Pélerinage à la Mecque : Les voleurs troublent le Hadj des Sénégalais

La psychose s'est installée chez les pèlerins sénégalais. Ici, on se méfie du voisin pour sortir de l'argent. La confiance ne règne plus. Au banc des accusés, les étudiants sénégalais d'Arabie Saoudite que les missionnaires chassent et pourchassent comme des malpropres des hôtels abritant des pèlerins et de leurs abords.

Etre victime de vol à La Mecque est devenu un non-évènement. Le futur pèlerin est préparé psychologiquement à cette forte probabilité dès l'Institut islamique de Dakar qui est le lieu de vente par excellence des ceintures-banane multi-poches qui sont le coffre-fort du pèlerin vigilant. Ce dernier, selon le volume de sa bourse, a le choix entre une ceinture en cuir ou en tissu.

Le commissaire général au pèlerinage El Hadj Moustapha Guèye, dans ses causeries religieuses, donne des recettes anti-vol. Le bouche-à-oreille a fait le reste du boulot. ‘Ne faire confiance à personne et ne quitter sa ceinture sous aucun prétexte. Ni pour dormir ni pour aller aux toilettes’. Telle est la consigne des missionnaires dès l’aéroport de Dakar, au moment de l’embarquement pour Médine. A l'arrivée, aucune surprise. Les portes n'ont même pas de serrure pour être fermées à clé. La psychose s'installe. On se méfie du voisin pour sortir de l'argent. La confiance ne règne plus.

Au banc des accusés, les étudiants sénégalais d'Arabie Saoudite. Les missionnaires les chassent et les pourchassent comme des malpropres des hôtels abritant des pèlerins et de leurs abords. Abou, un étudiant en quatrième année de littérature arabe, explose : ‘Ces gens mettent tout le monde dans le même sac. Certains usurpent le titre d'étudiant pour s'introduire dans les chambres et dévaliser les pèlerins. Nous ne sommes pas tous des voleurs, mais ils refusent de nous écouter. Du coup, nous ne pouvons même pas rendre visite à nos parents venus pour le Hadj’.

Ibrahima, son camarade, ajoute : ‘Même si nous présentons nos cartes d'étudiant, l'accès nous est interdit. Si les missionnaires sont si hermétiques, en réalité, c'est parce qu'ils ont peur qu'on ne dévoile au grand jour leur incompétence car, pour la plupart, ils n'ont aucune qualification. Ils ne parlent pas arabe et ne connaissent pas bien la ville. Ce qui n'est pas notre cas.’ Bassirou, un autre étudiant, de renchérir : ‘C'est de la méchanceté pure et simple. Tout cela, c'est la faute du commissaire Moustapha Guèye. Depuis qu'il est aux commandes, nous n'avons plus la paix. Il ne veut pas de nous comme missionnaires alors que lui, quand il était étudiant ici, il l'a été histoire d'arrondir ses fins du mois. Aujourd'hui, il nous refuse cette rentrée d'argent. Nous ne pouvons même pas aller à La Mecque. La vie ici est trop dure, car hormis le bâtiment, il n'y a pas de petits boulots ouverts aux étrangers, surtout noirs. Nous n'avons que le Hadj pour ne pas mourir de faim mais, à cause de la commission, nos compatriotes nous dénigrent en nous traitant de voleurs.’

Tout porte à croire que ce n'est pas demain la réhabilitation de la réputation des étudiants sénégalais. Un pèlerin qui a assisté à l'entretien corse l'accusation de vol, comme un cheveu dans la soupe. Ses voisins de chambre, dans les bras de Morphée, se sont fait voler leurs téléphones portables en charge. A son avis, la commission a ses raisons pour tout mettre sur le dos des étudiants. El Hadj Moustapha Guèye, commissaire au pèlerinage, n'entre pas dans ce débat mais précise juste qu'il ne peut pas employer les étudiants comme missionnaires pour la simple et bonne raison qu'ils sont indisponibles parce qu'étant en cours pendant le hadj.

En attendant, les voleurs s’adonnent à leur sale besogne et les pèlerins ne dorment plus que d'un œil, le cœur battant la chamade.