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Sénégal | Décharge Mbeubeuss : une mine d’or pour des milliers de Sénégalais

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Sénégal | Décharge Mbeubeuss : une mine d’or pour des milliers de Sénégalais

La décharge de déchets de Mbeubeuss peut être considérée comme une porte de sortie pour des sans emplois au Sénégal. Des milliers de citoyens y travaillent tous les jours dans la récupération et le recyclage d’objets hors d’usage qui peuvent encore servir à quelque chose. Des restes d’aliments, aux papiers usagers en passant par la matière plastique, tout ou presque est repris et réinséré dans le circuit d’utilisation après l’arrivée des déchets sur ce ‘’cimetière d’ordures’’. Ce marché de déchets entretient aussi bien des familles que des entreprises qui s’y approvisionnent en matières premières. Bien que cette activité règle à sa manière le problème de chômage, les conditions dans lesquelles travaillent les récupérateurs et recycleurs laissent à désirer.

Ce vendredi matin, nous avons rendez vous avec Pape Ndiaye, le conseiller en communication de l’Association « Book Diom » des récupérateurs et recycleurs de Mbeubeuss. Depuis près de quarante ans, il opère à Mbeubeuss dans la récupération de tout objet qui peut avoir une autre vie après son arrivée sur ce cimetière de déchets produits dans la région de Dakar. Depuis huit heures nous attendons Pape Ndiaye. Il se présente vers dix heures dans la décharge son lieu de travail, simplement vêtu comme un fonctionnaire allant au bureau. A première vue, rien n’indique à priori que vous avez affaire à un récupérateur de déchets. Ici, il connaît tout le monde. Et lui est connu par tous, à l’instar de ces conducteurs des camions de déchets qui ralentissent pour lui adresser quelques salamalecs au passage. Après quelques civilités d’usage, le communicateur de l’association « Book Diom » se met dans sa tenue de travail, constitué de quelques haillons comme la plupart de ses collègues. Comme petit déjeuner, Pape Ndiaye à un sandwich qu’il dévore sans soucis à travers la décharge constituée de toutes sortes de déchets. La visite peut finalement commencer. Première étape, « Gouyegui », c’est la zone où sont déversés les déchets produits par toutes les usines de Dakar. « Gouyegui », veut dire baobab en Wolof, c’est la zone où les tous premiers recycleurs de Mbeubeuss ont établi leur quartier général. Ils sont tous des grossistes qui achètent les produits aux petits détaillants pour les revendre. Pape Ndiaye y est bien évidemment installé. Dans son domaine délimité par un large drapeau du Sénégal sali par la poussière, il y a de tout. Des pots en plastique, du papier carton, du bois, des rouleaux de fils de fer, des tuyaux de plomberie présentant des défauts de fabrication… Pape Ndiaye vend presque tout. Ce qui n’est pas le cas du Président de « Book Diom » qui est un spécialiste de la toile cirée et du plastique en général. Dans le quartier général de Abdoul Aziz Seck, deux jeunes gens cousent bout à bout des toiles cirées qui serviront à recouvrir les toits d’abris de fortune. Ici, le prix de vente du kilogramme de plastique varie entre 100 et 200 f Cfa selon la période et les fluctuations sur le marché. Plus loin, notre guide, Pape Ndiaye nous montre un endroit où sont déversés tout ce qui est déchet provenant des usines et marchés de poissons de Dakar. Ces restes de poissons qui dégagent une odeur nauséabonde insupportable sont aussi de la richesse pour les recycleurs de Mbeubeuss. Utilisés comme du fumier dans le maraîchage, ces déchets sont vendus à environ huit mille francs, la charrette.

Après une visite-éclaire à « Gouyegui » où la plupart des occupants sont toujours absents, nous allons au quartier Baol. Dans la décharge de Mbeubeuss, les « Baol-Baol » ont aussi un vaste domaine. Ce sont des saisonniers qui viennent de la région du Baol. Ils s’établissent dans la décharge et y travaillent environ six mois pendant les périodes de soudures agricoles. Ils repartent travailler la terre pendant la saison champêtre. A Mbeubeuss, le Baol s’étale à perte de vue avec ses abris de fortune. L’organisation est tout à fait remarquable sur le site : les travailleurs du déchet ont un guide spirituel qui selon Pape Ndiaye représente Sérigne Touba dans la décharge. Rien ne se fait ici sans son aval. Le sage Moustapha Diouf, presque sexagénaire et de taille environ 1m90, nous accueille dans son antre. Coiffé d’un turban accompagné d’un long boubou déteint par la poussière de la décharge et les sueurs quotidiennes de longues années de travail. Comme Pape Ndiaye, Moustapha Diouf fait partie des fondateurs de l’association « Book Dioum ». Après le feu vert de la personne morale de Baol, nous rendons visite à Tabaski Ndiaye, un grossiste. Celui ci achète et revend le fer, l’aluminium, le plastique. Chez Tabaski Ndiaye, le kilogramme de fer léger coûte environ 60F CFA alors que le fer lourd en vaut 100. L’aluminium, quant à lui, se vend à près de 250F CFAle kilogramme et ses principaux clients sont les entreprises qui achètent les matériaux pour les recycler. Etape finale de la visite, la « plate-forme ». C’est le point de chute de toutes les ordures ménagères que produit Dakar. La plate-forme est ouverte à tous les jeunes qui s’activent dans la décharge. A chaque fois q’un camion s’y vide, c’est une course folle pour avoir tout objet récupérable. Les récupérateurs y travaillent dans des conditions déplorables ignorant toute règle d’hygiène. Personne ne veut parler de maladie confiant qu’avec la foi on est à l’abri. « Nous, nous sommes des croyants et c’est Dieu qui nous protège. Moi j’ai beaucoup entendu parler du choléra mais je vous assure que personne ici n’a jamais contracté cette maladie » témoigne Pape Ndiaye.

Les femmes dans la décharge de Mbeubeuss.

Sur la plate-forme, les femmes ont également leur compétence. Récupérant les restes d’aliments, elles les revendent aux éleveurs de porcs de la région. Elles fouillent minutieusement les tas d’ordures à la recherche de quelques grains de riz qui seront revendus à 1500F CFA, le sac. La deuxième personnalité de l’association des récupérateurs et recycleurs de Mbeubeuss est même une femme. Considérée comme la doyenne des femmes, Coura Ndiaye est présente dans la décharge depuis bientôt vingt deux ans. Et comme tout le monde ici, elle a aussi son histoire. Elle venait à Mbeubeuss aider son mari, qui pour nourrir sa famille a été obligée de se rabattre sur la décharge. « Il n’avait pas d’emploi et comme on avait des enfants, il fallait bien faire quelque chose pour les nourrir », laisse t-elle entendre dans un français soutenu, surprenante chez une femme qu’on traiterait d’illettrée à première vue. A la mort de son mari, Mme Ndiaye a pris la relève aidée parfois par ses deux enfants. La vice-présidente de « Book Diom » s’est établie à « Gouyegui » où elle reçoit exclusivement les déchets des industries savonnières. A partir de ces restes de savon, elle produit du savon traditionnel qu’elle livre à des femmes qui en font la distribution au marché. Elle s’est engagée dans cette activité pour offrir à ses enfants un meilleur avenir. Aujourd’hui son fils est enseignant dans un lycée dans la région de Kaolack alors que sa fille s’est spécialisée dans le traitement traditionnel des cheveux et y gagne bien sa vie. Coura Ndiaye affirme que des centaines de femmes travaillent dans la décharge comme récupératrices, restauratrices ou vendent de l’eau aux hommes pour le bain les soirs après le travail. « En dehors de ces femmes qui se battent dignement pour gagner leur vie, de milliers d’autres viennent se ravitailler tous les jours en déchets recyclables qu’elles vont transformer pour le remettre sur le marché » soutient la vice-Présidente de « Book Dioum »

Mbeubeuss : un pis-aller pour des milliers de jeunes sans emplois

Au niveau de l’association « Book Dioum », la jeunesse a aussi son représentant. Amadou Wade dirige la commission jeunesse, sports et loisirs. Il est le porte-parole d’au moins six cents jeunes qui sont régulièrement inscrits et qui ont leur carte de membres. Il affirme que les jeunes qui travaillent dans la décharge gagnent au moins 5000F CFA par jour. Selon lui, c’est faute de trouver du travail que la plupart des jeunes interviennent dans la décharge. « Moi je suis arrivé ici en 1994 après la mort prématurée de mon père qui était un militaire. Ma mère avait tellement de problèmes pour nous prendre en charge que j’ai dû abandonner l’école pour venir m’investir dans cette activité afin de pouvoir l’aider », explique t-il. Maintenant Amadou gagne dignement sa vie. « Je me suis marié deux ans après mon arrivée ici et maintenant j’ai quatre enfants dont trois vont à l’école. Le quatrième est encore tout petit. Grace à mon activité, je soutiens aussi ma mère et mes frères », déclare t-il fièrement. Il atteste que la plupart des jeunes travaillant dans la décharge viennent de la banlieue et cette activité les éloigne de la délinquance. Pour mieux s’épanouir, l’association possède une équipe de football qui prépare des compétitions. Même s’il est heureux de voir des gens gagner dignement leur vie dans la récupération et le recyclage de déchets, il reste qu’ils travaillent dans des conditions qui ne respectent aucune norme sanitaire et hygiénique. Ils mangent sur la décharge, inhalent la poussière et toutes sortes d’odeurs.



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