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PROSTITUTION CLANDESTINE - Pourquoi les veuves s’adonnent de plus en plus au plus vieux métier du monde

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PROSTITUTION CLANDESTINE - Pourquoi les veuves s’adonnent de plus en plus au plus vieux métier du monde
La prostitution est le plus vieux métier au monde. Mais au Sénégal, il a été noté un phénomène nouveau dans cette activité tolérée par la loi, mais réglementée par le code pénal et le code de l’hygiène et de la santé publique. Des veuves, souvent très respectables, descendent dans la rue pour prêter leurs services au plus offrant. En toute clandestinité. Ce, disent-elles, pour subvenir aux besoins de leurs progénitures et surtout bouillir la marmite. Si l’islamologue Taïb Socé estime que ceci n’est qu’un prétexte fallacieux, au niveau de l’Ipres on se rend compte que les veuves les plus chanceuses, c’est-à-dire celles qui s’étaient liées à des fonctionnaires, ont des pensions dérisoires.
 
Également, toutes les femmes qui s’adonnent à ce métier sont logées à la même enseigne par la loi. Elles doivent se conformer aux règles édictées, sous peine de se retrouver en prison. Une loi qui, selon Me Jacques Baudin, est en contradiction avec la convention internationale sur le droit des femmes, régulièrement signée et ratifiée par le gouvernement sénégalais.

Jeudi 26 octobre. 11 heures. À la salle des assises du Bloc des Madeleines. Ici se déroule une audience du tribunal régional de Dakar statuant en matière de flagrants délits. A côté du box des prévenus où les détenus (hommes), attendent leur tour au prétoire, huit femmes sont parquées dans un coin. Elles aussi, vont être jugées. Si les trois ont été déférées par le commissariat de Rufisque pour rébellion et entrave à une mission de police, les cinq autres doivent être jugées pour défaut de carnet sanitaire. En d’autres termes, prostitution clandestine.

Et les veuves de s’adonner au plus vieux métier du monde

Après l’affaire des rufisquoises, Me Mahfouz Thioye s’approche de la barre et appelle un dossier. Une dame, habillée d’un grand boubou teinté communément appelé «Thioup», se pointe à la barre. Née en 1959, mère de 6 enfants et habitant à Pikine, elle semble être une dame respectable. Mais quand le juge lui signifie la prévention pour laquelle elle est poursuivie, à savoir le défaut de carnet sanitaire, la salle reste interdite. Et lorsqu’elle révèle qu’elle était l’épouse d’un gendarme qui a tiré sa révérence, le public ne peut contenir son amertume. La dame en question, après la mort de son mari, et face aux charges familiales, a été obligée d’aller se trouver un carnet sanitaire pour se muer en péripatéticienne. Ni ses enfants devenus grands, encore moins ses proches parents, n’étaient au courant de son activité délictuelle. Jusqu’à ce qu’elle soit chopée au centre ville par une patrouille de la police alors qu’elle avait omis de se soumettre à la traditionnelle visite médicale de tous les 15 jours, du fait d’une courte maladie. À la barre, la dame a reconnu les faits et a été condamnée à 5 jours. En plus de cette condamnation, elle a vu sa famille se déchirer et quelques-uns de ses enfants quitter le domicile familial, dégoûtés qu’ils sont par les pratiques de leur mère. Ce dossier clos par le prononcé du verdict, une autre affaire est appelée à la barre. Cette fois, ce sont cinq dames qui comparaissent pour le même délit, le défaut de carnet sanitaire. Elles ont été arrêtées dans des endroits différents de la capitale et habitent également dans des quartiers différents. Mais elle ont la particularité d’avoir chacune quatre enfants à prendre en charge et d’être des veuves. Elles s’en sont tirées avec une condamnation de 10 jours ferme.

La loi ne fait aucune distinction

Cet échantillon de cinq femmes, toutes des veuves, jugées le même jour pour les mêmes faits, renseigne sur le phénomène de la prostitution qui n’est plus l’apanage des jeunes filles désoeuvrées, mais également de femmes qui, sous des traits de respectabilité, s’adonnent au plus vieux métier du monde en toute clandestinité. Elles expliquent, toutes, qu’elle ne s’adonnent pas à cette activité de gaîté de cœur. C’est par nécessité qu’elles vendent leur chair, car n’ayant pas de ressources ni de soutien pour tenir leur foyer. Alors que, qu’il pleuve ou qu’il vente, il faut qu’elles fassent bouillir la marmite pour faire vivre leurs enfants. Un acte qui, malgré les explications des mises en cause, ne peut aucunement constituer une excuse. En tout cas, le code pénal qui prévoit et réprime ce délit ne fait aucune distinction entre une fille, une vieille femme, une veuve, une fonctionnaire…Toutes celles qui s’adonnent à la prostitution, sans se conformer aux obligations édictées par les lois et règlements, sont logées à la même enseigne. Les motivations ne comptent que pour amener le juge en charge du dossier, doté d’un imperium, à être clément à l’égard de telle ou telle femme. En effet, même si la loi autorise les femmes à vendre leur chair, il leur est interdit de se livrer «publiquement au racolage en vue d’inciter à la débauche» (article 9 alinéa 3 du code pénal). Agissant ainsi, elles commettent une contravention punie d’une amende de 200 à 20.000 francs et d’une peine de 1 jour à un mois. Également, pour s’adonner au plus vieux métier du monde, la loi assujettit les péripatéticiennes à l’obtention d’un carnet sanitaire et à la soumission à une visite médicale tous les 15 jours. Celles qui ne respectent pas ces deux obligations sont passibles des mêmes peines qui frappent les racoleuses.

Contradiction du code pénal avec la convention internationale sur le droit des femmes

Mais selon Me Jacques Baudin, ces dispositions n’ont aucune base légale car «le Sénégal a signé et ratifié une convention sur le droit des femmes et qui interdit toute forme de discrimination les concernant». Or, ajoute l’avocat, «rafler des femmes parce qu’elles n’ont pas de carnet sanitaire est une forme de discrimination». Selon l’ancien garde des Sceaux, «c’est une discrimination parce que les homosexuels ne sont pas arrêtés alors qu’ils n’ont pas de carnet sanitaire». Ce qui veut dire que «l’arrestation des femmes pour défaut de carnet sanitaire est en contradiction avec les obligations dont le Sénégal est débiteur parce qu’ayant signé et ratifié cette convention», soutient Me Baudin. L’avocat renseigne qu’en France et aux Etats unis, il n’y a pas de délit relatif au défaut de carnet sanitaire. «Comme pour le dépistage du Vih sida, on aurait dû créer des centres de santé dans toutes les régions pour suivre gratuitement les femmes prostituées et les homosexuels. En faire un délit ne règle pas le problème. C’est installer chez les femmes un sentiment de honte alors que la prostitution est le plus vieux métier du monde», fait remarquer l’ancien ministre de la Justice. Pour lui, installer des centres de santé pour les suivre, aurait pu permettre de voir les causes sociologiques et sociales de cette industrie dont les pays sous-développés n’ont pas l’apanage. «À bien considérer, c’est une activité qui concerne les jeunes, les adultes, les vieilles femmes, les veuves… Malheureusement, malgré la supériorité de cette convention sur la loi, les magistrats refusent systématiquement de l’appliquer alors qu’un ordonnancement juridique a pour principe que les conventions internationales et les traités sont au-dessus et de la Constitution et des lois et règlements».

Le lévirat et le sororat - Des antidotes pour lutter contre la prostitution des veuves.

Pratiques très courantes dans certaines ethnies, notamment dans les ethnies Hal puulaar, Soninkés et chez les «Ndiambour Ndiambour», le lévirat et le sororat constituaient à l’origine, un facteur de pérennisation du tissu familial. Et donc, une assurance de la bonne prise en charge des enfants du défunt ou de la défunte. Face à la propension des veuves à se livrer à la prostitution, le lévirat et le sororat ne constituent-ils pas une panacée à ces phénomènes ? Néanmoins, de telles pratiques constituent de plus en plus un terreau fertile pour la prolifération de maladies aussi bien héréditaires que sexuellement transmissibles, comme le VIH sida. Le professeur Omar Sylla, directeur de l’école nationale de développement social et sanitaire (ENDSS), apporte des éclaircissements.

Le lévirat pourrait être défini comme le fait pour une femme d’épouser le frère de son défunt mari, tandis que le sororat est le fait pour un homme d’épouser la sœur de sa défunte femme. Vivement indiqués en cas de décès d’un des conjoints dans certaines ethnies, le lévirat et le sororat créent, à l’évidence, un nouvel espace sur le double plan social et conjugal. Recommandés en vue d’améliorer la qualité du tissu social mais surtout l’assurance d’une pérennisation dans la prise en charge des enfants du défunt ou de la défunte, le lévirat et le sororat posent le problème de la balance entre les avantages et les inconvénients qu’ils sont censés apporter au sein d’une famille. Entre autres avantages, on peut citer une consolidation du tissu familial, un facteur déterminant pour éviter la dispersion des enfants du défunt ou de la défunte. «Et, à la différence des veuves qui se livrent à la prostitution pour faire vivre leur progéniture, le lévirat et le sororat constituent un excellent moyen pour contrer ce genre de solution extrême», explique le professeur Sylla Mais, selon lui, cela pose aussi un problème relevant du droit privé et du droit public. Droit privé, car dans cette affaire, c’est la femme qui est plus vulnérable, car on lui refuse toute autonomie en ce qui concerne son intimité, l’appropriation de son corps et le droit à revendiquer des projets de famille. En ce qui concerne le droit public, les intérêts résident dans une meilleure amélioration de la toile sociale, puisque cela permet de maintenir un fonctionnement unitaire de la famille. Et une continuité du patronyme, c’est-à-dire le legs du nom de famille. «Ce sont certes des pratiques très intéressantes sur le plan social. Mais malgré les rares avantages que cela procure, le lévirat et le sororat peuvent aussi être des vecteurs de maladies. «Car quand on «hérite» d’une femme ou d’un homme, on hérite aussi de ces problèmes sanitaires et la plus belle illustration est la transmission du VIH sida. Ainsi donc, on s’est rendu compte que le lévirat et le sororat constituent des co-facteurs de la transmission du VIH sida», explique le Pr Sylla. Continuant ses explications, il pense que c’est l’absence de tests prénuptiaux lors de tels mariages qui constituent la véritable cause de la prise de risques et de la prolifération de ces maladies et infections. Car le mariage, c’est l’union de deux êtres et dans ce cas, chacun vient avec sa «corbeille» ; sa corbeille sociale, sanitaire etc. Jugeant que le lévirat et le sororat constituent un terreau fertile pour la prolifération du VIH sida et de différentes infections, le Pr Sylla préconise le recours aux tests prénuptiaux pour une plus grande «sécurité» dans le couple. Bien que pouvant aboutir à des unions heureuses, le lévirat et le sororat peuvent aussi être des canaux de transmission et de potentialisation de tares souvent héréditaires comme la déficience mentale.

Une pension souvent modique pour les veuves.

Rester trois mois pour percevoir une pension d'un taux de 50% du patrimoine du mari : tel est le calvaire que vivent les femmes veuves au Sénégal. Et le malheur dans tout cela, est de devoir partager la modique somme avec ses coépouses s'il s'agit d'un mari polygame.

Les temps ont changé. De plus en plus, il n'est plus question d'hériter la femme de son frère en cas de décès. On la laisse à son propre destin, avec ses enfants en charge. Les pensions à l'institution de prévoyance retraite du Sénégal (IPRES), ne règlent pas les problèmes des veuves. Quand on sait qu'au Sénégal, les salaires sont insignifiants par rapport au coût de la vie. Et pire encore, lorsque le défunt a laissé quatre femmes. Elles sont alors obligées de se partager la pension à parts égales. Mais, dans quelles conditions peut-on bénéficier de la pension ? Un spécialiste rencontré à l'Ipres répond : «À cinquante (50) ans déjà, sans enfants, la femme perçoit la pension. Et si la femme n'a pas cinquante ans, elle peut percevoir sa pension, à condition d'avoir deux enfants mineurs. C'est-à-dire âgés de moins de 21 ans. Il y a aussi que si la femme a deux enfants, même si elle a moins de vingt (20) ans, on lui donne la pension. Et l'autre cas de figure est que la femme peut anticiper à 45 ans et même sans enfants. Et là, elle perd 5% par an. C'est-à-dire qu'elle va perdre 25% pour les cinq (5) ans». Continuant ses explications, le spécialiste explique la raison du faible taux de la pension: «Avec un taux de 50%, la pension ne peut pas être une somme importante. Surtout que les salaires au Sénégal ne sont pas élevés. Il y a aussi le fait que les Sénégalais sont généralement polygames. Ce qui fait que si le défunt avait quatre épouses, ses veuves vont devoir se partager la somme à parts égales. C’est-à-dire que si le mari avait versé 80.000 Fcfa, avec le taux de 50%, les veuves vont se partager les 40.000 Fcfa. Ce qui revient à 10.000 Fcfa pour chacune d'elles par trimestre», se désole notre interlocuteur. Il poursuit en soulevant le cas des orphelins. «La veuve ne peut pas cumuler sa pension et celle de ses enfants orphelins. Certes, les orphelins dont les mères sont divorcées, peuvent bénéficier des oeuvres de l'Ipres. Mais, la veuve ne peut pas, à elle seule, percevoir la pension ainsi que ses enfants». Il explique aussi qu'il n'y a aucune condition pour mettre fin aux bénéfices des oeuvres de l'Ipres. «C'est à vie. Seule la mort peut y changer quelque chose. Même si la femme se marie pour une deuxième fois, elle va continuer à percevoir la pension». Selon lui, ces oeuvres sont une mesure sociale pour aider les femmes. «Depuis 2.000, il y a une revalorisation de la pension de cinq (5%). Ce qui fait un taux de 30% pour les six (6) ans. Cela a beaucoup amélioré la situation. Il y a aussi les entreprises de l'Etat comme la RTS, la SOTRAC, la SIAS qui n'avaient pas versé. Depuis l'année dernière, on a commencé à payer les «ayant droits» avec la somme que l'Etat a versée pour eux, un montant de huit milliards deux millions (8,02 milliards)». Le spécialiste termine en parlant de formules qui sont en cours d'élaboration pour une meilleure prise en charge des pensionnaires.

Taïb Socé, islamologue. «S’adonner à la prostitution pour une veuve est impardonnable»

À la suite de nombreux cas de jugements de femmes veuves et prostituées que l’on a remarqués ces derniers temps au tribunal, nous avons recueilli l’avis de Taib Socé, islamologue. Selon lui, une femme, veuve de surcroît, qui se prostitue pour faire vivre sa progéniture, cela n’a pas de sens. Il n’y a aucune raison valable pour excuser un tel fait. Étant donné qu’elles peuvent s’adonner à un autre métier comme celui de laveuse, de femme de ménage, de commerçante entre autres. J’aurais pu comprendre plutôt qu’elles se prostituent parce qu’elles ont goûté à quelque chose qu’elles ont perdu et cela peut les pousser à vouloir aller le chercher ailleurs. Mais le fait de se prostituer pour une veuve, mère de famille en plus, est impardonnable. Il n’y a aucun prétexte que l’on peut invoquer pour justifier cela. D’autant plus qu’elles le font en cachette, à l’insu de leurs familles et bien souvent de leurs enfants. Quant au lévirat et au sororat, ce sont «des pratiques qui ne sont pas interdites par la religion mais elle ne l’impose pas non plus. Et cela se fait en général avec l’accord de la femme qui est la principale concernée.» Jadis, «la religion préconisait le recours à ces pratiques pour éviter la dislocation de la famille du disparu ou de la disparue. Et socialement, cela permettait de venir en aide financièrement à la veuve. Mais de nos jours, les hommes doivent venir en aide aux veuves en les épousant. Je pense que cela règlerait le problème et permettrait aux veuves de ne pas vendre leur chair pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur progéniture.», a conclu l’islamologue.



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