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Place de l’Armée dans le jeu politique : La participation de Généraux aux assises nationales relance le débat :

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Place de l’Armée dans le jeu politique : La participation de Généraux aux assises nationales relance le débat :

La participation de certains Généraux de l’armée à la séance d’ouverture des assises nationales fait l’objet de controverse. Si d’aucuns y voient une prérogative que leur octroie la citoyenneté, d’autres, apparentés au pouvoir y décèlent une immixtion de l’armée dans le jeu politique. Pourtant, ce n’est pas la première fois que la ‘Grande muette’ fourre son nez dans l’espace. L’histoire regorge, en effet, d’exemples que Wade a participé à conforter en faisant des pensionnaires des casernes des électeurs à part entière.

De toutes les présences à la cérémonie de lancement des Assises nationales, dimanche dernier, celle des trois généraux de l’Armée en retraite aura le plus marqué les esprits. De part et d’autre de la ligne de séparation entre le pouvoir et l’opposition, cette participation des étoilés de l’armée est diversement appréciée. Bénéficiaire de cette présence qui donne un surplus de crédit à sa démarche, l’opposition n’a raté aucune occasion pour pavoiser de la présence à ses côtés des Généraux Mamadou Mansour Seck, Amadou Abdoulaye Dieng et Mouhamadou Keïta. Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Dansokho et compagnie ne font pas fine bouche de cette présence dont ils se félicitent et qu’ils apprécient. A l’exact opposé de cette position, les tenants du pouvoir s’arrachent les cheveux et fustigent l’immixtion de soldats, fussent-ils à la retraite, dans des activités à forts relents politiques. Pour le pouvoir qui s’insurge contre la tenue de ces assises, les trois anciens galonnés de l’Armée sénégalaise trahissent, ainsi, le sacro-saint devoir de réserve auquel les astreint leur statut d’officiers supérieurs et ne sauraient, par conséquent, donner de crédibilité aux assises initiées par l’opposition radicale.

Se pose, ainsi, la question de savoir si, oui ou non l’armée a sa place dans l’espace politique. Si dans les textes régissant la vie et le fonctionnement de l’armée, il n’y a aucune restriction quant à l’obligation faite à ses pensionnaires de n’être qu’au service de la République et de son Etat en se détachant de toute activité impliquant les acteurs (politico-syndico-religieux), il n’en demeure pas moins que la réalité actuelle ne reflète toujours pas cette disposition légale. Il ne manque pas, dans l’histoire politique du Sénégal, en effet, d’exemples qui montrent l’implication de nos soldats dans le jeu politique.

Le premier exemple que l’on pourrait citer est celui de 1962, année pendant laquelle, le Sénégal connut sa première crise politique majeure après celle consécutive à l’éclatement de la Fédération du Mali. Ce conflit entre l’ex-président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor et l’ancien Président du Conseil, Mamadou Dia fut arbitré par l’armée qui plus qu’un arbitre, était joueur de champ. A la tête de celle-ci, rapportent certains historiens, le Général Jean Alfred Diallo joua un rôle éminemment politique. Sur ordre de Senghor, ce dernier mit aux arrêts Dia à qui on prêtait l’intention de renverser le régime d’alors avec la fameuse motion de censure que des parlementaires de l’époque avaient initiée contre le gouvernement. Pourtant, confie un proche de Mamadou Dia, l’ancien président du Conseil avait tous les pouvoirs discrétionnaires d’agir sur l’armée. Comme pour dire que, si Dia avait voulu faire un putsch telle que l’intention lui en fut prêtée, il n’aurait eu aucun problème à régler son compte avec le défunt président-poète. Mais, là n’est pas le problème qui réside dans le fait que l’Armée a pris une part active dans un conflit, politique par essence.

Plus récemment, l’on a eu à noter une participation active des soldats dans le jeu des acteurs politiques. C’est ainsi que les Généraux Lamine Cissé et Mamadou Niang ont posé des actes importants dans l’espace politique sénégalais. Si le premier, en tant que ministre de l’Intérieur était chargé d’organiser les élections, le second avait pour mission de veiller à la régularité et la transparence des scrutins, sous le régime de l’ex-président Diouf. L’on a encore souvenance des révélations faites par le Premier ministre militaire de l’histoire du Sénégal, contenues dans son livre post-élection 2000, expliquant comment lui, Cissé, a amené Diouf à se rendre à l’évidence de sa défaite en lui communiquant les résultats du scrutin au fur et à mesure que ceux-ci tombaient. Là, l’implication des deux gradés de l’armée sous Diouf faisait suite à l’impasse politique qu’avait connu notre pays à l’époque. Pour donner des garanties de transparence à l’emblématique opposant d’alors, aujourd’hui président de la République, Diouf avait jugé nécessaire de donner à des militaires la charge des élections.

Arrivé au pouvoir en 2000, le président Wade emboîta le pas à son prédécesseur en nommant le Général Niang à la tête du département de l’Intérieur avant de se résoudre à ‘civiliser’ ce poste, cause, aujourd’hui, de beaucoup de polémiques. ‘Tant que ce sont des gens du Pds qui auront la responsabilité d’organiser les élections, on ne peut pas s’attendre à des scrutins transparents’, se convainc Amath Dansokho. Une assertion qui en dit long sur la méfiance qui prévaut au niveau de la classe politique.

Mais les militaires ne sont plus à la périphérie du champ politique, ils deviennent, maintenant, des acteurs politiques. De citoyens entièrement à part, le président Wade en a fait des citoyens à part entière, devenus, à l’égard de leurs concitoyens civils, électeurs. En effet, avec le vote de la loi autorisant les militaires à voter, le mythique droit de réserve autorise la relecture. Même s’il leur est, toujours, interdit de prendre part à des activités politiques, il reste que le fait de les amener à voter ôte à nos militaires la neutralité qu’exige leur statut. Pire, mus par le simple sentiment humain, des soldats d’une même caserne pourraient être amenés à se haïr à la découverte de leurs camps opposés. Imaginons alors le malaise qui pourrait prévaloir dans l’armée.

Aujourd’hui que la participation de Généraux à la retraite fait l’objet de beaucoup de controverses, la question doit être saisie, pensons-nous, pour discuter de la place véritable de la ‘Grande muette’ dans l’espace républicain tout court. Quel risque y a-t-il à faire voter des militaires ? En quoi la participation de gradés de l’Armée à des débats sur la vie nationale peut-elle être préjudiciable à la République ? Doit-on accepter qu’un militaire en retraite intègre ou crée un parti politique comme l’ont fait respectivement le Général Da Souza et le Colonel Malick Cissé ? Voilà autant de questions dont les réponses pourraient faire avancer le débat.

 



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