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Réactions des marcheurs - Le cri de détresse des oppressés du système

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Réactions des marcheurs - Le cri de détresse des oppressés du système

Finalement, les jeunes de l’opposition ont marché le samedi dernier sans heurt. Il y a eu beaucoup de couleurs et d’ambiance avec des milliers de manifestants. Aussi, comme à l’accoutumée, beaucoup de discours de la part des hommes politiques. Mais, nous vous proposons, ici, les maux et les souffrances de Sénégalais qui ont battu le macadam, recueillis dans la chaleur de l’événement.

Incertitude sur le triangle Sud. L’heure annoncée pour le début de la marche (15heures) est passée il y a une heure et l’affluence laisse à désirer. Même pas l’ombre des leaders du Front Siggil Senegaal. L’inquiétude se perçoit sur les regards scrutant les alentours dans l’attente d’une nouvelle délégation. Barthélemy Dias, escorté par des nervis, a le temps de parler à la presse internationale, fortement représentée cet après-midi. La foule clairsemée pour l’instant suit dans un bel désordre le maître de cérémonie, perché sur le camion où est placée la sonorisation voulant rassurer son monde : «Patientez un peu ! On nous annonce l’arrivée d’autres délégations de jeunes. Il ne faut pas qu’Abdoulaye Wade dise demain que nous étions 50 personnes à marcher.» Mais l’attente ne sera pas vaine. Bientôt, ils seront des milliers à contester le régime tout au long du Boulevard Charles de Gaulle, chacun exprimant ses maux.

NAFY SECK, élève à Rufisque,

«Nos parents ne peuvent plus nous assurer la bouillie de mil» «Je suis venue pour exprimer la fatigue de mes parents. Ils sont meurtris : ils ne peuvent même nous regarder en face, car ils ne peuvent plus assurer une bouille de mil. Ils ne voient plus de mil encore moins de riz. On veut qu’on nous aide ! Nous sommes maintenant au bout de la tolérance et il n’y a pas d’espoir. C’est le comble !»

Le cortège des manifestants dépasse le Building communal avec ses slogans hostiles à l’alternance. La chaleur ne calme pas les marcheurs qui accélèrent la cadence. Les organisateurs tentent de les ralentir. Peine perdue. Thiendella Sall, la trentaine, la sueur sur son visage de teint noir. Il contourne les organisateurs et crie son mécontentement.

THIENDELLA TANOR SALL (Diamagueune)

«On veut savoir comment l’argent de l’Anoci a été utilisé» «Nous exigeons la réduction du train de vie démesuré et indécent de l’Etat. Nous voulons que la lumière soit faite sur les milliards gaspillés dans les chantiers de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci). Le pays souffre et on ne sait comment notre argent est utilisé. Je lance un appel à tous les patriotes pour faire partir ce régime.» La foule s’enfle. Des jeunes filles exécutant des danses endiablées traversent le premier rond-point de l’avenue avec des déclamations où on demande au chef de l’Etat de partir. Les femmes plus âgées, elles, progressent lentement tout en se lamentant sur le sort de leur famille vaincue par la conjoncture.

NDEYE AWA BASSE, vendeuse au Parcelles Assainies, : «On ne sait plus quoi vendre»

«Mon mari et mes enfants n’en peuvent plus. Il faut que Me Wade se réajuste un peu. On lui demande le minimum ! Qu’il comprenne que nous n’avons pas d’autre espoir ; il n’y a que lui qui peut nous aider sur le coût de la vie. On en est malade ! Le logement est insupportable et la vie difficile. On ne sait plus quoi vendre pour s’en sortir ni quoi faire. Il vaut mieux mourir que de continuer de vivre dans ces conditions. Il doit faire quelque chose.»

Ce cri de Ndèye Awa Basse, la soixantaine révolue, est scandé par Mor Tall dans la fureur de la marche. Il gesticule, hurle comme pour épancher une soif d’expression maintes fois refoulée ou différée. Mais lui, fait appel aux amis du Sénégal pour sauver le pays du gouffre.

MOR TALL Parcelles Assainies, «Que les Sénégalais de l’extérieur comprennent…»

«Nous voulons simplement que tout le monde entende notre cri de détresse. Cette marche est un appel au secours lancé par les Sénégalais destiné au monde entier. Je veux surtout m’adresser aux Sénégalais de l’extérieur. Il ne faut pas qu’ils restent à l’étranger pensant que tout va bien. Il faut, aussi, que les pays qui se disent amis du Sénégal soient informés de nos difficultés. Les organisations internationales doivent également nous venir en aide avant que cela ne soit trop tard. Wade a mis à genoux l’économie du pays. Il a bafoué les institutions, fragilisant notre démocratie qui faisait notre fierté dans le monde.»

Les marcheurs ont déjà atteint le deuxième rond-point sur le boulevard. Abdoulaye Bathily, accompagné de Tanor Dieng ne sont pas suivis par Amath Dansokho que sa santé confine dans un véhicule 4/4 roulant au rythme de la marche. L’inquiétude est dissipée, la mobilisation est une réussite. Les Sénégalais sont là, étalant leur maux de l’heure.

SERIGNE ABDOU SAMATH MBACKE, marabout président d’une Ong, «Le plan Goana est ridicule»

«Je suis venu au même titre que tous les Sénégalais pour donner un signal fort à Abdoulaye Wade. Il faut qu’il arrête de nous divertir, qu’il réponde aux problèmes économiques par des solutions économiques et non par des dérives et des déclarations politiciennes. Il a parlé du plan Goana, mais c’est ridicule ! Il veut que les ministres aillent aux champs : c’est une blague. Un plan agricole ne peut pas prospérer au Sénégal, s’il ne s’appuie pas des réalités du monde rural. Mais, tout cela c’est pour nous distraire.»

Ce marabout qui se réclame du Parti socialiste, à peine a-t-il terminé son propos qu’un jeune illustre ses dires par un sac de riz vide sur lequel on lit : «Goana veut dire, Grande offensive d’Abdoulaye Wade pour neutraliser la filière arachides». Va savoir… Des sachets de sucre vide, du pain massacré, des casseroles vides ; ceux qui sont venus battre le macadam usent de tous les moyens pour dire simplement que la vie est chère. Mais, les préoccupations ne sont toujours les mêmes.

PIERRE SARR, cultivateur à Ndiaganiao : «Les semences sont de mauvaise qualité»

«Je suis venu à la marche pour que les gens comprennent que l’agriculture est morte dans ce pays. Je ne parle pas dans l’air ; je ne suis même pas un politicien. J’ai des preuves de ce que j’avance : je suis un cultivateur et je vis de cela. L’Etat nous livre de très mauvaises semences. Je l’ai vécu ; on m’a donné des semences de piètre qualité et je n’ai rien pu récolter. Depuis, je croupis dans la misère.»

Le monument de l’Obélisque, témoin de tant des souffrances et colères des populations qui y viennent souvent se lamenter, est à quelques mètres maintenant. Le soleil emporte vers l’horizon la satisfaction des manifestants qui sont arrivés au lieu sans heurt sous une escorte «intelligente» de la police. Les politiciens, organisateurs, peuvent s’adonner au discours ou poser devant la presse. Pape Badiane, les traits tirés, petite taille, étudiant de son état, confie son incompréhension du régime de Me Wade.

PAPE BADIANE, Maîtrise en sociologie (Ucad), : «Wade nomme des cancres et les diplômés chôment»

«Je ne peux pas comprendre le système de Me Wade ! Je prends mon cas : j’ai ma maîtrise depuis deux ans, mais je n’arrive pas à avoir du boulot. En même temps, il nomme des cancres dans des postes de responsabilités. Ceux qui ont tout donné pour leurs études chôment; les cancres décident pour nous. Comment Wade peut nous expliquer cela ? Des gens qui n’ont même pas le Bfem sont Présidents de conseils d’administration de grandes entreprises alors les diplômés chôment, s’ils ne prennent pas la mer. C’est horrible ! Ca suffit !»

Ce qui est surtout suffisant pour cette vieille personne, ovationnée par les jeunes filles qui s’amusent de ses propos, concerne le manque d’encens au palais de la République. Il regrette : «Mon mal vient du palais de la République et je veux que la jeune génération lave l’affront. Je vous lance un appel : quand viendra le moment de désigner quelqu’un pour le palais de la République, abstenez-vous de choisir quelqu’un qui a une femme toubab ou métisse. Viviane Wade ne peut pas comprendre ce que le thiébou Dieune ou le Mafé représente pour nous Sénégalais. C’est pourquoi Wade méprise notre thiébou dieune national. Et puis le palais manque de d’encens, de Némali…»

C’est fini, la marche tellement redoutée par les autorités.



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