissent des individus s’opposant à toute construction à certains endroits. Aussitôt arrivés sur les lieux à quelques minutes de 14h, ils mettent la main sur un jeune homme armé de coupe-coupe. Il n’oppose aucune résistance aux gendarmes. « Je travaille à Ngor », ne cesse-t-il de répéter pour justifier sa présence sur les lieux. Menotté et embarqué à bord, il tente de convaincre : « c’est mon père qui m’a envoyé, je peux vous donner son numéro de téléphone pour que vous vérifiez », dit-il. Finalement, les gendarmes le libèrent.

A côté, il y a des membres de coopératives d’habitat, visiblement heureux de l’arrivée des gendarmes. « Nous rencontrons énormément de difficultés, il y a un commando armé qui vient tous les jours ici nous empêcher de construire alors que nous avons des autorisations de construire. A chaque fois, ils nous tombent dessus. Il n’y a pas encore d’agression physique, mais on nous agresse verbalement », confie Sidi Lamine Guèye, responsable d’une coopérative. Selon ses dires, les membres de ce commando ont arraché les fils électriques souterrains et démoli les bornes. De guerre lasse, les propriétaires de terrain ont contacté la Dscos et les services de l’Urbanisme pour mettre fin à la situation. Ainsi, ajoute M. Guèye, cinq individus ont été arrêtés, jugés et condamnés à 15 jours de prison. Ces condamnations n’ont apparemment pas eu leur effet dissuasif, « depuis la semaine dernière, toutes les bornes ont été arrachées. Ces individus se mettent à revendre les terrains à des gens qui construisent très vite ». En effet, sur place, on constate l’état récent de nombreuses fondations et murs. Des tranchées devant accueillir des fondations mettent à nu un tuyau d’eau qui a été troué lors des travaux. Cette parcelle a largement empiété sur le domaine réservé à la voirie. « Comment peut-on acheter une parcelle au milieu d’autres déjà loties », se demande un maçon qui observe l’engin mécanique remblayer les tranchées. De nombreuses fondations, un bâtiment en terrasse inachevé, des murs et murettes sont rasés.

Des briques endommagées portent les empreintes de pieds destructrices. « Regardez ces briques, elles ont été rasées un soir », dit une dame. « Ce matin, après le départ des gendarmes, les nervis sont revenus, il y a eu un échange d’insultes. Ils ne sont pas très loin, ils sont cachés dans les parages », révèle un membre de coopérative. Les maçons s’empressent d’enlever leurs planches en bois et de ramasser leurs outils avant le passage de l’engin. Un chef de chantier passe aux gendarmes le « propriétaire » du terrain sur lequel ils travaillent. Le chef des opérations lui fait comprendre par téléphone qu’il est dans l’illégalité. Le maçon exhibe des papiers dont un mentionnant le numéro de titre foncier Tf 0352 Dp, lot A numéro 17. Les consignes étant les consignes, les gendarmes ont tout rasé.

Les coopératives redoutent le retour des nervis

Après la démolition des constructions à la Zac de Mbao, les membres des coopératives bénéficiaires craignent le retour des nervis une fois les gendarmes partis. Leur souhait, c’est de voir des éléments en faction dans la zone pour dissuader un retour destructeur des nervis. « Le problème existe depuis 2004 alors qu’on nous a attribués les parcelles depuis 2000. Depuis lors, nous ne pouvons pas construire, ils démolissent tout », se plaint Moustapha Ndiaye, président de la coopérative des émigrés sénégalais du Gabon. Selon le président de la coopérative des commerçants de friperie, plus de dix coopératives sont victimes de ces agissements des nervis. « Ils disent que ce sont les terres de leurs ancêtres et qu’ils sont prêts à y laisser leurs vies. Nous construisons le jour et ils démolissent la nuit. L’Etat a alloué les terres aux coopératives, mais la famille de Mandione Laye Thiaw s’oppose à toute construction », ajoute Moustapha Ndiaye. Après le passage des gendarmes, les coopératives comptent marquer de leur présence quotidienne les lieux. Sidi Lamine Guèye croit qu’il y a « peut-être » problème quelque part, puisque, ajoute-t-il, « ces gens exhibent des papiers avec cachet chaque fois. Il faut qu’on règle définitivement cette affaire ».

La Dscos promet une « omniprésence » dissuasive

La Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos) peu connue du commun des Sénégalais, comme son nom l’indique, lutte contre la présence irrégulière. Elle assiste les collectivités locales dans la lutte contre les constructions irrégulières, explique son directeur, Mamadou Diène. La sensibilisation n’est pas laissée en rade par la Dscos qui a son siège à Nord Foire, derrière un célèbre dancing. « En somme, c’est la police de l’urbanisme », ajoute M. Diène.

Concernant le cas de la Zac de Mbao, il promet : « désormais, nous serons présents, omniprésents, sur le terrain pour arrêter tous ces nervis qui empêchent de construire. A partir d’aujourd’hui (hier), nous démarrons l’opération qui durera le temps qu’il faut », ajoute-t-il. La Dscos s’appuiera sur la force publique à chaque fois de besoin, promet-il.

Il nous explique le cas d’une famille d’orphelins qui a vu son terrain occupé par autrui irrégulièrement. « Nous avons la possibilité de détruire toute construction érigée sans droit de titre accordé par la loi », prévient le directeur.

Cependant, avant de démolir, précise-t-il, il y a des formalités d’usage : une sommation est servie à l’irrégulier lui ordonnant de remettre le terrain tel que trouvé. « Nous constatons aussi ce qui est construit au moment du passage de nos hommes, ensuite, nous détruisons la zone », explique-t-il. La Dscos reçoit les plaintes, mais exige de la part du plaignant des papiers en bonne et due forme prouvant la propriété.

Concernant la Zac de Mbao, il explique que la famille Déthié Thioune, représentée par un certain Mandione Laye empêche toue construction à certains endroits. Une autre famille fait de même dans la Zac en arguant que l’Etat lui doit 29 hectares. « Il y a une remise en cause totale de tout ce que l’Etat a fait dans la Zac de Mbao »se désole M. Diène. En novembre 2009, la Dscos avait fait arrêter des nervis qui ont vite purgé des peines de 15 jours.

D’autres jeunes ont pris la relève. Pour éviter cette situation la prochaine fois, la Dscos va coopérer avec la justice pour qu’elle connaisse « les tenants et les aboutissants » de cette affaire. D’ailleurs, une réunion au ministère de l’Urbanisme suggère de se rapprocher de la justice pour l’informer du projet de Zac de Mbao. Les responsables des coopératives d’habitat ont été convoqués en réunion pour évoquer ce problème.



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