Ce matin du lundi 11 juillet, «Ya Seyda» a le sourire radieux. Bercée par le ronronnement des voitures, elle rayonne derrière son voile blanc. Mais l’illusion sera de courte durée. À l’évocation du nom du directeur de son école, Abdou Aziz Guèye, accusé de viol sur une mineure de 10 ans, son sourire discret cède la place à une grande tristesse. Un bref coup d’œil au bureau vide la replonge dans ses souvenirs des instants joyeux partagés avec son directeur. L’évoquer devient difficile. Les battements de son cœur s’accélèrent et la chaleur devient suffocante. Poussée par une force intérieure, l’institutrice relève le buste. Le malaise passé, elle appelle la secrétaire de l’école Seydina Issa Laye. Quelques minutes plus tard, les notables du quartier nous rejoignent. Comme s’ils s’étaient passé le mot, ils portent presque tous des caftans immaculés. Mais derrière leur mine soignée et correcte, ils bouillonnent. Depuis des jours, leur gorge est nouée, lorsqu’ils ont assisté, impuissants, à l’emprisonnement de leur compagnon, ce terrible vendredi 1er juillet. Le trémolo dans leurs voix en témoigne. Si certains affichent une quiétude éphémère, d’autres, plus fougueux, râlent sec.
«Je jure qu’Abdou Aziz Guèye est innocent»
Le bureau se révélant trop étroit pour contenir ce beau monde en rogne, la grande tente leur servant de grand-place est pile poil plus indiquée pour évoquer cette condamnation «injuste». «Je pourrais jurer sur le Coran qu’Abdou Aziz n’a rien fait. C’est un homme pieux qui ne salirait jamais la religion de la sorte. Coucher avec une fille dans l’école, ce serait comme faire l’acte dans la propre mosquée qui jouxte l’école», tonne Taïb Socé, ami du condamné, de sa voix rauque, les yeux dissimulés derrière de grosses lunettes noires. Un murmure d’approbation traverse la foule comme une litanie. Ne laissant pas au prédicateur le temps de terminer sa phrase, Cheikh Thierno Sow, un des membres de la délégation qui s’est rendue chez les parents de la petite F. Niang, lunettes vissées sur le nez, laisse exploser sa colère. «Quand j’ai appris la nouvelle, je bouillais de rage car tous nos enfants seraient exposés, si cette histoire était avérée», explique-t-il. Le regard lointain, il enlève son cure-dents, se remémorant une conversation qu’il a eue, un jour, avec le désigné coupable. Il raconte les confidences d’Abdou Aziz Guèye : «Mon épouse a été la première femme de ma vie. J’ai été chaste jusqu’à mon mariage». Aladji Mbaye, ami du beau-père d’Abdou Aziz Guèye, regarde dans le rétroviseur avant d’en rajouter une couche, rembobinant un extrait de sa discussion avec le maître coranique «violeur» quand cette affaire a éclaté. «Jamais je n’ai voulu qu’il y ait une négociation. Je vais laver mon honneur car je sais que je n’ai rien fait», lui avait-il confié.
La voix solennelle, l’imam Touré de la mosquée de Cambérène II donne raison à oustaz Guèye. «On n’était pas parti pour étouffer l’affaire, ni pour demander pardon, comme l’a dit sa grand-mère. On voulait vérifier si les faits reprochés à Aziz étaient vrais ou non, c’est pourquoi on est parti voir ses parents». Croyant depuis le début à la franchise du directeur, il argumente : «Depuis trois mois, je suis sur ce chantier. De 10 heures à 19 heures, je suis ici, alors comment cela peut-il avoir lieu sans que les gens ne s’en rendent compte ?» D’ailleurs, le chef des maçons, Mor Diop, a aussi démenti la petite quand elle a dit que lors de la deuxième agression, les maçons l’ont vue. «Souvent, il m’arrive de quitter les lieux pour revenir, mais je laisse ici mon fils et l’ouvrier. Ils disent qu’ils n’ont jamais assisté à cette scène décrite par la fille (elle dit que Guèye l’a étranglée, la traînant au premier. Les maçons lui auraient demandé pourquoi une pareille attitude. Et oustaz leur a répondu qu’elle avait commis une faute et qu’elle méritait d’être punie).» Fustigeant l’enquête de la police, Mor estime que les maçons sont des témoins clés qui devaient comparaître. Mais «leur agitation pour avoir mis le grappin sur un ‘’oustaz violeur’’ les a poussés à ne pas mener l’enquête à bout», déplore-t-il.
«Cette histoire, tellement invraisemblable à ses yeux, l’a fait rire»
Chez la belle-famille de Guèye, c’est l’heure du déjeuner. Autour du bol de riz, Khady Diallo, sœur de Fama, l’épouse d’Abdou Aziz Guèye, arrête ses bouchées pour nous installer dans une chambre. Sa maman, Cheikh Sène, commerçante au marché des Parcelles Assainies, accourt trente minutes après le coup de fil de sa fille. À l’instar de ses enfants trouvés sur place, elle magnifie la bonté du détenu et clame l’innocence de son beau-fils. Ce dernier, dès que le nommé Ousmane Ndiaye lui a parlé de l’accusation portée sur sa personne, s’en est automatiquement ouvert à elle, confie la dame. «Cette histoire était pour lui tellement invraisemblable qu’il en a même ri lorsqu’il me l’a racontée», dit-elle. L’hypothèse d’une cabale contre Guèye est, comme pour les gens de son école, privilégiée par la famille. Homme franc, il aurait, selon une voisine, Awa Samb, avoué s’il était coupable. «Guèye est un homme bien et nous avons tous été ahuris d’apprendre cette histoire. Mais la personne qui a osé salir son nom de la sorte paiera cher le jour du jugement dernier», lance une des habitants du quartier, la voix tremblotante, sous couvert de l’anonymat. Même réaction de Fatou Ngal, colocataire du détenu depuis quatre ans. «Dans cette maison, il a vécu durant des années dans la proximité avec des fillettes. Jamais un comportement pervers n’a été noté chez lui. C’est un homme extraordinaire, mais nul ne peut échapper à son destin», dit-elle, fataliste.
«Fama cachait aux enfants que leur père est en prison»
Cette affaire, même si elle n’a pas eu raison du ménage d’Abdou Aziz Guèye, a tout de même noyé son épouse dans un profond chagrin. Repartie à Tivaouane où elle vit avec ses enfants, Fama Diallo a, d’après ses proches, versé toutes les larmes de son corps. Toutefois, en bonne croyante, sa foi l’a aidée à surmonter l’épreuve. Dès le début de cette sordide affaire, elle a apporté son soutien à son époux. «Elle est convaincue de son innocence», confie sa famille. Et pour ménager ses enfants, elle avait omis délibérément de leur dire où se trouvait leur père. Mais Fatima, sa fille aînée de treize ans, très éveillée, sait que son papa est incarcéré. Ne lui laissant jamais la latitude d’en parler, à chaque fois qu’elle évoque le sujet, «Fama la somme de se taire». Mais jusqu’à quand durera la supercherie ? Que dira-t-elle à ses enfants, lorsqu’ils voudront savoir le motif de l’incarcération de leur géniteur. Dix ans ce n’est pas dix jours…
PROFIL
Un oustaz peut en cacher un autre
Né à Diourbel il y a 41 ans, Abdou Aziz Guèye a, depuis plus de vingt ans, quitté la chaleur suffocante de la pollution dakaroise. Dans la jungle de la capitale sénégalaise, il est dépaysé. Loin de l’affection familiale, il trouvera auprès du prêcheur oustaz Taïb Socé une nouvelle famille. Sous son aile protectrice, Aziz fait face aux difficultés de la vie urbaine. Il suivra comme tout bon fils de l’islam le chemin du fervent musulman qui est de propager la religion musulmane. L’ami de Taïb Socé réussira à ramener moult brebis galeuses dans le droit chemin et à propager les enseignements du prophète Mohamed (Psl). Coran à la main, le jeune homme sillonnera, dans les années 90, le quartier populaire des Hlm1 pour véhiculer les recommandations du prophète Mohamed (Psl). Et sa maîtrise du livre saint faisait de lui un homme respecté par les jeunes filles du quartier. Réservé et calme, le bel homme au physique de basketteur saura, toutefois, selon un de ses proches, freiner les diverses tentations en travers de son chemin pour se consacrer exclusivement à Dieu. Intègre, il gardera durant des années la boutique d’une dame qui, face aux magouilles de ses frères responsables de la gérance, avait décidé de la lui confier. Poursuivant son petit bonhomme de chemin, il quitte les Hlm pour s’installer à Cambérène. Six ans durant, il sera maître coranique dans une maison à Cambérène II, avant de diriger l’école franco-arabe Kem Médine. En 2009, oustaz Guèye rejoint l’école franco-arabe Seydina Issa Laye où il exerce jusqu’à son arrestation. Époux fidèle, père attentionné, son ménage de 15 ans a couvé trois bouts de choux : Fatima (14 ans), Mohamed (10 ans) et Aladji (4 ans). Peint comme un homme doux et aimant, la description faite de lui à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar semble être tout bonnement une mauvaise caricature, selon sa femme. Son «oustaz» à elle, jure-t-elle, ne vit que pour son travail, sa religion et sa famille…
AWA DIOP, MÈRE DE LA VICTIME
«Ils inventeront n’importe quoi pour essayer de nous décrédibiliser… »
Dans une chambre aux senteurs d’encens, Awa Diop, mère de la victime, nous reçoit. Seule dans sa niche et sur la défensive, elle jette un regard courroucé. Elle nous apprend qu’elle a envoyé sa fille chez sa tante, à la Médina. Des vacances anticipées qui la tiendront à l’abri des débats qui animent les chaumières du quartier. Revenant sur la tragédie, elle confie : «Loin de me douter que Fatou a été violée, je pensais qu’elle traînait en route. J’ai demandé à son papa (son mari) de la corriger, se rappelle-t-elle. Après cela, F.N. a fini, selon sa mère, par lâcher le morceau. En sanglots, elle lui raconte sa mésaventure. «Oustaz Guèye m’a conduite dans sa classe qui se trouve à l’étage avant de me demander d’ôter mon slip. J’ai refusé et il m’a tapé avec sa ceinture. Il a alors arraché ma culotte et m’a pénétrée. Ensuite, il a menacé de me tuer avec un couteau, si jamais j’en pipe mot», jure-t-elle. La victime restera, selon sa mère, plusieurs jours avant de reprendre les cours. Elle saignait. Le jour où elle est repartie en classe, «oustaz Guèye a encore remis ça». Après la découverte du viol, une de ses voisines, Tata Fatou, lui a révélé avoir eu des soupçons lorsqu’elle a vu les deux robes de la fillette tachetées de sang. Quant aux rumeurs selon lesquelles F.N. aurait été violée dans son entourage et non à l’école, Awa Diop les balaie d’un revers de la main : «Ici, à part mon mari, il n’y a pas d’autre homme. Je vis seule avec mon mari et chez la voisine (là où la petite passe la journée), il n’y a que des filles. Dans le couloir, tous les hommes vont au travail». Idem pour ceux qui l’accusent d’être de mœurs légères et de s’accoquiner avec des «toubabs» (Blancs). «Rien que du pipeau, je ne parle même pas français ! Ils inventeront n’importe quoi pour essayer de nous décrédibiliser», fait-elle. La secrétaire de l’école, Mame Sèye Diop a soulevé un point sensible sur la paternité de sa fille, en affirmant que la petite n’a toujours pas d’extrait de naissance, parce que son père ne l’a pas reconnue. Awa Diop accuse le coup et murmure : «Quand j’étais enceinte, il ne l’avait pas reconnue, mais plus maintenant». «D’ailleurs, dit-elle, sa grand-mère maternelle était à l’audience le jour du procès». Malgré tout ce qui se dit, elle ne doute nullement des déclarations de sa fille qui, note-t-elle, a toujours été constante.
T. Marie Louise Ndiaye
27 Commentaires
Noyna
En Juillet, 2011 (14:42 PM)Reply_author
En Juin, 2022 (19:37 PM)Reply_author
En Juin, 2022 (20:10 PM)Oh Mon Dieu
En Juillet, 2011 (14:46 PM)Illumine
En Juillet, 2011 (14:46 PM)Illumine
En Juillet, 2011 (14:47 PM)Illumine
En Juillet, 2011 (14:50 PM)Illumine
En Juillet, 2011 (14:51 PM)Déguène
En Juillet, 2011 (14:55 PM)Il va partir comme un voleur (Wade)
On l'avait pourtant prévenu
De la déception de mon peuple (Sénégal)
Arrivé comme un héros (Wade)
Il va repartir à zéro (Wade)
On l'avait pourtant prévenu
De la présence des vautours autour
Bye bye Wade
Arrivé comme un ami (Wade)
Il va repartir ennemi (Wade)
On l'avait pourtant prévenu
De la déception de mon peuple (Sénégal)
Arrivé comme un héros (Wade)
Il va repartir à zéro (Wade)
On l'avait pourtant prévenu
De la déception de mon peuple
Bye bye Wade
Il se croyait le plus malin (Wade)
Il a eu plus malin que lui (le peuple)
Bye bye Wade
Il se croyait le plus intelligent (Wade)
Il a eu plus intelligent que lui (le peuple)
Il se croyait le plus fort de tous (Wade)
Il a eu plus fort que lui (le peuple)
Il se croyait le plus grand doubleur (Wade)
Il a eu le roi des doubleurs (le peuple)
Bye bye Wade
Djiby
En Juillet, 2011 (14:56 PM)Afreecain
En Juillet, 2011 (15:04 PM)Tenez l'exemple de cette fille que le père interdisait de sortir et qui lui rétorque " Je t'accuserais de vouloir me violer si tu m'interdis de sortir en soirée". Depuis elle sort quand elle veut et le père est complètement désorienté. C'est pour monter comment la vie est difficile avec les accusations de viol.*
Que Dieu nous protège et sauve Maman Afreeca
@ Lady Caca
En Juillet, 2011 (15:08 PM)Le jour Bou Gnii Tégueul N.Déy WADE- Di nééne le Thii Doléééé...!!!!!
@ Lady Caca
En Juillet, 2011 (15:09 PM)Isssh
En Juillet, 2011 (15:13 PM)Lagaffe
En Juillet, 2011 (15:13 PM)Haha
En Juillet, 2011 (15:14 PM)Seck
En Juillet, 2011 (15:17 PM)AAYY LA JUSTICE.... MINITRE QUI EN GROSSER LE MINEUR A HANNE MARISE
Lhypocrisie
En Juillet, 2011 (15:18 PM)Teuss Teuss
En Juillet, 2011 (15:18 PM)Reply_author
En Juin, 2022 (08:54 AM)Patisco
En Juillet, 2011 (15:24 PM)Touba reserve un acceuil chalereux au president diadieuf les mourides vie wade et ses alliés
Ngndiaye
En Juillet, 2011 (15:35 PM)Lyns
En Juillet, 2011 (15:39 PM)Ma
En Juillet, 2011 (15:40 PM)Titi
En Juillet, 2011 (16:14 PM)Deugueuleu
En Juillet, 2011 (16:27 PM)Dég
En Juillet, 2011 (16:29 PM)Gnaw
En Juillet, 2011 (17:02 PM)Fafa
En Juillet, 2011 (19:04 PM)Zorro Zaim
En Juillet, 2011 (19:15 PM)Participer à la Discussion