Le 12 janvier 2007, l’Assemblée nationale du Sénégal apportait des modifications au Code pénal et au Code de procédure pénale pour internaliser dans le droit positif sénégalais la compétence universelle qui permet à la justice sénégalaise de juger Hissène Habré, l’ancien dictateur tchadien. Ce dernier, qui est accusé de crimes contre l’humanité, est réfugié au Sénégal depuis sa chute en 1990. En attendant de tenir la réunion du congrès (l’Assemblée nationale et le Sénat) pour adopter et voter les modifications de l’article 9 de la Constitution qui donne la compétence aux juridictions sénégalaises de connaître des crimes contre l’humanité, des génocides et des crimes de guerre, le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Me Madické Niang, a réuni hier bailleurs de fonds, organisations de défense des droits de l’homme pour faire ‘un bilan d’étape du procès impliquant Hissène Habré’. ‘J’ai entendu dire que le décret de convocation du congrès a été pris’, a même laissé entendre Madické Niang.
En tout état de cause, le ministre de la Justice a révélé, qu’après la levée des obstacles juridiques, il a voulu apporter des diligences au dossier d’Hissène Habré, ‘pour, dit-il, ne pas accuser de retard’ dans la phase de préparation, d’instruction, de jugement et d’appel. Et, annonce le ministre d’Etat, ‘j’ai le plaisir de vous présenter le coordonnateur de l’organisation du procès d’Hissène Habré, il s’agit du haut magistrat Ibrahima Guèye qui fait partie des magistrats les plus gradés. Il a occupé d’importantes fonctions en tant que juge d’instruction, en tant que président du tribunal hors classe de Dakar. Il a été secrétaire général de la Cour d’appel. Aujourd’hui, il est président de chambre à la Cour de cassation. C’est un magistrat hors hiérarchie connu pour sa rigueur et sa responsabilité’. ‘Désormais, précise Me Madické Niang, le président Iba Guèye sera l’interlocuteur de tous’.
Le président Guèye s’est engagé à garantir un procès juste et équitable. Selon lui, il s’agit d’une mission exaltante, mais aussi contraignante, car il s’agit de mettre en œuvre les conditions pour bien juger Habré. Il s’agit, souligne-t-il, de faire en sorte que la justice sénégalaise soit à l’abri de toute ‘suspicion’ et de tout ‘discrédit’.
En plus de la nomination du coordonnateur du procès, Me Madické Niang a aussi levé un coin du voile en communiquant les noms des différents membres du comité de suivi et de communication, fort de douze membres, dont les huit ont été nommés. Il s’agit du magistrat Cheikh Tidiane Diallo, directeur des Affaires criminelles et de la Grâce, des avocats Mes Bougouma Diène, François Sarr et Waly Diop, du journaliste Mansour Kandji. Les autres seront nommés dans les prochains jours, note le ministre.
En plus, Me Madické Niang a révélé que trois à quatre nouveaux juges d’instruction seront nommés avant la fin de ce mois pour éviter que le procès d’Habré n’entrave le bon déroulement de la justice. De même, des missions du procureur général de la République et d’un pool de substituts sont prévues au Tchad et en Belgique en vue d’asseoir un réquisitoire introductif qui sera le point de départ de l’instruction.
Dix-huit milliards pour juger Habré : Les bailleurs de fonds veulent réduire le budget à 11 milliards
Les bailleurs de fonds, après avoir écouté le ministre de la Justice sur le budget pour le jugement d’Hissène Habré par les juridictions sénégalaises, n’ont pas caché leur volonté de revoir ce budget à la baisse, dans la mesure où des lignes de dépenses significatives ont été supprimées. Il s’agissait, entre autres, de la construction d’un tribunal spécial, de la formation des magistrats et de la sécurité. Ce qui a ramené le budget prévisionnel de 43 milliards, jugé à l’époque ‘excessif’ par Me Wade et les observateurs, à 18 milliards. Et les experts de l’Union européenne, qui ont séjourné récemment au Sénégal, tablent sur un plus de 11 milliards. ‘Il me semble que les 18 milliards étaient un plancher. Et il me semble que les économies effectuées sur le budget avec la suppression de certaines dépenses comme les infrastructures devraient générer une baisse. Si l’évaluation du budget était inférieure à 18 milliards, cela ne sera pas une mauvaise nouvelle’, a estimé Jean Christophe Ruffin, l’ambassadeur de France au Sénégal, et porte-parole des bailleurs en tant que président en exercice de l’Union européenne. Les bailleurs ont d’ailleurs sollicité et obtenu du ministre de la Justice la tenue d’une séance de travail pour discuter du budget et des conditions de préparation du procès.
Me Madické Niang, ancien avocat de Habré : ‘J’ai tourné le dos à ce dossier depuis…’
L’actuel ministre de la Justice sénégalaise, Me Madické Niang, a été jusqu’en 2001 l’avocat d’Hissène Habré. Aujourd’hui qu’il a en charge le département de la Justice, Me Madické Niang a voulu rassurer tous ceux qui nourrissent le doux rêve de le prendre à défaut pour manque de neutralité. Ainsi, il a juré hier la main sur le cœur qu’il a ‘tourné le dos à ce dossier depuis…’.
Ajoutant : ‘Je suis un homme de devoir et j’accomplirai ma mission correctement’. ‘C’est vrai, il est arrivé dans ma carrière d’avocat de défendre Hissène Habré et cela s’est terminé en 2001 avec l’arrêt d’annulation des poursuites contre Habré par la Cour de cassation’, dit-il, sincère. Et de poursuivre : ‘Je suis le seul avocat, qui a été nommé, et qui s’est éloigné de son cabinet depuis six ans alors que j’avais des dossiers importants. Cela, je peux le dire en regardant mes confrères les yeux dans les yeux’. A en croire Me Niang, le président Wade l’a proposé plusieurs fois d’être ministre de la Justice et il a toujours pris prétexte de son ‘passé récent d’avocat pour décliner l’offre, avant d’accepter finalement’.
Par ailleurs, Me Madické Niang a tenu à répondre aux organisations de défense des droits de l’homme, qui ont accusé le Sénégal de manquer à ses engagements internationaux et de défier l’Onu. ‘Nous n’avons pas défié l’Onu. Nous ne faisons pas partie de ceux qui ne respectent pas les résolutions de l’Onu’, certifie-t-il.
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