Dans la vallée du fleuve Sénégal, plus précisément dans la zone de Diama (département de Dagana), les producteurs d’oignons traversent une crise sans précédent. Malgré une campagne agricole menée avec rigueur et espoir, les récoltes s’accumulent dans les champs, faute d’acheteurs et d’infrastructures de stockage. La colère monte, et les producteurs du département de Dagana lancent un appel pressant à l’État du Sénégal pour des mesures urgentes face à une crise aux multiples facettes.
Avec 905 hectares emblavés pour une production estimée à 26 200 tonnes, les producteurs du Walo se retrouvent aujourd’hui dans l’incapacité totale d’écouler leur marchandise. À ce jour, selon leurs représentants, aucun kilogramme n’a trouvé preneur. Une situation jugée « catastrophique » par Masseck Diouf, porte-parole des producteurs.
« Nous lançons un appel pour alerter, mais aussi pour supplier les autorités de nous venir en aide. La production est aujourd’hui en souffrance dans les champs », a-t-il déclaré.
Les causes de cette crise sont multiples : surproduction nationale, absence d’infrastructures de stockage, fermeture des frontières commerciales avec les pays voisins, et concurrence jugée déloyale des grandes entreprises d’agrobusiness. Ces dernières, initialement orientées vers l’exportation, écoulent aujourd’hui leurs récoltes sur les marchés locaux, notamment à Thiaroye, Touba ou Dalifort, accentuant ainsi la saturation du marché, selon les producteurs.
Face à ce marasme, les cultivateurs rappellent avoir consenti d’importants investissements, contractant près de deux milliards de francs CFA de prêts auprès des banques locales. À l’approche de la Tabaski et des échéances de remboursement, l’angoisse grandit dans les familles rurales déjà fragilisées par les aléas climatiques et les incertitudes du marché.
Pour sortir de cette impasse, les producteurs ont formulé plusieurs propositions à l’endroit des autorités :
L’instauration d’un moratoire temporaire interdisant aux entreprises d’agrobusiness de vendre sur le marché local pendant au moins un mois et demi, afin de permettre aux producteurs locaux d’écouler leur stock.
L’application effective des fonds de commercialisation déjà annoncés par l’État, mais dont aucun impact n’a été ressenti jusqu’à présent.
La réouverture des frontières commerciales avec la Gambie, le Mali et la Guinée, historiquement de grands débouchés pour les oignons du Walo.
La relance des engagements de l’usine SAF Ingrédients, censée transformer localement une partie de la production, mais toujours inactive malgré les promesses.
Au-delà des pertes économiques, les producteurs redoutent un impact social dramatique.
« La jeunesse perdra espoir et reprendra les pirogues vers l’Europe », alerte Masseck Diouf.
L’endettement massif des exploitants pourrait compromettre les prochaines campagnes agricoles et mettre en péril la sécurité alimentaire du pays.
Dans un contexte où la souveraineté alimentaire est présentée comme une priorité nationale, cette crise met en lumière les fragilités structurelles de l’agriculture sénégalaise.
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