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SENEGAL-SOCIETE : Confessions d'un candidat à l'émigration clandestine dissuadé par sa mère

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SENEGAL-SOCIETE : Confessions d'un candidat à l'émigration clandestine dissuadé par sa mère

Dakar, 24 août (APS) - Son look rappelle celui de tout jeune dakarois qui se veut branché, bien dans l'air de son temps. Jean délavé, voix rauque et saccadée à la manière des rappeurs, une barbe de trois jours qui agrémente son visage poupon, Ablaye (nom d'emprunt) ne fait décidément pas dans la différence, comparativement aux adolescents de son âge.

En apparence seulement devrait-on dire, car dans la vie active, il ne passe pas son temps à courir les filles et les night-clubs, mais à piloter un taxi ''clando''. Sur l'habituel trajet de l'avenue Bourguiba.

En ce lundi après-midi, il a calé sa radio sur une station de la bande FM et, jetant furtivement des regards sur le trottoir pour voir d'éventuels clients, il suit les informations. Lesquelles parlent de l'audience accordée par le ministre sénégalais de l'Intérieur et des collectivités locales, Me Ousmane Ngom, à son homologue espagnol, rendu inquiet par le flot d'émigrés clandestins qui s'embarquent de Dakar pour l'Espagne.

''Vous savez grand, ils ne pourront pas juguler comme ça cette volonté des jeunes de partir. Même le gouvernement avec tous ses efforts, n'y parviendra pas. C'est comme arrêter la mer avec ses bras'', lance Ablaye à votre serviteur assis à ses côtés et vers qui il tourne de temps à autre la tête pour savoir s'il s'intéresse à son histoire.

Puis, en mal de confidences, il lâche : ''moi qui vous parle, je suis un candidat repenti à l'émigration clandestine. En me voyant, pouvez-vous le croire un seul instant'' ?

Devant ma réponse négative perçue comme un signal, il se lâche en débitant son odyssée qui a commencé par une rencontre avec des passeurs à Yarakh. ''Je me suis déplacé personnellement jusqu'à la plage de Yarakh pour rencontrer les capitaines des navires qui amenaient les gens en Espagne'', explique-t-il le regard droit devant ne faisant même plus attention à son interlocuteur. Comme s'il voyait le film de son aventure.

Ablaye a décidé tout seul de partir à l'étranger et, en personne mature, il a su trouver, sans l'aide de personne, de quoi financer son départ. Peu prolixe sur le prix convenu avec ses passeurs, il révèle toutefois qu'il a su disposer de l'enveloppe nécessaire en réunissant ses économies gagnées dans le transport et dans le commerce, une activité qu'il exerce s'il ne conduit pas son taxi ''clando''. Pour le négoce, il reçoit les marchandises de la part d'amis officiant à la Salle des ventes (marché de la brocante au centre-ville de Dakar).

L'affaire était si bien engagée, raconte-t-il, que le capitaine de la pirogue recommanda à Ablaye de ''dire à mes parents de faire des sacrifices, vu que c'est une épreuve très difficile''.

Croyant l'affaire dans la poche et se voyant déjà dans les rues de Madrid, le jeune homme rentre prestement et parle chaudement de son projet à ses parents. Catastrophe ! La mère oppose son veto et lui débite ce pourquoi elle est contre : elle ne tient pas à le perdre parce qu'il est fils unique et si, perte il doit y avoir, c'est elle-même qui mourra.

''Tu peux partir, mais à ton premier coup de fil pour nous annoncer ton arrivée, on t'apprendra dans le même temps mon décès!''. Voilà ce que dit à peu près la maman et Ablaye qui la sait malade du cœur n'a pas tenu tête.

''Je sais, indique-t-il, qu'elle souffre de maladie cardio-vasculaire et qu'elle est aussi hypertendue, je ne pourrais jamais avoir la mort de ma mère sur ma conscience en dépit de mon désir fou de partir''.

Le reste de son récit est une confession sur fond d'une démission forcée : ''j'étais fin prêt pour partir parce que c'est la seule solution. Je ne gagne que des miettes avec le transport. Tout le contraire de mes amis qui sont tous en Europe''.

''Quand je vois que tous mes amis sont partis et qu'ils reviennent plein aux as, il y a de quoi lâcher tout et filer vers l'Europe'', poursuit Ablaye qui, pourtant, a tenté une fois de partir par la voie normale, lorsque des ''invitations'' lui avaient été adressées depuis la France et l'Angleterre par des amis et parents. Le visa lui a été refusé au Consulat de France, contrairement à son cousin. Pour noyer sa déception, le jeune homme a pleuré des jours durant.

''Je restais cloîtré dans ma chambre de 8h à midi pour pleurer sur mon sort'', raconte-t-il.

Maintenant qu'en plus du visa qui ne vient pas, maman s'en mêle, Ablaye s'est rabattu sur son ''clando'', espérant ainsi échapper aux maux qui guettent les chômeurs de son quartier.

''J'ai peur de détruire ma vie dans la drogue ou l'alcool'', souffle le jeune homme avant de révéler qu'il compte améliorer sa situation en décrochant un poste de chauffeur dans l'une des stations qui pullulent sur la bande FM.

Avec un salaire fixe, il compte soutenir davantage sa mère et mettre quelque chose de côté pour pouvoir un jour se rendre ...en Europe. Hé oui! Il en rêve toujours, Ablaye, des beaux immeubles, du froid de canard européen et des euros...

SD/CTN/SAB



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