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OUSMANE BACARI BA, TEMOIN DU GENOCIDE RWANDAIS : « J'ai été assimilé à un Tutsi et mis en prison»

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OUSMANE BACARI BA, TEMOIN DU GENOCIDE RWANDAIS : « J'ai été assimilé à un Tutsi et mis en prison»

A la fois victime et témoin du génocide rwandais survenu en 1994, ce natif de Kolda en a vu de toutes les couleurs. Pourtant, Ousmane Bacari Bâ était simplement en mission au pays de Paul Kagamé pour le compte du Centre de recherches et développement international (Crdi). Dans cet entretien qu'il a accordé à Walf Grand-Place, ce docteur en Anthropologie et professeur à l'université de Moncton au Canada partage avec nous les durs moments de ce qu'il qualifie de «campagne insidieuse de nettoyage ethnique» au cours de laquelle il a été emprisonné.


Walf Grand- Place : Peut-on savoir les raisons de votre retour au pays ? 

 

Ousmane Bacari Bâ : Je voudrais mettre à profit mes qualifications, mes expériences au service de mon pays. C'est dans cette perspective que j'apprécie tous les efforts des médias dans le sens de réhabiliter ce que les Sénégalais de l'extérieur font dans le sens intellectuel, mais qui reste méconnu. D'autre part, je souhaite créer des ponts entre la diaspora et ce qui est fait par des générations nouvelles, les générations qui s'interrogent sur le présent et le futur. 

 

Qu'avez-vous à offrir aux Sénégalais ? 

 

Chaque personne étant unique, la personne a des choses qui lui sont spécifiques à offrir. Personnellement, il s'agit d'expériences intellectuelles, de productions, de méditations sur des problématiques historiques de notre pays, les problématique humaines qui galvanisent l’actualité dans notre pays. Je voudrais mettre ma touche à ce niveau et travailler avec ceux qui veulent apporter des solutions aux problèmes persistants. 

 

Combien d'œuvres avez-vous publiées à ce jour? 

 

J'en suis à mon sixième livre. J'ai consacré un effort important dans l'accumulation du savoir, la production de ce savoir. De 2009 à 2011, j'ai publié des livres significatifs. Ma première publication date des années 70. Elle portait sur la psychiatrie. C'étaient quelques réflexions sur la psychiatrie et la société. Ensuite, j'ai travaillé sur les questions identitaires. Et j'ai fait des contributions sur les pertes (d'identités ou immigrés) en contexte de guerre, les contextes de génocides ethniques. Je traite les thèmes relatifs à la diaspora, à l'émigration, au racisme. 

 

Avez-vous été victime de maltraitance en tant qu'émigré ? 

 

En 1994, j'ai été enseignant à l'université de Boutaré au Rwanda. En tant que Peul, j'ai été confondu à des Tutsis par les militaires Hutus. J'ai été emprisonné pendant cinq jours. J'étais logé à l'hôtel Hibis et c'est là que j'ai compris que l'Afrique portait un fardeau historique dont elle n'avait pas réglé la problématique. C'est le fardeau de l'identité coloniale qui n'avait pas été réglé. C'est une identité prescrite parce qu'il y a une construction coloniale de l'ethnie sociale. Ce qui est différent de la construction coloniale de l'ethnicité. Toutes les idéologies de la différenciation et de fragmentation des identités collectives, qui font qu'on se retrouve avec des guerres de génocide colportés, orchestrées au nom d'une identité proscrite. 

 

Qu'est-ce qui vous a amené au Rwanda ? 

 

J'étais envoyé au Rwanda en 1994 par le Crdi comme consultant international. En même temps, je poursuivais mes études en doctorat. Le Crdi m'a envoyé en missions un peu partout dans le monde. C'est comme cela que j'ai été enseigné au Rwanda, au Cambodge, en Thaïlande, au Viêt-Nam... Ce qui s'est passé au Rwanda, c'est qu'on faisait face, en 1994, à une campagne insidieuse de nettoyage ethnique. Tous les individus qui avaient l'apparence Tutsi ou Hutu étaient ciblés par l'un ou l'autre des deux groupes en opposition. Ma première réflexion était d'aller présenter mon ordre de mission et de saluer toutes les autorités, les notables traditionnelles comme officielles. Après avoir fait un tel tour, j'étais reconnu comme chercheur. N'empêche que des militaires rwandais sont descendus à l'hôtel l'ont encerclé, m'ont menotté et m'ont demandé de partir avec eux. J'ai demandé pourquoi. Ils m'ont dit qu'ils voulaient savoir si j'étais Rwandais Tutsi ou de quelle autre nationalité. Parce que la plupart des Tutsis sortaient, ils travaillaient dans des organisations internationales et revenaient sous une autre identité pour renforcer la position de leur ethnie dans l'échiquier politique et social du pays. Dans mon cas, je leur ai dit que je suis un Sénégalais et que je travaillais pour le Crdi. 

 

Qu'est-ce qui s'est passé ensuite? 

 

Ils m'ont demandé d'exhiber ma carte d'identité. Et lorsque je l'ai montrée ainsi que mon passeport sénégalais, ils ont insisté sur un détail inaccoutumé. Ils m'ont demandé où se trouve la mention de mon origine ethnique. Je leur ai dit qu'au Sénégal, on ne fait pas mention de l'origine ethnique dans nos pièces d'identité. Ils m'ont demandé de quelle ethnie j'étais. J'ai répondu : Peulh. Ils m'ont dit que les Peulh sont les pires cousins des Tutsis. C'est comme cela qu'en tant que Peulh, j'ai été assimilé à un Tutsi. J'ai vu beaucoup de Peulh se faire assassiner parce qu'ils étaient confondus à des Tutsis. C'est que dans la conscience des Hutu, les Peulhs et les Tutsis ont les mêmes origines. Ils viennent de l'Egypte et d'Ethiopie. C'est cette fameuse théorie Amiot nilotique qui aurait contribué à situer les Tutsis ou les Peulh comme justement des originaires de l'Ethiopie ou de l'Egypte. C'est dans ces conditions que j'ai été arrêté et mis en prison pendant 5 jours. J'ai été donc libéré grâce à quelques interventions et j'ai pu regagner mon vol à Kigali. C'était trop douloureux, très traumatisant. 

 

Est-ce la raison pour laquelle vous avez écrit sur le génocide rwandais ? 

 

C'est ce qui m'a poussé à écrire sur les génocides. J'ai fait ma soutenance de thèse de doctorat en France sur «L'exile et la culture, fracture d'identité». C'était en 2003. Alors à partir de là, j'ai produit d'autres ouvrages et il me reste à produire cet ouvrage de 5000 pages. C'est une dizaine d'ouvrages sans parler des articles et des contributions. 

La culture est privilégiée dans ma recherche. Parce que c'est l'angle à partir duquel j'essaie de regarder tous les autres secteurs pour voir comment la culture elle-même est soumise à des transformations. Elle subit des transformations de beaucoup d'autres activités. Par exemple, nous vivons un contexte politique économique qui ne privilégie pas le regard et les éclairages que la culture devrait apporter. 



14 Commentaires

  1. Auteur

    Chaton

    En Décembre, 2011 (03:33 AM)
    Bonne chance tonton Ousmane
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  2. Auteur

    Futur Presi

    En Décembre, 2011 (08:20 AM)
    Mélangeons nous pour faire disparaître les ethnies. votez pour moi, quand je serai président de la république je financerai les mariages inter ethniques et établirai une rente mensuelle en faveur de tous les couples inter ethniques.
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    Auteur

    Juste La Verite

    En Décembre, 2011 (15:21 PM)
    Mais ce gars ne ressemble en rien en un Peul ou Ethiopien..Avec son nez epathe et ses grosses levres, il ressemble a un Beinois ou un Manjack....
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    Auteur

    Noragal

    En Décembre, 2011 (16:43 PM)
    Je ne demande ce qu'un Sénégalais a à faire en Rwanda, surtout durant cette époque.
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    Auteur

    Gtyui

    En Décembre, 2011 (17:12 PM)
    tu as de la chance ils auraient du te couper tes levres de soulard.
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    Auteur

    Ibra

    En Décembre, 2011 (19:20 PM)
    je parle ce qui se passe a l,aeroport leopold sedar senghor ,pour moi c,est pas normal on oblige la personne de plastifier ses bagages.Le 30 decembre 2011 a 22h je devais voyager sur l,espagne et j,avais une petite sac a main ,on m,a obliger faire plastifier cette petite sac.Je vous dis une chose faire le plastic c,est obligatoire ,en plus si j,ai pas envie de le faire personne ne doit pas m,obliger .Mais les gent qui font le plastic et les gent qui font l,enrigistrement ont fonder un meme noyau pour que le commerce fonctionne,et ses pas normal. Ce jour la j,ai perdu le vol IBERIA via MADRID. JE SUIS UN SENEGALAIS ,QUANT JE QUITTE L,EUROPE POUR VENIR AU SENEGAL A L,AEROPORT ON OBLIGE PERSONNE A FAIRE LES PLASTIC ET ON ME TRAITE TRES BIEN . MAIS DANS MON PAYS NOM. IL FAUT ESSAYER DE CHANGER.
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    Auteur

    @ibra

    En Décembre, 2011 (23:50 PM)
    Je ne sais pas quel pays mais en France on te plastifie aussi tes bagages aussi !!! c'est plus pour eviter lque l'on puisse ouvrir tes bagages ... je crois
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    Auteur

    Isidore

    En Décembre, 2011 (00:06 AM)
    Le journaliste a dû se tromper. Monsieur Ousmane Bacari Bâ n'a pas fait sa thèse en France. Il a fait une thèse en ethnologie à l'université Laval en même temps que moi et j'ai assisté à sa soutenance au Pavillon de Koninck. Il était étudiant au CELAT
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    Auteur

    Cabral Prototype

    En Décembre, 2011 (01:51 AM)
    Sa aurait était pareil pour tous nilotique élancé, maigre du keyan, éthiopien, somalien, guinéen, malien, khoxa, sotho, san-bushman.  :-D 
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    Auteur

    Abibr...

    En Décembre, 2011 (14:19 PM)
    Oui Isidore. Ousmane Ba avait commencé sa thèse avec le professeur Lucille Guilbert qui est au département d'histoire à l'université laval et qui travaillait sur les réfugiés bosniaques et il y a eu des problèmes dans l'encadrement

    il a fini la thèse avec les professeurs Delage et Fall du CELAT Moi aussi j'étais à Laval en ce moment
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    Auteur

    Le Critique

    En Décembre, 2011 (12:41 PM)
    Personellement aussi je suis allé 2 fois en mission au Rwanda en Nov 92, à Kigali avec un collégue Burkinaké, un Mossi et qui a de scarifications ( je crois que c'est le terme) sur le visage et nous avons habité successivement l'Hotel des diplomates , puis l'Hotel des mille Collines, sur les hauteurs de la ville mais déjà à cette époque l'ambiance était déjà trés tendue!

    S'il n y avait pas la présence de mon collégue Burkinabé, notre mission n'aurait pas été faciltée, car moi j'étais peut etre trop "typé , et suspecté Peulh donc Tutsi!

    Je me demande souvent ce que sont devenus des compatriotes Sénégalais quii y étaient, dont un certain Thiam, qui tenait une boutique , genre joaillerie, dans une galerie , au dessus des escaliers , prés de la réception de l'Hotel des Mille Collines!
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    Auteur

    Diam-rek

    En Décembre, 2011 (16:38 PM)
    Je sais pas si c'est toujours le cas, cependant je trouve triste et dangereux qu'au Bénin l'origine éthnique soit mentionneé sur la pièce d'identité. Ça devrait être interdit quant-on voit les conséquences que cela fait en cas de guerre civile. J'estime qu'avant d'appartenir à une quelconque origine ethnique, religieuse clan ou sectaire n'oublions jamais qu'on est ni plus ni moins que des simples êtres humains avec du sang dont la couleur reste unique pour tout le monde ( ROUGE). Ne pas oublier que quand on tue son prochain soi-même aussi quelque soit le temps on mourra à tous portez-vous bien!
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    Auteur

    Amakuru

    En Mai, 2012 (17:44 PM)
    Le critique Thiam je crois qu'il y est tjrs, enfin j'ai rencontre un Vieux Thiam a Niamirambo, qui y vit avec sa famille ...depuis bien avant les genocide... Possible que ce soit lui ....
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    Auteur

    Heuuu

    En Juin, 2016 (14:19 PM)
    Mais il n'a pas du tout le physique typiquement peul, physiquement il ressemble plus à un hutu alors comment il peut dire qu'on le prenait pour un tutsi, faut arrêter le délire !!
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