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Prostitution 2.0: De la rue à la toile

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Prostitution 2.0: De la rue à la toile

Sites de petites annonces ou d'escorts, prostitué(e)s à leur compte ou réseaux de proxénétisme... Internet est devenu le nouvel eldorado de la prostitution.

"Besoin d'un massage complet? Ne cherchez plus. Je suis une belle fille asiatique de 24 ans, naturelle. Je vous invite à venir passer avec moi un moment de détente et de relaxation. Mes mains très douces vous relaxeront de vos tensions." Cette petite annonce postée par une certaine "chenhaiyun7777" s'accompagne de trois photos suggestives en déshabillé noir transparent et d'un numéro de téléphone.  

Elle en côtoie des milliers d'autres sur Vivastreet. Le site de petites annonces gratuites a même une rubrique dédiée, au nom explicite, "Erotica". Si le terme "escort" n'est pas évoqué, la nature des prestations proposées laisse cependant peu de place au doute. Le vocabulaire ne varie pas beaucoup selon les filles, il est parfois question de "courtoisie" et d'"hygiène de rigueur", de mensurations ou encore d'horaires.  

Cette prostitution qui ne dit pas son nom a investi la toile ces dernières années et elle s'immisce sur des supports de petites annonces comme Vivastreet, des sites de rencontre ou de petits boulots ou même les réseaux sociaux avec photos suggestives, allusions et mots codés. Ces sites s'apparentent parfois à de véritables catalogues avec des recherches par critères ultra précis: tour et même forme de poitrine ("en poire", "en pomme", "en obus" ou "en gant de toilette"), forme des fesses, couleur des yeux, et même ongles, lieu de rencontres ou encore horaires. Parfois, les clients peuvent même laisser notes et commentaires.  

"Plus d'une centaine d'appels par jour"

Elisa, "installée en indépendante à Paris depuis le mois de juin", trouve ses clients sur des sites "spécialisés", cinq au total, pour trois clients par semaine maximum. Elle livre peu d'informations dans ses annonces mais renvoie vers son site personnel dans lequel elle détaille prestations et tarifs, sans détours. "Au tout début, je ne donnais quasiment aucune information, juste 'je fais des massages, appelez-moi' et je recevais plus d'une centaine d'appels par jour pour me poser des questions." Pourquoi avoir choisi Internet plutôt que la rue? "Quand on a vraiment le choix, on préfère bosser de chez soi, sur son canapé, avec son ordi sur les genoux", affirme la jeune femme de 28 ans.  

Plus libres les prostitué(e)s à leur compte derrière leur écran? "Le problème, c'est que les sites sont tout-puissants. Ils nous laissent passer des annonces. Mais après, ils peuvent arbitrairement changer la sémantique autorisée et censurer des profils. Dans certains cas, il faut repayer pour créer un profil", explique Thierry Schaffauser qui pour sa part ne passe que par des gratuits pour proposer ses prestations. Ce membre fondateur du Strass (le Syndicat du travail sexuel) milite pour que les travailleurs du sexe puissent créer leurs propres sites en accès gratuit, "ce qui permettrait partager des informations sur les mauvais clients et de communiquer entre nous. Mais c'est impossible de le faire sans être accusé de proxénétisme."  

"Il faut prioritairement s'attaquer aux réseaux"

L'offre 2.0 est pléthorique. Car celles et ceux "à leur compte" ne sont pas les seuls à investir Internet. Les réseaux de prostitution aussi. Récemment à Créteil, un réseau criminel portugais a été démantelé. Les proxénètes faisaient venir des Brésiliennes à Paris qu'ils "exposaient" en ligne. Quand les clients réservaient, ils recevaient par SMS le numéro de chambre. "Tout est dématérialisé, explique Myriam Quémener*, procureur adjoint au Tribunal de grande instance de Créteil. Souvent, les sites sont hébergés à l'étranger, ce qui accroit les difficultés à remonter jusqu'aux auteurs." D'autant que les sites fermés réapparaissent très rapidement sous une autre forme. 

Les enquêtes sont souvent longues et minutieuses. Les policiers peuvent se faire passer pour un client pour pouvoir les prendre "en flag". "Il faut prioritairement s'attaquer aux réseaux. En France la législation est très performante en terme de lutte contre la cybercriminalité. Mais il y a un problème de moyens", affirme cette spécialiste en cybercriminalité qui réalise notamment des formations à destination des magistrats.  

L'article 1 de la proposition de loi socialiste visant à pénaliser les clients est consacré à Internet. Il prévoit la possibilité de recourir au blocage administratif de sites Internet (français et étrangers) favorisant le proxénétisme. Mais un amendement surprise a été déposé pour annuler ces dispositions. Les nombreux sites de proxénétisme hébergés à l'étranger pourraient donc continuer à prospérer sans être inquiétés.  

*Auteure de Cybersociété, entre espoirs et risques 



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