On leur avait promis Malaga, ils se retrouvent à l'aéroport de Dakar : Les 99 rapatriés chargent Wade...

Triste sort que celui des 99 clandestins qui ont été débarqués hier en début d'après-midi à l'aéroport L.S.S de Dakar en provenance de Ténériffe. On leur avait promis un transfert à Malaga mais ils se sont finalement rendu compte qu'ils ont atterri à Dakar. Outrés, ils accusent les autorités sénégalaises d'avoir organisé leur rapatriement.

‘Savez-vous où vous êtes ? Vous êtes à l'aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar. Vous pouvez descendre’. Voilà comment les 99 clandestins qui ont débarqué hier vers 16 h 30 à l'aéroport Léopold Sédar Senghor ont su qu'ils venaient d'être menés en bateau. Et leur déception est d'autant plus grande qu'en quittant Tenerife après un séjour de 45 jours, on leur avait fait croire qu'ils quittaient le site d'accueil pour la ville de Malaga. Une déception qui n'a d'égale que les conditions dans lesquelles ils ont voyagé. ‘Quand on a voulu nous embarquer, on nous a dit qu'on allait rejoindre Malaga et commencer à travailler. C'est donc seulement quand l'avion s'est immobilisé qu'on a su ce qui s'est passé; Un Sénégalais est venu nous demander de descendre car nous étions arrivés à Dakar’, raconte Khadim Faye un jeune clandestin de Yarakh.

Déçus, tourmentés et désorientés, les 99 clandestins ont commencé par se révolter en refusant de descendre de l'avion. ‘Parce que ce n'était pas ce qu'on nous avait promis’, peste-t-il en narrant ce qu'ils appellent tous une tragédie. Il a fallu faire appel à la gendarmerie pour amener les clandestins à quitter l'avion, la mort dans l'âme, avant de rejoindre le hangar où les attendaient plusieurs éléments de la Dpj, une équipe de psychologues et quelques autorités parmi lesquelles l'ambassadeur spécial chargé des Sénégalais de l'extérieur Saer Guèye. La présence des autorités n'a fait qu'accentuer la déception et le courroux des 99 clandestins qui voient la main du chef de l'Etat Me Wade dans leur mésaventure. ‘Nous avons senti un changement quand une délégation sénégalaise est venue au camp le lundi pour nous dire que nous avions le soutien de Me Wade. C'était le contraire car depuis ce jour, les autorités espagnoles n'acceptaient plus de libérer les Sénégalais. Et on vient de réaliser le coup qu'on nous préparait. On sait maintenant que c'est Me Wade qui nous a fait rapatrier. D'ailleurs les autorités espagnoles ont toujours dit que notre séjour en Espagne dépendait de la volonté des autorités de notre pays’, explique, avec amertume, un clandestin les larmes aux yeux. Poursuivant sa narration, il révèle que tout était fin prêt pour qu'ils entrent enfin librement dans la ville. ‘Les autorités espagnoles avaient même commencé à nous délivrer des papiers en bonne et due forme qui devraient nous permettre de légaliser notre séjour. Ils avaient même demandé des numéros de téléphones à ceux parmi nous qui avaient des proches en Espagne’.

Le regret des 99 clandestins qui ont débarqué hier est surtout lié à ce qu'ils appellent leur bonne foi. ‘Nous avons été victimes de notre bonne foi. car nous aurions pu déclarer dès notre arrivée que nous n'étions pas Sénégalais. ceux parmi nous qui ont déclaré être de nationalité guinéenne, gambienne, libérienne, malienne ou autres sont restés là-bas. Mais nous, nous avons préféré dire la vérité. Et voilà ce que nous avons comme récompense’, se désole encore Khadim Faye.

...et promettent de reprendre le large : Ce retour en catastrophe ne décourage nullement les 99 clandestins. Certains comme Khadim Faye ont promis de retourner dans la mer le plus tôt possible. ‘J'avais mis 800 000 francs dans le voyage. Et dès demain, je me mettrai à emprunter de l'argent pour retourner en Espagne. Tout ce qui se raconte est faux ; les Espagnols ont besoin de bras. Si les autorités sénégalaises ne me mettent pas en prison, je retournerai en Espagne dans quelques jours’, déclare Khadim. Son camarade d'infortune qui ne décline pas son identité lui emboîte le pas. ‘Ces ministres qui sont passés ici tout à l'heure, croient avoir affaire à des gamins. Ils n'ont qu'à garder leurs projets pour ceux qui veulent rester au Sénégal. Nous, on n'en veut pas. Moi tant que je serai en vie, je tenterai ma chance’, lance-t-il, déterminé.

De la détermination, les autres en ont aussi. Et on ne mesure la déception et la révolte de ces aventuriers qu'en les écoutant narrer les conditions dans lesquelles ils se sont rendus en Espagne. ‘Nous avons quitté Yarakh pour embarquer à Saint-Louis avec nos bagages : bâches, gilets, bidons d'eau, d'huile, bouteilles de gaz etc... Au départ, nous n'avions peur de rien car nous savions que nous étions en train de défier la mort mais le jeu en valait la chandelle’, raconte Samba Ndao Niang, le porte-parole des 99 aventuriers, un chapelet et l'effigie de son marabout au cou. ‘Au quatrième jour du voyage, nous avions tous perdu l'espoir de vivre. Pas un seul d'entre nous ne croyait arriver à bon port à cause du climat et des vagues de plus de 4 m de hauteur qui menaçaient l'embarcation. Certains d'entre nous, au bord du désespoir, avaient même marqué leurs noms sur la pirogue en se disant que si toutefois nous mourrions tous, les secouristes pourraient connaître leurs identités. et informer leurs parents’, ajoute le porte-parole qui habite à la Médina, rue 39 X 22 et dont le rêve de voir Malaga était sur le point de se muer en réalité. Mais, en lieu et place de la ville de Malaga, les 99 clandestins restés jusque tard dans le hangar se sont retrouvés à Dakar. Avec comme seule promesse, venant de Farba Senghor, qu'ils recevront, chacun, 10 000 francs pour rentrer chez eux.