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«RAC-TAC », « TOLOF-TOLOF », et « TEUSS » : Le succès de la presse de racolage

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«RAC-TAC », « TOLOF-TOLOF », et « TEUSS » : Le succès de la presse de racolage

Le paysage médiatique sénégalais vit un deuxième boom de ce que l’on qualifie à tort ou à raison de presse people. En l’espace d’un an trois titres, « Rac-Tac », « Tolof-Tolof », « Teuss », ont fait leur apparition dans l’espace médiatique. Ces journaux racoleurs, aux titres provocateurs et aux vitrines à la limite pornographiques, viennent de combler le vide laissé par « Mœurs », « Frasques », et « Tract », en rapportant des histoires d’inceste, de pédophilie, de proxénétisme, de viol et de tentatives de viol.

« Certes, il y a beaucoup de publications. Mais c’est la politique qui domine. Il est arrivé un moment où les Sénégalais avaient besoin d’une information de proximité. C’est ce qui explique la création de ce journal ». Cette assertion de Samba Thiam, le directeur de publication de l’hebdomadaire « Tolof-Tolof », sonne comme un cri de défi. En peu de temps, son journal a réussi à se faire une place dans le paysage médiatique sénégalais. À vrai dire, pas par la qualité de son produit. « Tolof-Tolof », comme d’autres publications de la place, a réussi à trouver le « bon filon ». Même s’il est inscrit dans son ours « Journal d’informations générales », il privilégie ou rapporte des histoires d’inceste, de pédophilie, de proxénétisme, de viol et de tentatives de viol.

Les journalistes et les directeurs de publication de « Rac-Tac » ou de « Tolof-Tolof » justifient la publication de ces informations par un « besoin d’assainir nos mœurs ». Donc pour eux, les informations qu’ils traitent sont loin d’avoir des incidences négatives sur la société et surtout sur l’éducation des enfants. « Nous voulons à travers ces informations montrer la face cachée des Sénégalais. Tout cela obéit à une logique éducative, parce que nous nous inscrivons dans des actions de sensibilisation et d’éducation. Nous voulons participer à l’assainissement de nos mœurs et aider les Sénégalais à distinguer le vrai du faux », soutient le directeur de publication de « Tolof-Tolof ».

Son patron, l’homme d’affaires et directeur du groupe « FT communication », M. Aly Aw, qui a également lancé « Rac-Tac », renchérit : « Certaines illustrations ne sont pas conformes à nos mœurs. Mais nous devons dépasser certaines considérations. Nous ne devons pas avoir de gêne pour parler de certaines choses. En montrant ce qui est mauvais, nous indiquons de façon nette ce qu’il faut faire. Nous estimons, contrairement à ce que pense une partie du public, que nous accomplissons un travail de moralisation », argumente-t-il.

Samba Thiam et ses collaborateurs soutiennent que dans le cadre de leurs missions, ils ne se laisseront pas « divertir par les uns ou les autres ». « Nous ferons notre travail sans chercher à plaire ou à déplaire une partie du lectorat. Nos journalistes tiennent au respect des règles qui régissent l’exercice de la profession des journalistes. Nous déployons des reporters sur le terrain. S’agissant des informations qu’on nous file, nous procédons aux vérifications, aux recoupements. Nous faisons notre travail en étant quitte avec notre conscience », souligne Samba Thiam, qui a travaillé à « l’Info 7 », à « Tract » et assumé les responsabilités de rédacteur en chef à « Taxi », au journal le « Point » et à « Lettre Quotidienne ».

Les équipes rédactionnelles de ces titres racoleurs, constituées par des « journalistes formés » et par des « passionnés de l’écriture », rejettent en bloc tous les commentaires ou rumeurs qui les accusent de « bidonner » des histoires ou de publier des illustrations tirées du Net. Selon certains journalistes de ces titres, « certaines informations et photos sont livrées par le public ». « Ce sont des histoires réelles que nous diffusons. Parfois, ce sont les populations qui nous envoient des photos et des informations », révèle par exemple Laye Kama, journaliste à « Rac-Tac ».

« Nous nous inscrivons en faux contre tous ceux qui croient que les contenus de nos articles ne sont que des affabulations. Nos articles reflètent le véritable visage de notre société. Tout ce qui se passe en Europe se pratique maintenant sous nos cieux. Ce sont des faits réels que nous publions. Ceux qui nous taxent de publier des informations ou images contraires à notre culture, nous les laissons avec leur conscience », poursuit le directeur de publication de « Teuss », Alioune Cissé, qui a eu à faire ses armes dans plusieurs rédactions de la place. Toutefois et à la différence de « Mœurs », les deux journaux de Aly Aw, « Rac-Tac » et « Tolof-Tolof » réservent leur der (dernière page) à la promotion des salons de coiffures et de mode. Pour se donner bonne conscience ?

PENDA MBOW, HISTORIENNE : « L’image de la femme sénégalaise est dévalorisée »

Militante de la cause féminine sans revendiquer l’étiquette de « féministe », Penda Mbow s’insurge contre toute information qui contribue à dégrader l’image de la femme sénégalaise.

Penda Mbow est formelle. La diffusion de l’image de la femme par une certaine presse contribue à la dévaloriser. Pour la militante de la Société civile qu’elle est, le positionnement éditorial de ces journaux est dicté uniquement par la logique de vente. « La diffusion d’une certaine image de la femme est liée à l’explosion médiatique. Nous avons tendance à voir la presse « people » mettre en valeur les atours de la femme plus tôt que son esprit. Parfois, on est heurtée quand on voit certaines images », s’indigne Penda Mbow.

Elle milite pour la diffusion d’informations qui mettent en valeur la beauté de la femme et de ses atours, surtout en prenant en compte les réalités des pays du Sahel. « Nous ne sommes pas contre la diffusion de la beauté de la femme. Nous avons eu, dans le passé, certains écrivains qui ont chanté dans leurs écrits cette beauté de la femme noire. Nous voulons que l’on présente cette beauté sans verser dans la dénudation », martèle Penda Mbow.

Mais elle accorde des circonstances atténuantes aux journalistes, en fustigeant l’attitude des femmes qui acceptent la présentation de leur corps.

Après tant d’années acharnées de lutte pour la reconnaissance de leurs droits, les femmes, estime Penda Mbow, doivent se remobiliser pour sensibiliser certaines de leurs « sœurs » sur ce que l’historienne qualifie de « marchandisation » de leur image. « C’est regrettable. Certaines femmes ne sont pas vigilantes sur la marchandisation de leur image. Il faut que nous continuions à nous mobiliser pour conscientiser la nouvelle génération sur cette question. Il faut qu’on leur fasse savoir que c’est bon de participer à des concours de beauté, mais elles doivent refuser de verser dans la banalisation de leur corps », exhorte Penda Mbow.

Elle aimerait voir ces journaux traiter l’image féminine « sous un autre angle, avec un autre regard », en donnant aux populations une « vision plus globale sur la femme ». Car, dit-elle, « la femme ce n’est pas seulement le corps, c’est aussi l’esprit ».

Penda Mbow regrette le manque de visibilité des femmes intellectuelles et des femmes leaders dans les colonnes de la presse. Pour elle, la diffusion du travail de ces femmes, qui se battent pour le développement du pays, donnera plus de valeur à la gent féminine.

« Nous voyons très rarement les femmes faire la une des journaux. Lorsqu’une femme fait la une, c’est en général l’aspect beauté qui est mis en valeur. Je pense qu’il faudrait montrer les femmes pour leurs idées, des femmes qui se battent pour le développement du pays. C’est ce qui contribuera à les valoriser », estime Penda Mbow.

Point de vue Vers la « cul-culture » ?

Par Samboudian kamara

Selon les gardiens de l’orthodoxie de la langue, le voyeurisme est un terme à connotation morale, qui décrit un comportement ou une tendance « voyeuriste », c’est-à-dire basé sur l’attirance à observer l’intimité ou la nudité d’une personne ou d’un groupe de personnes, dans des conditions particulières en cherchant à y éprouver une jouissance et- ou une excitation (délectation voyeuriste). Les pratiques voyeuristes peuvent prendre plusieurs formes, mais leur caractéristique principale est que le voyeur n’interagit pas directement avec son sujet, celui-ci ignorant souvent qu’il est observé. Le « voyeur » est souvent représenté observant la situation de loin, en regardant par une ouverture, un trou de serrure ou en utilisant des moyens techniques comme des jumelles, un miroir, une caméra, etc. Grâce à des patrons de presse très entreprenants, l’on est maintenant servi par voie « tabloïd ». La politique ou le sport ? Bof, toujours la même chose. Ce qu’il faut, c’est du sexe, à défaut du sang…

Qui osera briser le tabou et parler – calmement et tranquillement, sans…fantasmes - de la place du sexe dans une certaine partie de la production « journalistique » locale ? Il y a deux paliers d’observation. D’abord, celui qui rappelle très vite que si les journaux qui font l’objet de ce dossier paraissent régulièrement et atteignent des chiffres de vente record, c’est que, en évidence, ils ont des lecteurs. Mais il faut avoir peur des évidences ! Ensuite, un autre, celui-là même qui visite le « produit » proposé au lectorat. Là, le malaise est palpable. Où commence l’escroquerie ? Le procédé est simple : le réseau des réseaux offrant toutes les possibilités imaginables, un simple clic donne accès à une banque d’images inépuisable et renouvelée quotidiennement, voir toutes les secondes. Ensuite, la fertilité de l’esprit d’un rédacteur fait le reste. On construit une histoire salace dans laquelle les acteurs n’envient rien à Rocco Siffredi ou Tabata Cash, stars du X. Les noms sonnent bien de chez nous. Le « scénario » est vraisemblable, pimenté parfois avec un drame conjugal. Sans jeu de mots, on vole très bas pensant aller…haut.

Aujourd’hui, le sexe est partout. Dans la rue (les ventes d’un CD intitulé « Leumbeul Américain » - Aïe la pub gratos - sur fond d’un tube d’une grosse pointure du Mbalax, explosent), dans le secret des maisons, sur le petit écran (tous les opérateurs de bouquets de télévisions s’y sont mis), au bureau (Internet ne sert plus seulement à la recherche documentaire), sur le téléphone portable…Il ne faut pas jeter l’opprobre sur cette presse car elle n’enfreint pas la loi. Mais il y a bien une législation sur les supports pornographiques ; le mot n’est pas cru mais il traduit la réalité des faits. Arrive la vraie question : ces journaux sont-ils à mettre dans ce lot ? Alors qu’il était ministre de la Communication, M. Mamadou Diop Decroix avait décidé un jour de faire appliquer la loi dans toute sa rigueur. Pendant une semaine, les forces de l’ordre avaient fait le tour des kiosques pour saisir des publications que la société voulait soustraire à la vue des mineurs. Las ! L’affaire a repris de plus belle quelques heures plus tard, la « demande » ayant même été dopée par la rareté momentanée du produit. Le puritanisme, certes, tutoie souvent les frontières de l’hypocrisie, mais il faut s’interroger sur la psychologie d’une société devenue tartuffe qui pousse des cris d’orfraie quand elle est saisie par l’horreur de certaines situations tout en restant sans réaction. L’autre jour, à la « Une » d’un quotidien à grand tirage : « Un jeune viole une femme de 23 ans. » Comme a dit l’humoriste : Deuk-bi dafa tocc

« C’est facile, ce n’est pas cher et ça rapporte gros »

Les promoteurs de « Rac-Tac », « Teuss », « Tolof-Tolof » n’ont pas eu tort d’investir le créneau des faits divers axés sur le sexe. Les ventes rapportent gros.

Campus universitaire. Devant la cantine de Abdoulaye Seydi Sow, des étudiants contemplent les vitrines des journaux de la place parmi lesquels « Rac-Tac » et « Teuss ». Les plus pressés jettent un regard furtif avant de poursuivre leur chemin. Les autres prennent le temps de lire les manchettes sans commenter. Un étudiant décroche un quotidien sportif et tend une pièce de 100 francs au vendeur avant de repartir. Les illustrations de ceux-ci attirent les regards. Plusieurs personnes, surtout des employés du Centre des œuvres universitaires (Coud), sont passés au kiosque pour acheter les quotidiens.

Durant la demi-heure que nous sommes resté chez Abdoulaye Seydi Sow, nous n’avons enregistré aucune vente de « Rac-Tac », « Tolof-Tolof » ou « Teuss ». Pourtant, selon les témoignages du propriétaire du kiosque, ces publications caracolent en tête des journaux les plus vendus. « Ces journaux se vendent bien. Mais, c’est surtout « Rac-Tac » qui fait mes affaires pour le moment. Il m’arrive de vendre 25 exemplaires de « Rac-Tac » dans la semaine », révèle Abdoulaye Seydi Sow.

Il n’est pas le seul à témoigner de la vente florissante de ces journaux. Abdoulaye Diop, qui a installé son étal près d’une librairie située au niveau de la deuxième porte de l’Université, tient les mêmes propos. Aux environs de midi, il avait écoulé tout son quota d’exemplaires de « Teuss ».

« La vente des journaux dépend des événements. S’il y a un important événement, presque tous les journaux se vendent bien. En ce qui concerne certains journaux comme « Tolof-Tolof », « Teuss » et « Rac-Tac » la vente se passe bien, parce que les gens en demandent. Ce ne sont pas uniquement des étudiants », fait remarquer Abdoulaye Diop.

Au Plateau, les vendeurs de journaux de l’Avenue Georges Pompidou témoignent de la bonne tenue de ces journaux pas comme les autres. Mbaye Ndiaye écoule, chaque semaine, entre 12 et 18 exemplaires de « Rac-Tac ». Le tenant du kiosque à journaux situé à côté d’une pâtisserie, à quelques encablures de la Place de l’Indépendance, Ahmadou Sy, livre avec satisfaction ses statistiques : 25 à 30 exemplaires de « Rac-Tac » chaque semaine.

Ces différentes statistiques recoupent les chiffres avancés par les directeurs de publication de « Tolof-Tolof » et de « Teuss ». « Nous avons un taux de vente satisfaisant, qui tourne autour de 70 à 80 % », révèle le directeur de publication de « Tolof –Tolof », Samba Thiam. Le dirpub de « Teuss », quant à lui, présente des chiffres moins flatteurs. Son taux de vente tourne autour de 50 %. Comme disait une ancienne pub d’une société de paris de la place, « ce n’est pas cher, c’est facile et ça peut rapporter gros ». Autrement dit, pour ces produits au prix attractif (100 francs Cfa), vendre du sexe et du sang, rapporte plus gros que l’information dite « sérieuse » de la presse d’informations générales.

Une lecture en cachette

Malgré tout, il est difficile de dénicher un lecteur de « Tolof-Tolof », « Teuss » ou « Rac-Tac ». Comme si certains avaient honte d’afficher leur préférence pour ces titres. Ils préfèrent lire ces journaux en cachette. « Je n’ai pas assez de temps pour lire ces journaux », nous lance Mamadou Diallo, un fidèle lecteur des quotidiens de sport et d’informations générales, que nous avons croisé au Rond-Point de Castors. À l’Avenue Cheikh Ahmadou Bamba où fleurissent les kiosques à journaux, nous avons surpris plusieurs individus contemplant les unes des quotidiens, y compris celles de « Tolof-Tolof » et de « Rac-Tac ». Là aussi, personne ne revendique l’étiquette de lecteur de ces titres.

Au jardin de Niary Tally, que nous avons rallié par une voie secondaire, nous tombons sur un jeune lecteur de « Rac-Tac », qui loue l’originalité de son journal préféré : « On est sûr d’avoir une nouvelle, une information que l’on ne retrouve pas dans les autres quotidiens », glisse-t-il. « Les informations de ce journal ne sont pas montées de toutes pièces. Ce sont des faits qui se passent bien dans nos sociétés », poursuit-il.

Pour d’autres, la lecture des « informations croustillantes » distillées par ces journaux est un simple moyen pour s’évader d’un quotidien routinier. « Je lis ces journaux et comme du reste tout ce qui me tombe dans les mains », fait remarquer Idrissa Bâ, étudiant en deuxième année au département de Philosophie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, que nous avons croisé sur les allées Ababacar Sy. « Lorsque j’ai un numéro de « Tolof-Tolof » entre les mains, je m’évade, parce qu’en commençant un article, j’ai envie de le lire jusqu’au bout », poursuit notre apprenti philosophe, qui se dit aussi lecteur des autres quotidiens. « On se libère en lisant ces publications. On oublie de façon momentanée les soucis », renchérit son ami avec qui il partage un des bancs du jardin sis à l’avenue Ababacar Sy.

Contre la tyrannie de la politique

En plus de ces arguments, les lecteurs invoquent aussi la tyrannie de la politique dans les quotidiens d’informations générales et le mimétisme qui caractérisent certains journaux pour expliquer leur préférence à « Rac-Tac » et à « Tolol-Tolof ».

« Il y a trop de politique dans les quotidiens d’informations générales. Il y a peu d’originalité. En lisant les journaux people, on découvre des histoires intéressantes qui peuvent éveiller », soutient Tapha Seck. « Ces journaux donnent la possibilité aux personnes de faire un choix. Chaque journal a son public », estime-t-il.

Ces arguments ne sont pas partagés par les personnes d’un âge avancé, qui s’indignent contre la parution d’informations et d’illustrations qui ne prennent pas en considération nos mœurs. « Je ne lis pas ces journaux. À voir de plus près, les lecteurs de ces journaux sont des jeunes ou des personnes qui n’ont pas un niveau d’études élevé. Je ne suis pas sûr que leurs informations soient vraies. En plus, ils contribuent à la dépravation de nos mœurs », fulmine l’enseignant Abdou Aziz Coulibaly.

MBAYE SIDY MBAYE, SECRETAIRE GENERAL ADJOINT DU CRED : « Le traitement médiatique de la sexualité doit sortir du prisme de la passion »

Il y a mille et une manières d’aborder la femme et le sexe dans les médiats de masse. Le Conseil pour l’éthique et la déontologie (Cred), par la voix de son Secrétaire général adjoint, Mbaye Sidi Mbaye, revendique un traitement qui prenne en compte nos réalités socioculturelles.

« Les journaux n’abordent pas bien la question du sexe sous nous cieux », martèle Mbaye Sidi Mbaye. « L’angle de traitement n’apporte pas une information aux lecteurs. Le sexe ne doit pas être tout simplement traité comme objet de dérision. Malheureusement, c’est sur ce regard que la presse people dans nos pays nous le présente », se désole le Secrétaire général adjoint du Cred. Selon lui, « la diffusion de l’image de la femme et le traitement de la sexualité doivent sortir du prisme de la passion pour être analysés sous un angle plus utilitaire, comme cela se fait dans certains journaux spécialisés ». Et cela, sans attenter à l’image de la femme et à la morale, analyse Mbaye Sidy Mbaye. « Il y a des journaux qui traitent le sexe de manière à informer. Lorsqu’un sociologue, un psychiatre, ou un médecin parle de la question, le sexe est vu comme objet de procréation. Il faut parler avec beaucoup de respect et d’expertise », poursuit-il.

Mbaye Sidy Mbaye recommande aux journalistes de prendre en compte la réalité de la société sénégalaise. En effet, pour le Secrétaire général adjoint du Cred, l’exercice du métier de journaliste ne peut se faire en ignorant les réalités de la société et le contexte. « Chaque pays a sa presse. Quand un journaliste ignore le contexte socioculturel, il écrit pour lui et non pour sa société. Un journaliste n’est pas un être sans amarre. Il appartient à une société dont il doit respecter les valeurs. Cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas être critique », fait remarquer Mbaye Sidy Mbaye. Il pense également que les journalistes femmes de la nouvelle génération ont un rôle clé à jouer dans la protection de leur image dans les médiats de masse, comme l’ont fait leurs aînées, Annette Mbaye D’Erneville et les autres.

« Je me souviens, vers les années 70 et 80, Annette Mbaye D’Erneville, avec son mouvement Fapes et Marie-Angélique Savané avec son mouvement « Yewi-Yewi » ont un exercé une veille sur le traitement de l’image de la femme dans la presse. Cette veille a baissé. Je pense qu’avec la massification de la presse avec des femmes ou filles, il faudra que le regard des hommes sur la femme puisse être contrôlé et réorienté », souligne Mbaye Sydi Mbaye.

« C’est là le hic, car la censure journalistique, qui consiste à ne pas critiquer les faits critiquables des confrères, pour reprendre une expression de Patrick Champagne, est fort répandue dans le milieu médiatique ».

Chaque rédaction et chaque journaliste ont leur partition à jouer afin que la presse ne s’écarte pas de sa mission primaire et essentielle, selon Mbaye Sidy Mbaye. « C’est le gage pour consolider le pacte de confiance avec les populations. Surtout aujourd’hui, bon nombre de citoyens développent de la méfiance pour ne pas dire du mépris à l’endroit du journaliste. Le journaliste doit comprendre que sa fonction est d’informer. Cela veut dire que le lecteur doit tirer profit de son article. Il y a une fonction utilitaire de la presse. C’est que nous mettons en exerce au sein du Cred. Et chaque journaliste et rédaction doit assumer cette fonction. Si nous voulons nous faire passer pour des gens qui ne comprennent rien des faits de la société », estime Mbaye Sidy Mbaye.

SEMOU PATHE GUEYE, PHILOSOPHE : « C’est l’expression de la crise de nos valeurs »

Le succès de la presse « people » est la conséquence logique de la crise de nos valeurs et des multiples interdits qui régissent le fonctionnement de notre société. C’est l’explication fournie par le professeur de Philosophie, Sémou Pathé Guèye, qui se défend de plaider en faveur de ces journaux. Il pense que ceux-ci peuvent servir de catharsis.

Est-ce que, comme le soutiennent leurs animateurs, les journaux comme « Rac-Tac », « Teuss » et « Tolof-Tolof » contribuent à la moralisation de la société sénégalaise ?

Je crois, s’ils le font, ils s’inscrivent dans la perspective de l’analyse psychanalytique. Même avant Freud, il y a cette théorie de la catharsis. L’expression de pulsions permet de se libérer d’une certaine manière et de retrouver une certaine normalité. Cette théorie, on peut l’illustrer lorsqu’une personne souffre beaucoup. Et lorsqu’on la voit pleurer, au lieu de la blâmer, au contraire, on l’encourage parce qu’exprimant quelque chose qu’elle ressent profondément. Cela lui permet de supporter la douleur. Et ici aussi exposer le « ça » de l’individu permet de compenser un besoin. Lorsque l’on aide une personne à se remettre de son passé, on l’aide à se libérer. Nous avons l’idée d’une purification et d’une catharsis par la reconnaissance. Accepter de descendre jusque dans le sens de la morale nous permet de nous reconnaître, de mieux nous intéresser à un ordre social non répressif.

Comment expliquez-vous le succès de ces journaux ?

Je vais vous donner à la fois une réponse empruntée à la sociologie et à la psychanalyse. En psychanalyse, il y a une formule de Pierre Lacan, l’une des figures de proue de la psychanalyse en France dans les années 60 et 70. Tout ce que dit ou fait l’individu, ses comportements sociaux aussi bien son discours traduisent de façon déguisée ou refoulée un certain rapport à la sexualité. Il y a tellement d’interdits et de normes. Et lorsque l’individu est correctement socialisé, il a tendance, d’une part, à agir normalement et d’autre part, il a tendance à transgresser les interdits sous des formes socialement acceptables. Cette presse se fait l’écho de cette situation. Si cette presse connaît du succès cela veut dire qu’il y a des gens qui la lisent publiquement ou en cachette. Le rapport à la sexualité, qui ne peut pas s’exprimer dans le cadre normatif qui encadre les comportements diurnes et quotidiens des individus, est compensé par le voyeurisme et la délectation.

Toutefois, il faut faire une précision. Tous les journaux « people » ne sont pas des journaux qui au fond vendent la sexualité. Je crois que cet engouement vers cette presse a d’autres réponses. Il ne faut pas voir une cause mais plutôt un effet. On peut se poser la question de savoir pourquoi les personnes, hautement responsables ou respectables, lisent ces journaux. Je pense qu’il faut se garder de ce moralisme de mauvais aloi avec lequel on a tendance à expliquer certaines choses.

Notre société est un mélange contradictoire de permissivité et de normalité comme toute société. La dimension, qui aurait permis à notre « çà » de s’exprimer sans bouleverser l’ordre social, est opprimée. Parfois, on est moraliste le jour. Et la nuit, on laisse le « ça » s’exprimer. Il faudrait voir de ce côté plutôt que de vouloir accuser ou étouffer ou accuser cette presse de vouloir corrompre les mœurs. Non. Je pense qu’il y a une crise des valeurs et cette presse est l’expression de cette crise des valeurs. Elle n’est pas la cause. Si cette presse se vend et se lit bien, il y a quelque chose qui ne va pas quelque part. Je ne plaide pas en faveur de cette presse. Je fais comprendre un phénomène en l’expliquant de manière à dépasser le cliché.

On dit que l’exposition du sexe et la nudité ne font pas partie des réalités sénégalaises et qu’il n’est pas judicieux d’en parler dans nos journaux...

L’Africain ne parle pas de la sexualité dans son discours conscient. Mais, il y a une expression de la sexualité à travers le corps, parfois à travers l’habillement et certaines pratiques érotiques socialement tolérées. Nous avons notre manière d’exprimer la sexualité à travers la danse, qui s’ancre dans notre tradition. Nous avons une manière de parler de la sexualité, qui ne relève pas forcément de la verbalisation. Au fond, que l’on sache ou non, que l’on reconnaisse ou non, nous avons une valorisation du corps qu’on peut tolérer. Globalement, nous avons un rapport à la sexualité acceptable. L’individu est désir et passion. Il a des pulsions corporelles. Heureusement, grâce à la morale, nous arrivons à canaliser les désirs et les passions, dans le sens le plus utile à la société. Le fait que nous le fassions ne signifie pas qu’il n’y a pas expression.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:36 PM)
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