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RENCHERISSEMENT DU COUT DE LA VIE ET RENCHERISSEMENT DU COUT DE LA VIE ET CHARGES SOCIALES : Les mille et une astuces de la classe moyenne

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RENCHERISSEMENT DU COUT DE LA VIE ET RENCHERISSEMENT DU COUT DE LA VIE ET CHARGES SOCIALES : Les mille et une astuces de la classe moyenne

Le renchérissement du coût de la vie, qui a déjà durement affecté les travailleurs à faibles revenus, n’a pas épargné la classe moyenne. Cette dernière a de plus en plus du mal à assurer son rôle social de redistributeur financier. Ce qui risque d’avoir des conséquences négatives sur le lien social.

Dame Kane est ingénieur en maintenance hospitalière. La taille moyenne, ses lunettes et son embonpoint indiquent d’une certaine aisance financière et matérielle et font de lui le prototype du cadre compétent et bien payé. Il fait partie de cette classe dite moyenne, composée essentiellement de hauts fonctionnaires, de médecins, d’enseignants, d’ingénieurs, etc. Jeudi 25 septembre, il pense déjà à la fin du mois. Son souci : la flambée des denrées de première nécessité et l’augmentation généralisée du coût de la vie.

« Rien que pour l’électricité et l’eau, je paie près de 100.000 francs, le double de ce que je payais il y a quelques mois. Alors ajoutez à cela le prix du loyer, les frais de scolarité des enfants, le carburant, sans compter la prise en charge de ma famille qui se trouve au village...C’est avec difficulté que j’arrive à assurer tous ces frais. Pourtant, je ne peux pas arrêter la télé ni le frigo donc je suis obligé de casquer plus et de renoncer à l’épargne », explique-t-il avec un léger sourire, ironique sans doute.

Son collègue Gallo, lui, pousse l’ironie jusqu’au bout et se considère comme faisant tout simplement partie de la classe des pauvres. Aujourd’hui, pour de nombreuses personnes faisant partie de cette catégorie sociale à la situation enviable, les temps ont changé. Désormais, les mots tels que : « serrer la ceinture », « s’en sortir », « arriver à joindre les deux bouts », etc. qui appartenaient jusque-là aux travailleurs à faibles revenus, font partie de leur vocabulaire. Dire que la vie est chère, particulièrement à Dakar, est un euphémisme. Déjà, en mars 2008, une étude réalisée par le cabinet de consultant américain Mercer plaçait la capitale sénégalaise au troisième rang des villes africaines les plus chères, dernière Lagos (Nigeria) et Douala (Cameroun) et à la 41e place au plan mondial. Et la valse des prix continue sur son rythme.

D’après les chiffres de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), l’indice harmonisé des prix à la consommation du mois d’août 2008 a enregistré une augmentation de 2,6% « imputable à la croissance des prix des produits alimentaires et le plein effet de la hausse des services du transport ». Le rapport moyen des prix des huit premiers mois de 2008 sur ceux de l’année précédente laisse apparaître une progression de 5,6%. En glissement annuel, les prix à la consommation se sont accrus de 7,3%, précise le rapport.

Consommer moins

Pour « survivre » à cette situation caractérisée par l’augmentation des prix et la stagnation des revenus, chacun trouve le moyen de réajuster ses dépenses. « Par exemple, moi je supprime les dépenses inutiles et réduis mes déplacements en voiture pour économiser du carburant », confie Samba Dialempa Badji, journaliste à la radio Océan Fm.

Technicien supérieur de Santé et major du laboratoire à hôpital Le Dantec, Malang, lui, ne néglige rien. « En accord avec madame nous faisons à chaque fois la liste des priorités pour réduire tout ce qui est non nécessaire et superflu dans nos achats. L’épargne, on n’y pense même pas ».

D’autres sont fatalistes mais n’en prennent pas moins des mesures de survie. C’est le cas de Birame Mbengue, cadre de la Sonatel en retraite depuis 2005. « La situation est très difficile, dit-il, c’est pourquoi vers la fin du mois, je n’hésite pas à garer mon véhicule et prendre le bus. En plus, tous mes enfants étaient dans le privé, aujourd’hui j’ai sorti les garçons pour les amener dans le public et ne laisser que les filles dans le privé ».

Nostalgique du bon vieux temps où le fonctionnaire pouvait régler tous ses besoins avec son seul salaire, il accuse le régime actuel qui, selon lui, est responsable de la situation. Ce haut cadre travaillant dans le secteur du Bâtiment et Travaux publics (Btp), nous confie, lui, que les choses ne vont pas bien dans ce secteur.

« Plusieurs cadres sont au chômage technique en ce moment parce qu’il n’y a pas de financement pour continuer certains projets. Moi, depuis trois mois, je n’ai pas de chantier et puisque le carburant de mon véhicule de service est inclus dans le financement des projets, je suis obligé de revoir ma consommation de carburant », explique-t-il.

Toutefois, en ces temps difficiles, le plus grand casse-tête pour la classe moyenne, réside dans les charges sociales inhérentes à la société africaine en général et à la société sénégalaise particulièrement. En effet, la société voudrait que celui qui accède à un poste privilégié prenne en charge ou vienne en appui à la famille élargie.

Beaucoup confient que, s’ils sont tenus de prendre en charge leur père et mère, pour les autres membres de la famille, ils sont obligés d’être de moins en moins altruistes. C’est-à-dire, là ils donnaient à un parent 20.000 francs, ils donnent maintenant dix ou cinq mille francs ou encore au lieu de donner chaque mois, ils donnent par deux mois, etc. Aussi, un fait de plus en plus fréquent : certains n’hésitent plus à transformer leur véhicule personnel, quand l’occasion se présente, en véhicule de transport pour avoir ne serait-ce que le prix du carburant pour le trajet.

Reconfiguration de la famille

Selon Mame Less Camara, journaliste et observateur très attentionné de la société sénégalaise, la crise actuelle peut avoir au moins deux conséquences. D’abord, cette classe moyenne aura de plus en plus du mal à jouer son rôle de redistributeur en tant que personne-ressource financière.

En plus, la réduction de son pouvoir d’achat aura, sur le moyen ou long terme, un impact sur l’économie notamment en matière d’éducation et de santé privées ou les assurances.

« Cette classe qui, déjà, n’avait pas la même représentativité et la même capacité de pouvoir d’achat que les classes moyennes des pays occidentaux, va se réajuster en limitant ses dépenses.

Elle va changer dans la durée la configuration de la famille africaine dite élargie parce que l’argent joue un rôle important dans cette famille », analyse-t-il. Mais, ajoute-t-il, il y a toujours ce mythe du fonctionnaire nanti aux revenus réguliers, c’est pourquoi les gens sont, aujourd’hui, de plus en plus condamnés à un « individualisme salvateur ».

D’ailleurs, les cultures des pays occidentaux et développés ne sont pas si partageuses, ce qui a favorisé l’émergence rapide d’une classe moyenne dans ces pays.

M. SALL, INGENIEUR : Sous la pression de la vie chère

Ce dimanche, avec la fraîcheur du soir, il règne une ambiance conviviale à la demeure de M. Sall sise à Maristes. Le maître de maison, assis à côté de son épouse, leur fille entre eux, savoure ce bonheur familial avec la plus grande simplicité. Et la complicité nécessaire ! Il confie qu’il est en « convalescence ». Il y a de quoi être malade pour un père de famille, ces temps-ci, serait-on tenté de dire. La page de la Korité à peine tournée, voila la rentrée scolaire qui pointe son nez ! La valse des dépenses continue donc, à percer les poches et plonger un fonctionnaire dans une crise d’hystérie. Lunettes bien accrochées au visage, la taille moyenne, teint noir, toujours souriant et bien dans sa peau, M. Sall est un digne représentant de la classe moyenne. Il est ingénieur en Génie électrique. Il travaille dans une société privée qui intervient dans le biomédical. Son métier, installer et réparer des équipements de labos dans les hôpitaux. Chaque matin, il fait le tour de ces derniers à bord de son véhicule Peugeot. Cependant son vocabulaire, en ce moment, est plus économique que technique.

Les mots « dépenses », « calcul », « revenus », « épargnes », etc. ponctuent son discours. Pour nous donner une idée de la cherté de la vie, il accepte de faire avec nous son « bilan ». Donc à vos tablettes, pour calculer ! « Electricité : 60.000 F, eau : 25.000 F, carburant : 60.000 F ». Ce n’est pas tout ! « J’ai souvent peur de faire le calcul, le bilan de mes dépenses. Je risque de pleurer », confie M. Sall, avec un léger sourire. L’éducation ? C’est « un casse-tête ». « Pour ma seule fille qui va à l’école privée, j’ai payé 125.000 F pour l’inscription et la mensualité est de 35.000F ». La santé ? « C’est le plus grand problème », particulièrement ce mois.

« Nous sommes tombés malades ma fille et moi ; rien que pour elle j’ai dépensé 100.000 francs. Ce qui est le plus compliqué dans ce cas, c’est qu’on ne peut pas prévoir ce genre de situation. Donc on est obligé d’avoir toujours de l’argent à côté. En plus, accéder à des soins de qualité dans les hôpitaux publics est très difficile : dès midi, tous les grands médecins quittent les hôpitaux publics pour aller dans les cliniques. Je suis obligé d’aller vers le privé où c’est beaucoup plus cher : 15.000 ou 20.000 francs rien que la consultation... ».

Pour le ravitaillement du mois, c’est madame qui fait la liste. « Là-dessus, je pourrais vous en dire beaucoup plus », s’exclame-t-elle, en se lançant avec intérêt dans les détails de la dépense quotidienne. « Rien que le riz et l’huile, c’est 40.000 francs », explique-t-elle. La ration totale des deux familles, 100.000 francs approximativement. Car, en effet, M. Sall s’occupe également de sa famille restée au village. « On n’est jamais totalement indépendant, il y a toujours des parents qui dépendent de nous... »

M. Sall habite un appartement de trois pièces avec sa petite famille (deux filles et son épouse). Le prix du loyer est de 120.000 francs par moi. Bien que le style de l’homme dégage une certaine simplicité, la décoration du salon est impressionnante. La verrerie, les fleurs, deux ordinateurs et un grand poste téléviseur attirent l’attention. Un de ses collègues, qui se trouvait dans le salon, lui soumet quelques factures qu’il s’empresse de signer. Quelques photos de familles côtoient sur les murs des tableaux d’art. Bref, autant de signes d’opulence, mais M. Sall est loin d’avoir l’esprit tranquille : « Je ressens la tension vers la fin du mois », confesse-t-il. On reprend nos tablettes. Téléphone fixe plus Internet : 35.000 francs, le portable consomme 30.000 francs.

« Avec notre métier, il faut tout le temps appeler au téléphone ce qui fait qu’il me faut toujours du crédit », dit-il. Ajoutez à cela les dépenses pour les nombreuses fêtes et le fait qu’ « il faille toujours mettre quelque chose de côté pour les parents qui peuvent débarquer à l’improviste ». En tout et pour tout, ces chiffres représentent près du double de ce qu’il déboursait il y a quelques années pour les mêmes dépenses.

Conséquence ? « Il n’y a plus d’épargne ! ». Parallèlement, les revenus stagnent. Même si on dit que comparaison n’est pas raison, pour lui, la situation s’est incontestablement aggravée. « Mon grand souci en ce moment c’est comment faire pour avoir une maison parce que je sais, avec cette situation, ce n’est pas pour demain », conclut-il. Ça alors !

DJIBY DIAKHATE, SOCIOLOGUE : « Risque de dislocation du tissu social »

De l’avis du sociologue Djiby Diakhaté, la crise que traverse cette classe dite moyenne peut entraîner la « dislocation du tissu de solidarité ». D’après lui, du fait que cette classe a de plus en plus du mal à assurer ces exigences, cela va aboutir à une disparition de la conception traditionnelle de la famille. « Dans des cas extrêmes, il risque d’y avoir une dislocation de la famille et la multiplication de la délinquance. C’est pourquoi les gens utilisent de plus en plus des méthodes telles que le travail noir, avec ce que cela entraîne comme conséquence, pour combler leurs besoins d’argent », explique-t-il.

En outre, dans la mesure où nous sommes dans une société où « ceux qui ont sont ceux qui donnent, ordonnent et ceux à qui on donne se subordonnent », une « société de simulation et de dissimulation », les gens (de la classe moyenne) essayerons toujours de préserver cette image de nantis. Alors qu’au fonds, ce n’est que l’arbre qui cache la forêt, il n’y a plus une grande différence entre eux et les pauvres.

« Le besoin d’estime est très fort dans notre société. Aussi, l’individu ne se nourrit pas seulement d’aliments, il se nourrit également de ce que les gens pensent de lui », dit-il. A en croire M. Diakhaté, on n’est pas loin d’une société à deux vitesses : les riches d’un côté, les pauvres de l’autre, avec des modes de production, d’habitation, de loisir et de consommation différents en fonction de ces classes, comme jadis à l’époque de la bourgeoisie et du prolétariat.

Les inégalités sont de plus en plus visibles, le hiatus plus grand. « A terme, le risque c’est une reproduction à l’identique et à l’infini du même modèle : les riches continuant à le devenir de plus en plus, les pauvres suivant le chemin inverse », une sorte de « machine infernale ». Ce qui pose un problème d’intégration sociale, les « amortisseurs sociaux » comme la religion ou la culture de certaines valeurs incitant à l’endurance, à la fatalité (le fameux « mougn ») jouant de moins en moins un rôle prépondérant.

« Jusque-là, les gens ont tenu parce que dans notre société, il est mal vu de se plaindre trop, mais maintenant c’est devenu plus difficile », explique-t-il. Ainsi, cette accumulation de frustration et de sentiment d’exclusion de la part des couches faibles ou appauvries, c’est selon, constitue un cocktail explosif. Conséquence : pauvreté et dégradation des valeurs qui engendrent à leur tour la violence qui n’est pas forcément physique, mais également symbolique comme l’écriture sur les murs, la multiplication de la délinquance, les escroqueries, etc.



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