SAINT- VALENTIN - MBARAAN ET FETE DES AMOUREUX : Une flèche de Cupidon pour plusieurs cœurs

Offrir des fleurs, un dîner aux chandelles, du chocolat, griffonner des mots tendres sur une carte qui lui est destinée, ou prononcer tout simplement la phrase «je t’aime» à son endroit. Nombreux sont les procédés adoptés pour renouveler ses sentiments à son amoureux, la date du 14 février. La fête de Saint-Valentin se célèbre de mille et une manières. Et dans certains cas, avec plusieurs copains ou copines. Wal Fadjri s’est intéressé aux jeunes gens qui célèbrent la fête des amoureux avec plusieurs valentins ou valentines. 

Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Le campus social, un cadre pour jeunes, commence à reprendre son ambiance habituelle. Les allées grouillent de monde en cet après-midi du mois de février. Quelques étudiants reviennent des Facultés au moment où d’autres empruntent le chemin inverse. Ils pressent le pas pour ne pas rater les cours. Les bancs publics sont pris d’assaut par des groupuscules d’apprenants.  Malgré la pagaille qui souille le cadre universitaire, les études perdurent quand même sur les lieux. Et pour couronner le tout, les flèches de Cupidon aussi y font leur loi. Faisant dos au pavillon A, trois jeunes gens assis sur un banc public discutent en toute tranquillité. Sous un doux soleil, en cette période de froid, les trois camarades prennent de l’air. Ces derniers n’ont pas voulu répondre à nos questions. Ils déclinent la demande : «Nous n’avons pas de petites amies. Nous ne sommes pas concernés par la fête de Saint-Valentin.» À côté de l’entrée principale du pavillon A, un autre groupe de jeunes s’est installé sous l’ombre d’un grand arbre. Leurs éclats de rires se font entendre de loin. Dans une ambiance décontractée, ils se partagent deux tasses de café et des cigarettes. L’un d’eux, Célestin Batika, étudiant à la Faculté des lettres, un peu réticent au début, devient loquace après quelques échanges. Il se dévoile. «J’ai sept copines. Je n’y peux rien. Ce sont les filles qui me font la cour. Elles sont à mes trousses. Du coup, j’en profite, je suis un homme. C’est normal», lance-t-il. A en croire Célestin, parmi ses sept copines, seules deux sont étudiantes, les cinq autres sont des professionnelles. Pour cette fête des amoureux, il soutient avoir déjà fait ses emplettes pour les cadeaux qu’il compte offrir à chacune d’entre elles. «J’ai acheté sept cadeaux selon le profil de chacune d’elles : un ensemble nuisette, une bague, un chapelet, etc.», dit-t-il. Et d’avouer : «Je n’aime aucune de ces filles. Il n’y a que le sexe qui nous lie. Mon âme sœur est en Europe.» Célestin ne compte pas voir toutes ses sept copines le soir de la Saint-Valentin. «Seule la plus chanceuse me verra, les autres recevront leurs cadeaux plus tard. Je trouverais une bonne excuse pour les berner», confie-t-il.

«Fêter la Saint-Valentin avec deux copains, c’est chose facile»

Un autre jeune homme, assis dans le groupe de Célestin, a bien voulu s’exprimer, mais sous couvert d’anonymat. Lui dépasse de loin son camarade Célestin. D’ailleurs, il ne donne pas un chiffre précis. Se contenant juste de souligner qu’il flirte avec une dizaine de filles. Le jeune homme revient sur les raisons qui l’ont poussé à fréquenter plusieurs femmes à la fois. «J’étais avec une fille que j’aimais de toute mon âme. Un de ses ex-copains lui tournait autour. Mais à chaque fois, elle me faisait savoir que je ne devais pas m’en faire, qu’elle n’aime que moi. Un soir, je l’ai invitée au dancing, mais elle a prétexté une maladie. Du coup, je suis parti seul. Et à ma grande surprise, je l’ai trouvée avec son ex dans le même dancing. Je n’en revenais pas d’être cocu.» Il n’a jamais pu avaler ce coup dur. Dépité, il n’en fait qu’a sa tête maintenant. Pour la fête des amoureux, le jeune homme compte confectionner, lui-même, de jolies cartes sur lesquelles sera rédigé un beau poème d’amour, pour sa dizaine de copines. «Elles recevront, chacune, une carte par l’intermédiaire de quelques amis. Elles me comprendront car elles savent qu’avec mon boulot, je bouge beaucoup. N’empêche, je pourrais me libérer le soir et passer de bons moments avec l’une d’elles», fait-t-il savoir.

Faisant face au restaurant «Argentin», le pavillon Q fait partie des bâtiments réservés aux dames dans le campus social. Assise à quelques encablures dudit pavillon, sur l’un des bancs publics, une jeune femme, teint clair, vêtue d’un jean noir et d’un tricot gris, une casquette vissée à la tête, cache mal sa longue chevelure nouée délicatement. Elle se surnomme Chacha Diagne. Sa voisine de chambre a reçu un ami, du coup elle a préféré se retirer quelques minutes pour les laisser seuls. Chacha ne refuse pas notre compagnie. Mieux, elle accepte de se confier. «Célébrer la Saint-Valentin avec mes deux petits copains est chose facile pour moi. L’un est à l’étranger et j’ai déjà reçu le cadeau qu’il m’a offert. Donc, il va juste m’appeler au téléphone le soir de la fête vers les coups de 20 heures. Je lui ai fait croire que je préparais des examens et que je devais me coucher plus tôt. Du coup, je ne serais pas dérangée au moment de recevoir mon autre copain.  Ce dernier est marié, mais il passera me prendre. On ira faire une petite virée.» La jeune fille poursuit, sur un ton très coquin, «comme cadeau, je lui ai acheté une jolie peluche qu’il pourra remettre à sa fille de trois ans. Il est fou de la petite. Je lui ferais croire que j’aime tout ce qui vient de lui. L’une de mes astuces pour le retenir davantage.»

Mame Anta NDOUR

(Stagiaire)

UNE FETE DIVERSEMENT APPRECIEE : Quand la Saint-Valentin divise les amoureux

Fête des amoureux par excellence, la Saint-Valentin est censée réunir des personnes qui s’aiment. Seulement, avec le contexte économique difficile, elle est devenue source de conflit dans de nombreux couples. Si les femmes y tiennent encore, les hommes, eux, pensent que les priorités sont ailleurs.

La Saint-Valentin n’est plus qu’une simple fête censée apporter du bonheur dans les couples. Au Sénégal, elle a certes pris de l’ampleur, mais elle est aussi devenue source de conflit. En effet, malgré la conjoncture économique de plus en plus difficile, beaucoup de couples voient encore en cette fête un moment de prouver à sa dulcinée tout son amour. Pour ces Sénégalais, principalement des femmes, célébrer la Saint-Valentin est une obligation. D’autres, par contre, ne voient pas l’intérêt d’accorder une importance particulière à cette journée du 14 février. Un désintérêt noté surtout du côté des hommes. Seulement, cette attitude peut parfois leur jouer un tour. Parce qu’elles accordent une importance particulière à la Saint-Valentin, certaines femmes poussent leurs amoureux à s’y intéresser par tous les moyens. La fête peut devenir source de désaccord dans leur vie de couple. «Je suis venue au marché pour acheter un cadeau à mon chéri. Je lui ai acheté une chemise qui ne coûte pas très cher et je pense que c'est le geste qui compte», confie Sophie. Avant d'ajouter : «Je veux juste lui souhaiter une bonne fête de Saint-Valentin. Depuis 4 ans maintenant, tous les 14 février, je lui offre un cadeau pour lui prouver mon amour.»

B. Sylla, secrétaire de direction dans une banque de la place, ne dit pas autre chose. La Saint-Valentin, elle y tient. Même avec l'âge, elle reste exigeante quand il s’agit de demander un cadeau pour la fête des amoureux. «L’année dernière, il m'avait invité à dîner dans un restaurant huppé. Cette année, je veux qu’il m’offre un collier en or», déclare-t-elle. En revanche, du côté de nombreux hommes, cette fête n’est rien d’autre qu’un moment de gaspiller de l’argent inutilement. Amadou Fall est l’un d’eux : «C'est du gâchis d’offrir des cadeaux à votre copine. La vie est très chère et on a trop de problèmes.» Même son de cloche chez Alain Dione. Ce jeune cadre assimile cette fête à de l’enfantillage. «Ce n’est pas dans une seule journée qu’on prouve son amour à l’être qu’on aime. Il est temps que les femmes arrêter de valoriser certaines pratiques occidentales qui pourrissent nos vies de couple», souligne Dione. Visiblement remontré face à l’ampleur que prend la Saint-Valentin dans la société sénégalaise, il dit être prêt à quitter sa copine si elle exige de lui un cadeau pour cette fête.

Paule Kadja TRAORE