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Seydina Issa LAYE ( Fils aîné du khalife général des Layènes) : « Les courtisans du Palais éloignent Wade des populations »

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Seydina Issa LAYE ( Fils aîné du khalife général des Layènes) : « Les courtisans du Palais éloignent Wade des populations »
Seydina Issa Laye est bien marabout, fils aîné du khalife général des Layènes El Hadj Abdoulaye Thiaw Laye. Mais il ne s’embarrasse guère de la langue de bois. Cheveux grisonnants et fine moustache poivre sel, il adopte une liberté de ton surprenante pour dire ce qu’il pense. Dans l’interview réalisée dans son salon, à son domicile de Cambérène, il s’attaque à la place réservée aux arabisants dans la gestion des affaires du pays et révèle que le président Wade s’éloigne de plus en plus des populations à la base.

Wal Fadjri : En quoi, les arabisants auraient-ils pu contribuer à résoudre la crise énergétique (pétrole) ?

Seydina Issa Laye : Je voudrais tout d’abord préciser que le Sénégal a des relations traditionnelles avec le monde arabe. Nul n’ignore que plus de la moitié des réserves mondiales de pétrole se trouve entre l’Arabie Saoudite, l’Irak, le Koweit et j’en passe. Le Sénégal a joué un grand rôle au sein du Comité Al Qods. Aux Nations Unies, notre pays a eu à présider pendant longtemps le Comité pour la sauvegarde des droits inaliénables du peuple palestinien. D’ailleurs, le premier bureau de l’Olp en Afrique au Sud du Sahara a été ouvert à Dakar, avant d’être érigé en ambassade dirigée par Ibrahim Souss. En plus, si le Sénégal a pu organiser à deux reprises le sommet de l’Oci, c’est sans doute lié à ses relations privilégiées avec le monde arabe qui regroupe les plus grands bailleurs de l’Oci. Mais, est-il sûr que nous exploitons réellement toutes les potentialités offertes par cette opportunité ? Je ne pense pas ! C’est pourquoi, je propose qu’on implique les cadres formés dans les pays arabes dans la gestion des affaires.

Wal Fadjri : Qu’est-ce que les arabisants auraient fait pour soulager la facture pétrolière du Sénégal ?

Seydina Issa Laye : Dans le passé, il y a eu des investissements énormes en provenance des pays arabes. Il y a les Fonds saoudien, koweitien, qatari, etc., qui ont contribué à la réalisation de grands projets d’infrastructures au Sénégal. C’est également le cas avec les défuntes banques Sénégalo-koweitienne et tunisienne et récemment d’Attijari bank ou Air Sénégal International qui est un bel exemple de coopération maroco-sénégalaise. On peut citer Oil Libya avec les Libyens, Dubaï Port World, etc. Voilà autant d’exemples qui montrent que la confiance que le monde arabe place en notre pays est profonde. Et elle date de très longtemps.

Ils sont nombreux les arabisants qui peuvent être influents. On aurait pu en faire des porteurs de message, des chargés de mission et même les inclure dans les commissions mixtes de coopération. Ainsi, les Arabes se rendraient compte que ceux qu’ils ont formés sont bien présents dans les sphères de l’Etat. C’est à ce niveau que les pouvoirs publics doivent revoir leur politique et apporter les correctifs qui s’imposent. Et puis, à titre d’exemple, hormis la France, le Maroc est le pays qui a le plus formé de cadres militaires sénégalais. C’est également le cas dans bien d’autres domaines avec des pays comme l’Egypte, l’Algérie, la Tunisie, etc. Tout simplement pour dire qu’on peut bien faire appel aux cadres formés dans les pays arabes dans la gestion des affaires de l’Etat.

Wal Fadjri : Pourtant, nombre de diplomates affectés dans les pays arabes sont bien issus de grandes familles religieuses. Est-ce à dire que cette sorte de parti-pris en faveur des fils de marabout plombe leur capacité à entreprendre des initiatives ?

Seydina Issa Laye : En tout cas, les ambassadeurs issus des familles religieuses que je connais sont bien à la hauteur de leur mission. Dans tous les cas, pour moi, les cadres arabisants ne renvoient pas exclusivement aux familles religieuses. Mon souci est de voir revaloriser les études en arabe dans tous les domaines. Par exemple, on peut s’inspirer de la restructuration du ministère des Affaires étrangères en 1989 qui avait mis en place une cellule des Etudes, de l’Analyse et de la Prévision avec des compétences pluridisciplinaires (arabisants, francophones, anglicistes, etc.) pour mener la réflexion et servir de cadre de concertation sur les grands dossiers. Cela permettra, à mon avis, de donner une autre impulsion à la diplomatie sénégalaise envers le monde arabe autour du chef de l’Etat et sous la coordination du ministre des Affaires étrangères. La politique dont il est question consiste à mettre fin à la marginalisation des cadres arabisants en les impliquant réellement et rationnellement dans les affaires de la cité. Ce n’est pas le cas et ceci bien avant l’alternance.

Wal Fadjri : Justement, la langue n’est-elle pas un handicap pour cette implication des arabisants ?

Seydina Issa Laye : C’est un faux débat ! Prenez certains pays comme la Chine, vous y verrez des ministres qui ne parlent que chinois. C’est vrai que le français est notre langue officielle, mais l’arabe doit être considéré comme un élément qui enrichit notre patrimoine national. Ce n’est pas une affaire de langue. D’autant que, désormais, c’est l’économie qui commande tout. Le roi d’Arabie Saoudite ne parle pas anglais, son pays n’en est pas moins important sur l’échiquier mondial. C’est injuste de dire que quiconque ne parle pas français est exclu des affaires. Et puis, c’est l’arabe qui a devancé le français au Sénégal. La langue ne doit pas être un obstacle. Les pays arabes sont bien conscients de la place qui est réservée aux arabisants. Qu’ils le disent ou pas, ils ne sont pas contents de constater que leur appui à notre pays est disproportionné par rapport à la place faite aux cadres arabisants. Tôt ou tard, cette marginalisation fera du bruit au grand jour.

‘Les compétences des cadres arabisants ne sont pas suffisamment exploitées. Une vision plus large des décideurs aurait permis de les intégrer dans tous les secteurs où leurs compétences peuvent être valorisées’

Wal Fadjri : Voulez-vous dire que l’appui des pays arabes aurait pu être plus conséquent si on avait bien impliqué les arabisants dans les affaires ?

Seydina Issa Laye : Il est clair que la coopération arabe est bien une réalité. Mais, les compétences des cadres arabisants ne sont pas suffisamment exploitées. Une vision plus large des décideurs aurait permis de les intégrer dans tous les secteurs où leurs compétences peuvent être valorisées.

Wal Fadjri : Vous êtes militant du Pds et votre parti a une section des arabisants. Aujourd’hui que Me Abdoulaye Wade est au pouvoir, qu’en est-il des engagements pris avec les arabisants ?

Seydina Issa Laye : Le Pds est un parti, or la question des arabisants dépasse le cadre d’un parti. Je n’analyse pas le problème sous cet angle. N’oublions pas qu’avant son accession à la magistrature suprême, Wade avait déjà sillonné beaucoup de pays arabes tels que l’Irak, la Libye l’Arabie Saoudite, etc., et pendant la guerre de libération d’Algérie, il a eu à défendre des militants du Fln. Je trouve révoltante cette manière de poser les problèmes des arabisants. Le fait de créer un cadre pour les arabisants, revient à en faire des citoyens entièrement à part. On n’a entendu nulle part une section des hispanistes ou anglicistes. Par conséquent, cette perception des choses est plutôt stigmatisante, je ne l’approuve pas.

Wal Fadjri : Et comment voyez-vous votre parti ? Vous inspire-t-il confiance ?

Seydina Issa Laye : Quiconque dit que le Pds n’a pas de difficultés, refuse de voir le soleil en plein jour. Il y en a qui partent et d’autres qui arrivent. Ceux qui partent, ont bien leurs raisons. Je tiens à dire qu’un pays ne se gouverne pas à partir de bureaux climatisés. Un pays se gouverne en restant collé aux pulsions de la base. Le citoyen lambda est propriétaire de sa carte d’électeur. Tout responsable politique qui disparaît au lendemain des élections et change de numéro de téléphone, aura des surprises en retrouvant les populations à la base.

Wal Fadjri : Voulez-vous donc dire qu’il y a des responsables libéraux que la base a perdus de vue depuis les dernières élections ?

Seydina Issa Laye : Mais c’est clair ! Il y a des responsables qui ont disparu. Ceux-là ne travaillent ni pour le secrétaire général, ni pour le parti. Je suis avec Wade, mais je garderai ma liberté de pensée. Je ne me lasserai jamais de dire ce qui ne va pas. Jamais, je ne serai parmi ceux qui disent que ça marche alors qu’ils parlent pour leur propre compte ou pour leurs propres poches.

‘Il faut qu’il (Wade) brise le cordon que les intermédiaires et autres courtisans ont érigé autour de lui. Ceux-là l’éloignent des populations pour leurs propres intérêts. Je constate que, de plus en plus, on éloigne le président des populations’

Wal Fadjri : Y aurait-il cassure entre le sommet et la base du Pds ?

Seydina Issa Laye : Entre les dirigeants et les populations à la base, il y a bien une cassure. L’urgence pour moi, c’est la demande sociale. Tout le reste relève de la démagogie. Il est vrai que l’Etat ne peut régler à 100 % les problèmes de la population, mais, il faut qu’on sente qu’il y a des hommes de bonne volonté. Si j’avais un conseil à donner au président Wade, je lui dirais d’être attentif à la demande sociale. Et pour y arriver, il faut qu’il brise le cordon que les intermédiaires et autres courtisans ont érigé autour de lui. Ceux-là l’éloignent des populations pour leurs propres intérêts. Je constate que, de plus en plus, on éloigne le président des populations.

Wal Fadjri : Est-il possible de combler le fossé qui se creuse entre les populations et le président de la République ?

Seydina Issa Laye : C’est bien possible, mais il faut de la volonté politique. Me Wade en est bien capable. Il lui suffit de réhabiliter les vrais responsables. Le malaise est dans le Pds, il faut donc qu’il l’exorcise. Il y en a qui sont prompts à s’afficher avec le président, mais qui ne représentent pas grand-chose en termes de bilan. Et tout cela, le président peut bien en être édifié. Sans quoi, il va vers des surprises désagréables.

Wal Fadjri : Voulez-vous dire que des choses se passent à la base et dont le chef de l’Etat n’est pas informé ?

Seydina Issa Laye : Mais tout le Sénégal est conscient de cela. Les frustrations au niveau de la base sont plus importantes qu’on ne le pense. Combien sont-ils ceux-là tapis à la présidence et qui n’ont de préoccupation qu’à torpiller les actions de leurs adversaires ? L’important pour le chef de l’Etat est de se passer des intermédiaires. Parce qu’en réalité, Wade a été toujours proche des militants et des populations.

Wal Fadjri : Que dites-vous de la dernière visite du président Wade à Pikine ?

Seydina Issa Laye : J’encourage le président à ne pas s’arrêter à Pikine. Le Sénégal, ce n’est pas seulement la banlieue dakaroise. Et comme il ne peut être partout, je lui suggère de s’appuyer sur de vrais hommes de confiance pour qu’ils aillent partout à son compte et lui ramènent les réalités du terrain et du pays. Certes, Abdoulaye Wade ne peut pas régler tous les problèmes du Sénégal en 24 heures mais, il peut au moins redonner espoir aux Sénégalais en leur offrant des solutions de sortie de crise. Pour cela, il faut qu’il multiplie les contacts directs avec les populations en éliminant sans détours les intermédiaires qui ne se préoccupent que de leurs intérêts personnels. 



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