Tambour major de Yakhya Diop pendant plus de quinze ans, Seyni Gningue file droit vers une séparation avec Yékini. Ce dernier ayant récemment déclaré à Bassoul, lors d’un reportage de la Sen Tv, qu’il sera dorénavant avec l’autre batteur, Ibou Sène de Fimela. Suffisant pour que Sunu Lamb fasse le déplacement à Joal pour le rencontrer. Dans cet entretien qui constitue sa première sortie après la défaite de Yékini, Seyni Gningue brise enfin le silence en ne manquant pas de faire des révélations de taille.
Entretien
Excepté vos fonctions de tambour major de Yékini, les sénégalais ne vous connaissent pas tellement. Qui est Seyni Gningue ?
Je vais commencer par vous remercier de cette marque de
reconnaissance et de considération que vous me manifestez en quittant
Dakar jusqu’ici pour échanger avec moi. Depuis le dernier combat de
Yékini, j’ai été sollicité de toute part mais j’ai toujours refusé de
sortir le moindre mot. Je peux dire que Seyni Gningue est le tambour de
Joal. Je suis le tambour major de tout Joal.
Griot de souche et batteur de tam-tam par nature, comment et où avez-vous fait vos armes comme tambour major ?
Mon papa Sémou Gningue était un très grand tambour major, reconnu
de tous, et qui a fait ses preuves un peu partout. Seulement, j’ai été
éduqué par mon oncle Diégane Diagne dans la maison de qui j’ai passé
beaucoup de temps. Et c’est lui qui m’a appris le métier. Il m’a appris
le métier avec un bon coeur. Je ne le remercierai jamais assez car, ici à
Joal et environ, il n’y a pas un seul tambour major qui ne soit pas
passé par moi.
Vous avez donc hérité du métier ?
Du côté de mon père comme de celui de mon oncle, oui. Et, dès ma
naissance, c’est au milieu des tamtams que j’ai fait mes premiers pas,
en rampant.
Vos parents sont-ils de Joal ou sont-ils venus d’ailleurs ?
Mon papa est de Samba Dia mais c’est ici que je suis né et où j’ai
grandi. J’ai été bien initié au métier de batteur et je remercie toute
ma famille.
Quel est votre âge ?
Je suis né en 1963 (il a donc 50 ans).
Avec deux femmes, il me semble ?
En effet, j’ai deux femmes.
En attendant la troisième ?
(Rires). J’ai même eu trois femmes mais Dieu a fait que je n’en ai plus que deux seules.
Où et quand avez-vous animé, pour la première fois, un tournoi de lutte ?
Le premier grand gala de lutte que j’ai animé a eu lieu dans le
quartier Ndoubab, ici à Joal. En ce moment, on faisait souvent venir des
batteurs d’autres lieux. Mais, à Ndoubab, ils ont dit que personne
d’autre que le fils de Sémou Gningue ne va animer ce gala. Que c’est mon
père qui animait tous leurs galas. Et, maintenant qu’il n’est plus là
mais qu’il a laissé derrière un tambour major, qu’il soit compétent,
célèbre ou non, c’est lui qu’on va prendre. C’est de là que les portes
m’ont été ouvertes.
Ceux qui vous connaissent aujourd’hui vous connaissent plutôt comme batteur de Yékini. Quand vous êtes-vous connus ?
J’ai connu Yékini depuis très longtemps. Il est mon jeune frère. Nous sommes tous de Joal et il est un frère pour moi.
Pouvez-vous revenir sur les circonstances de votre première rencontre avec l’homme ?
Nous habitions dans le même quartier, ici à Joal. Je commençais à
animer des galas bien avant de le connaitre. Et quand Dieu a fait qu’il a
fait ses preuves en lutte simple jusqu’à devoir entrer dans la lutte
avec frappe, il a dit que c’est son grand frère, Seyni Gningue, qui
allait l’accompagner au stade.
Depuis combien de temps êtes vous devenu son tambour major ?
Cela fait quinze ans que je suis son batteur. Tous ses combats
qu’il a livrés en lutte avec frappe, c’est bien moi qui les ai animés.
Vous devez alors bien le connaitre ?
Je dirai plutôt qu’on se connait très bien.
Que représente pour vous la date du 22 avril 2012 ?
(Il réfléchit un peu). C’est une date qui me marquera à jamais.
Elle me rappelle bien des souvenirs, les uns plus douloureux que les
autres. C’est avec le coeur gros que j’en parle. Auparavant, en effet,
je ne connaissais pas la défaite pour Yakhya. Ce que nous connaissions,
c’était une bonne préparation, une grande mobilisation depuis Joal et
une victoire à l’arrivée. Voilà pourquoi la date du 22 avril constitue
un très mauvais souvenir pour moi. Cependant, je mets en avant ma
croyance en Dieu. C’est Lui Qui décide de tout. C’est Dieu Qui nous
donnait les victoires et Qui en a décidé autrement ce jour là. Moi qui
suis son tambour major, j’ai pris cette défaite avec beaucoup de
philosophie.
Les jours de combat de Yékini, vous quittez Joal le même jour ou la veille ?
Les combats de Yékini sont des combats pour lui, certes, mais
également pour moi. Je menais mes combats de mon côté et à ma manière.
Feue ma mère le soutenait mystiquement sans qu’il n’en soit au courant
et je ne l’ai jamais déclaré. Ma mère le faisait pour Yékini mais aussi
pour moi-même. Seule la victoire nous préoccupait, en effet, pendant ses
combats.
C’est le jour du combat que vous quittez Joal alors ?
On nous envoie un car, mes batteurs et moi. Nous nous retrouvons à
la gendarmerie pour faire un convoi avec les bus des supporters et
rejoindre Dakar.
Vous partez donc en même temps que Yékini ?
Il part bien avant nous. Il quitte Joal le même jour pour aller à Dakar.
C’est donc ici qu’il noue son nguimb ?
Il fait une partie de sa préparation ici pour certainement terminer le reste à Dakar.
Pendant les quinze ans que vous avez accompagné Yékini au stade, avez-vous une fois senti être atteint mystiquement ?
C’est une question que j’attendais et à laquelle je suis très
content de répondre. Je vais jurer afin que vous soyez plus convaincu de
ce que je vais vous dire. Billahi, wallahi, tallahi, le batteur de
Balla Gaye 2 ne m’a pas atteint mystiquement. Je le jure sur le saint
coran et sur Serigne Touba. Il ne peut m’atteindre mystiquement. Ce
qu’il y a eu, c’est qu’on devait perdre et on a perdu. Voilà.
D’ailleurs, cela faisait très longtemps que je n’avais pas aussi bien
animé que lors de ce combat. Je vais saisir cette occasion pour
expliquer une chose. Nous avons été combattus par bien des composantes
du stade et de l’arène. Ce jour là, j’étais le premier à avoir accédé
dans le stade. Quand Balla Gaye 2 est arrivé, on m’a pris les quatre
micros, avec ceux des batteurs de sabar et de la troupe de Mbaye Dièye
Faye, pour les donner tous au tambour major de Balla Gaye. Quand
celui-ci a terminé son tousse, on devait normalement nous rendre nos
micros tout en demandant à son batteur d’arrêter de battre son tamtam.
Non seulement on n’a pas pris les micros mais, en même temps, on l’a
laissé continuer librement de battre ses tamtams. C’est d’ailleurs à ce
niveau qu’il dit avoir saboté ma chorégraphie et il a certainement
raison. Quand on fait entrer son lutteur, tous les autres batteurs
doivent arrêter. C’est ce qu’on a toujours connu au stade. Mais, ce jour
là, ce qui s’est passé est inédit. C’est la toute première fois. Si
Yékini n’a pu entendre mon son, c’est que tout ce qui était matériel
sonore était avec Balla Gaye 2 et son batteur. Pourtant, tous les autres
batteurs ont arrêté quand Balla Gaye 2 faisait son tousse.
Plus tard, le batteur de Balla a révélé que ce sont des consignes qu’il avait reçues de grands connaisseurs de la lutte…
C’est encore la preuve que ce n’est pas parce que j’ai été
mystiquement atteint ou autre. Ce n’est pas aujourd’hui que j’ai
commencé à aller au stade. Quinze ans, ce n’est pas quinze mois, encore
moins quinze jours. Ils ne sont pas nombreux à avoir fait quinze ans
dans le métier. J’en appelle à tous les griots afin qu’ils fassent
preuve de plus d’honnêteté et de dignité dans le boulot. Il ne sert à
rien de nous jouer certains sales tours. Nous sommes tous des parents et
rien ne vaut certains comportements, très malsains du reste.
Dans un récent entretien avec Sunu Lamb, Hypo Ngary a dit que…
(Il ne nous laisse pas terminer) Ce jour là, on a bousculé Hypo
Ngary. Quand il est allé leur demander d’arrêter leurs tamtams afin que
Yékini fasse son tousse normalement, on l’a tout simplement bousculé.
Il a dit que l’erreur que vous avez commise a été de ne pas
amener au stade plusieurs tamtams au point de pouvoir face aux sons du
batteur de Balla Gaye 2. Êtes-vous d’accord ?
S’il a dit ça, c’est qu’il s’est trompé ou n’a pas bien observé ce
qui s’est passé ce jour là. Je suis venu avec 21 tamtams le jour du
combat. Ce qui n’arrivait pas très souvent. Quand on m’a fait
comprendre, à la porte, que je n’avais droit qu’à 15 batteurs, j’ai payé
5.000 FCFA à chacune des six personnes restantes, en guise de ticket
d’entrée. Je l’ai fait pour ne pas accuser du retard dans l’enceinte.
Vous n’avez alors commis aucune erreur ?
Je n’ai commis aucune erreur ce jour là. Je vous ai dit tantôt que
cela faisait très longtemps que je n’avais aussi explosé comme c’était
le cas ce jour là. Comme un joueur, je m’échauffais tout en battant le
tamtam. J’étais avec une forme extraordinaire le 22 avril 2012.
Avez-vous eu un pressentiment, à un moment ou à un autre du combat, que Yékini allait perdre ?
J’ai pleuré dans le stade.
Pourquoi ?
J’ai vu que Yékini ne parvenait pas à entendre mon son malgré les
21 tamtams que j’avais installés à l’occasion. Même en dehors du stade,
c’est plutôt le son venant de mes tamtams que l’on entendait et la voix
de feue Khady Diouf.
Et pourtant Yékini ne vous entendait point ?
Il ne m’entendait pas. Et quand je l’ai vu s’agenouiller, au beau
milieu de l’enceinte, en parlant avec Robert, je n’en pouvais plus de
voir mon frère dans une telle situation. Alors, j’ai versé des larmes.
C’est en ce moment que j’ai eu un mauvais pressentiment. J’ai compris
que c’était la volonté divine.
Vous saviez alors qu’il allait tomber ?
Pourtant, malgré tout, je ne croyais pas encore à la défaite.
Mais, quand j’ai vu Yékini, comment il était et avec son comportement,
je me suis fait des idées. Il avait l’habitude d’être beaucoup plus
endiablé que ça.
Cela ne confirme-t-il pas ceux qui avancent qu’il était mystiquement atteint ?
Diékou amna ci. Oui, on peut dire qu’il était atteint. Qu’on le dise ou non, c’est cela la vérité.
D’où devait venir qu’il soit atteint mystiquement ?
Il y a des détails dans lesquels je ne voudrais pas entrer. Ce qui
est sûr, c’est que moi, Seyni Gningue, tambour major de Yékini…
Attention ! Jusqu’à présent, je reste le tambour major de Yékini.
Celui-ci ne m’a encore rien dit de face. Pour avoir été avoir assisté à
toutes ses victoires, ce ne sont pas des dires de la télé ou des
rumeurs qui vont me convaincre qu’il y a rupture entre nous.
Vous êtes-vous parlé depuis le combat, par téléphone ou autre ?
Non, depuis lors, on ne s’est pas parlé. Il ne m’a pas appelé. Moi non plus.
Est-ce normale, une telle situation ?
Je ne sais pas. Mais je considère que c’est lui qui doit prendre
l’initiative de m’appeler. Il est mon lutteur et mon jeune frère. S’il
vient à Joal, il doit pouvoir me joindre pour qu’on se parle.
Rester pendant plus d’une année sans communiquer, n’est-ce pas la preuve qu’il y a mésentente entre vous ?
Non, pas du tout. S’il y a rupture, c’est peut-être de son côté.
Je dis et je répète que je me considère toujours comme le tambour major
de Yékini.
Pourtant, il a dit à la télé que c’est désormais l’autre
tambour major, Ibou Sène de Fimela, qui va l’accompagner au stade.
L’avez-vous suivi ?
Je l’ai suivi à la télé avec des amis. Cette nuit-là, les gens
n’ont pas arrêté de me joindre. On m’ont appelé de partout : Dakar,
Mbour, Fatick, Kaolack, Samba Dia. Tous me demandaient ce qui s’est
passé. Je leur ai rétorqué que je ne dirai rien parce qu’il (Yékini) ne
m’a encore rien dit. Je ne le croirai jamais tant que je n’aurai pas vu
qu’il a effectivement un combat que je n’anime pas. Je ne peux pas
croire à ça car je ne lui ai rien fait. Et je pense que, quand on est
majeur, on ne doit pas pouvoir se fier sur des «on m’a dit» pour prendre
certaines décisions. Si on m’avait dit quelque chose de Yékini, je
l’aurais appelé en responsable pour lui en parler avant de prendre une
quelconque décision. Dieu n’aime que la vérité. Je me préparais seul, de
mon côté, lors de ses combats.
Mystiquement, vous voulez dire ?
Personne ne se fatiguait autant que moi pendant ses combats. Vous
savez tous ce qu’est la lutte. Je ne peux pas accompagner Yékini sans
être regardant sur certaines choses.
Après cette déclaration, Yékini a posé un autre acte en
invitant Ibou Sène lors du gala de lutte simple qu’il a organisé le 16
juin à Demba Diop. Cela ne vous convainc toujours pas de la rupture
consommée entre vous ?
Tout cela ne signifie rien pour moi. J’attends de voir. Je suis
parent à Ibou Sène mais il est de Fimela et je suis de Joal. Aucun autre
tambour ne fera plus ce que j’ai fait pour Yékini. Je l’ai accompagné
pendant quinze ans. Il a organisé un gala et a invité Ibou Sène. Voilà.
Mais quelque chose d’incompréhensible s’est passé ce jour là
car, en bon batteur reconnu de tous, Ibou Sène a eu du mal à composer le
rythme fétiche de Yékini …
Je sais bien ce qui s’est passé ce jour là. Si Babou Ngom n’était
pas là-bas ce jour là, ce serait la catastrophe. Il a amené Ibou Sène et
tout le monde a vu ce qui s’est passé. Euh (il hésité). Si c’était moi
qui l’avais accompagné, ça ne se passerait pas comme cela.
Mais il se dit que, entre tambours majors, il se passe des
choses mystiques. Vous vous atteignez pour empêcher aux autres de
briller. N’est-ce pas ?
Babou Ngom et Ibou Sène sont les mêmes. Même si c’est moi qui ai
créé ce rythme de Yékini, un batteur ne doit pas avoir de problème à le
composer pour lui. Ce jour là, j’ai eu mal car je veux que, partout où
il est, Yékini ait le succès en toute chose. Il arrive qu’un tambour
major soit affolé au point de se perdre complètement.
Comme d’autres, vous avez été accusé de faire partie de ceux
qui auraient mystiquement sacrifié Yékini. Il se dit qu’on est passé par
vous pour l’atteindre mystiquement. Qu’en répondez vous ?
Voilà une autre question qu’il me plaira d’évacuer définitivement.
Je ne vois pas, dans ce monde, quelque chose qui peut me pousser à un
acte aussi ignoble. Nous les griots, nous sommes honnêtes. Si ça ne
dépendait que de moi, j’allais accompagner Yékini pendant toute sa
carrière sans qu’il ait la plus petite défaite. Personne n’ose me faire
face pour tenter de telles choses. Je ne l’ai jamais permis et je ne le
permettrai jamais à personne. Il y a une chose : qu’il pleuve, qu’il
neige, je n’ai que Yékini comme lutteur. S’il est devenu roi des arènes,
je dois pouvoir être le roi du mbalakh. Seulement, je manque
terriblement de soutien dans ce sens. Plusieurs des chorégraphies
actuelles dans l’arène sont ma pure création. Je vous le jure.
Comme quel rythme, par exemple ?
En général, c’était le mbara bouki, ndiadiane djinné avant le
tousse proprement dit sous forme de ral diakidia, ral diakidia… Mais,
les présents rythmes, ce sont nous, les Sérères, qui les avons
introduits dans l’arène. Et, quand je le créais pour Yékini, beaucoup de
batteurs n’étaient pas encore au stade. C’est moi qui ai créé la
plupart des rythmes de Papis Général. Le son que je faisais pour Papis
Général, c’est pour Yékini que je l’ai d’abord créé au stade. Ensuite,
Yékini a vu un rythme que je composais pour Thiampou (Alizé, ndlr) et
m’a demandé de le lui faire. Ce sont deux sons différents. L’un était
pour feu Malick Nguéniane et ce n’est pas moi qui l’avais créé. Il
ressemble un peu à celui de Yékini.
C’est vrai que feu Malick Nguéniane a toujours réclamé ce son qu’il considérait toujours comme sa propriété…
Mais il y avait une différence entre les deux rythmes. Pour Malick
Nguéniane, c’était le guidia foukh, guidia foukh, rawthiarathia
guidiaguine, kiis kiis. Alors que celui de Yékini, ce sont des termes
quelque peu impropres.
Pouvez-vous expliciter ce rythme de Yékini ?
C’est moi qui l’ai créé. Il y a une différence entre ces deux
rythmes. Partout où on met ce rythme, tous ceux qui connaissent Yékini
pensent automatiquement à moi. Je ne l’interdis à personne, cependant.
Je donne le feu vert à tous les griots de le composer. J’en avais
discuté avec un de mes parents qui me l’avait recommandé.
Pourtant, c’est actuellement le rythme de beaucoup de lutteurs. Pourquoi, selon vous, ils l’aiment tant ?
Mais c’est parce que c’est un très bon rythme et qui a du bayré. Il n’y a pas un seul gala où on ne l’entend pas.
Si la rupture avec Yékini, qui se dessine vraiment, est consommée, qu’allez-vous faire ?
S’il se sépare de moi et prend Ibou Sène, je considèrerai que ce
n’est rien et je vais continuer de prier pour lui. Le compagnonnage,
quel qu’il soit, a une durée de vie bien
précise.
Mais, il n’y aurait pas, pour vous, un goût d’inachevé si vous le quittiez sur une défaite, la première de sa carrière ?
Si je l’ai accompagné pendant quinze ans, avec tout le succès
qu’il a eu, je ne peux être content qu’il me quitte sur une défaite pour
un autre batteur. S’il me quitte, il m’aura trahi.
Et pourquoi parlez-vous de trahison ?
Au début, c’était trop dur. Et Dieu a fait qu’il a gravi des
échelons au point de percevoir les cachets faramineux qu’on lui connait
aujourd’hui. Et, si je vous dis qu’il m’aura trahi, c’est que je pensais
que c’est quand il s’apprêtera à quitter l’arène qu’il va enfin faire
quelque chose pour moi. Depuis que je suis avec lui, je ne suis allé
chez lui pour demander quoi que ce soit. Et il ne m’a jamais rien donné.
Il n’a rien fait pour vous, vous avez dit ?
Rien. Je ne l’accompagnais pas par intérêt. C’était par devoir de
reconnaissance et d’honnêteté. Ma mère est décédée à cinq jours de son
dernier combat contre Baboye. On m’a tout dit pour me décourager à ne
pas aller au stade. Je leur ai répondu que ce qui devait se passer s’est
passé et ce n’est pas de la faute de Yékini. Et, comme Yékini n’avait
d’autre batteur que moi, j’ai décidé de l’accompagner au stade. Après
trois jours de funérailles, je suis allé, le lendemain, au stade avec
Yékini. Depuis lors, jusqu’à présent, Yékini n’est jamais venu me
présenter ses condoléances. Donc, si rupture il doit y avoir, elle doit
venir de moi. Mais, aujourd’hui plus que jamais, j’aime Yékini et je
suis son tambour major. Je ne suis pas un traitre. La lutte a ses
réalités et il est possible qu’un marabout lui ait demandé de me
laisser. Je peux donc le comprendre. Dans la lutte, il y a des victoires
et des défaites. Ce qu’il y a à faire pour Yékini, c’est de revoir ses
arrières et se refaire.
D’aucuns estiment que c’est une erreur pour un lutteur que de se séparer de son tambour major. Vous confirmez cela ?
Je ne peux avoir ce point de vue. S’il pense devoir me changer,
c’est peut-être parce que je suis devenu source de malchance pour lui,
après quinze ans de succès. Et s’il change de tambour major, je souhaite
que celui-ci lui porte bonheur. Dans les périodes de bonheur comme de
malheur, je resterai très honnête et digne. Si j’étais avec un autre
lutteur, j’aurais dépassé ce stade où je suis depuis très longtemps.
Ah bon, comment ?
Sur le plan du son. Je lui ai créé du bon rythme. Il m’arrivait
d’aller voir des gens pour qu’ils nous aident mystiquement, et c’est
avec mon propre argent que je les rémunérais. Tout cela pour qu’il ait
la victoire. Nous de Joal n’avons que Yékini qui est une fierté pour
tous. Tant qu’il ne se sera pas adressé à moi, je considèrerai que je
suis encore son tambour major.
Et, si vous vous sépariez aujourd’hui, comment alliez vous
continuer dans l’arène. Est-il possible que vous accompagniez d’autres
lutteurs ?
Bien sûr ! Voilà une autre question qui me fait beaucoup plaisir.
Il y avait beaucoup de portes que j’avais fermées, à cause de Yékini, et
que je suis prêt à rouvrir. J’en suis à un niveau où plus aucun lutteur
ne me trahira. Tout lutteur qui voudra que nous travaillions va
désormais me payer un très bon cachet, et entièrement. C’est à dire sans
avance. Je veux que tous les lutteurs en soient informés.
Vous parlez de collaboration de quelle nature ?
Sur le plan purement mystique. Je suis prêt à soutenir tout
lutteur qui viendra me voir à condition qu’il me paie grassement et
entièrement.
Il vous arrivait donc de soutenir certains lutteurs ?
Jamais. Moi je n’ai eu qu’un seul lutteur. Et c’est Yékini. Et jusqu’à preuve du contraire, il reste mon lutteur.
Vous est-il une fois arrivé, lors de ses combats, de vous rendre compte que Yékini est mystiquement atteint ?
Non. Je n’ai jamais senti qu’il est atteint. Mais, lors de son
combat contre Balla, j’ai vu en lui un comportement qu’il n’a jamais
eu. J’ai eu trop pitié de lui. Et quand il est venu vers moi après son
tousse, tous ses grigris sont tombés sur moi. Ce qui ne s’était jamais
passé auparavant.
Il y avait alors des signes qu’il allait perdre ?
J’ai vu en lui, lors de son dernier combat, un comportement qu’il
n’a jamais eu dans un combat. Yékini a toujours eu des victoires et
c’était très pénible dans le camp de ses victimes. Maintenant qu’il a la
défaite, il faut que nous sachions que c’est cela le sport.
Est-il facile d’atteindre mystiquement Yékini ?
On ne peut être fort au point d’être Dieu. Ce que je peux dire,
c’est que nous avons eu des victoires et voilà que la défaite est
arrivée. Il faut être grand dans la défaite.
Comment avez-vous vu Balla Gaye ce jour là ?
Rien de particulier à signaler. Seul Dieu est invincible. Les
prophètes sont tombés, les plus grands marabouts aussi. N’importe qui
tombera un jour.
Comment voyez-vous son avenir dans l’arène ?
S’il doit revenir, il doit d’abord bien se refaire.
Mansour Sakho a été accusé de l’avoir trahi. Si Yékini décide
de changer et de se séparer de vous, n’est-ce pas une manière de vous
accuser de quelque chose ?
Mansour Sakho et Yékini étaient de véritables amis. C’est comme
s’ils étaient de même père et de même mère. D’ailleurs, Yékini a dit un
jour, à la têlé, que Mansour était son frère de même père et de même
mère. C’est vous dire comment les rapports étaient étroits entre ces
deux hommes.
Croyez-vous que Mansour ait travaillé contre Yékini ?
Je ne le crois pas. Je ne peux pas l’imaginer, vu les rapports
qu’ils ont eus. Il est arrivé des moments où je devais nécessairement
passer par Mansour pour parler à Yékini ou le voir. Donc, s’il s’avère
qu’il a trahi Yékini, ce serait une grosse surprise pour moi. Je ne
crois pas à sa culpabilité.
Pensez-vous qu’ils puissent se retrouver ?
C’est possible. On ne sait jamais. En tout cas, je ne connais pas la trahison.
Qu’avez-vous ressenti au décès de Khady Diouf ?
C’est un ami qui m’a téléphoné pour me demander si j’avais
l’information. Et je lui ai dit que non. Il m’a demandé de suivre la
radio avant de me dire que c’est Khady Diouf qui est décédée. Je lui ai
alors demandé de raccrocher avant de composer immédiatement le numéro de
Khady Diouf. Au bout du fil, c’est Faya Mbodj qui me répond. Je lui
demande ce qui s’est passé et elle m’a répondu que c’est Khady Diouf qui
est partie. Par la suite, je ne sais plus ce que j’ai fait de mon
téléphone. Elle soutenait des batteurs en les rectifiant alors qu’ils
étaient sur le point de dévier.
Pourquoi vous n’avez pas la célébrité d’un Babou Ngom qui est très connu dans les arènes à Dakar et partout dans le monde ?
C’est très important, ce que vous me posez comme question. J’ai
fait quinze ans dans l’arène avec frappe. Babou Ngom est mon frère et
c’est moi qui l’ai amené pour la première fois ici à Joal. Je n’ai pas
sa chance car il a des personnes qui le soutiennent afin qu’il soit
visible. Mais, ceux avec qui je suis ne m’ont pas soutenu. Il ne faut
pas que nous, les griots, nous acceptions que les lutteurs installent un
malaise entre nous. Après leurs combats, pas un seul lutteur ne pense à
remercier son batteur. Les lutteurs ne considèrent pas les griots.
C’est cela la vérité. Nous devons en être conscients. Ils remercient
tous, sauf nous les griots, qui sommes leurs tambours majors. Il faut
qu’ils pensent un peu plus à leurs batteurs. Ils manquent de
reconnaissance.
Votre dernier mot ?
Que Dieu nous donne la paix et que les lutteurs soient plus
reconnaissants ! Les batteurs sont d’une importance capitale pour eux.
Aucun lutteur ne peut payer son batteur. C’est difficile.
Que dire à Yékini ?
Qu’il sache que tant qu’il ne m’aura pas appelé pour me dire ceci
ou cela, je me considèrerai comme son tambour major. Je suis et je
resterai son grand frère. Quoi qu’il puisse arriver. Nous n’avons que
lui et je le dirai toujours. S’il se sépare de moi, je continuerai de
prier afin qu’il ait toujours le succès. Que Dieu fasse ce qui est
meilleur pour moi ! Je ne me limite pas seulement à la lutte. J’anime
des concerts et tout. Je prie pour lui mais également pour moi-même.
Nous avons toujours eu la victoire. La défaite est arrivée pour la
première fois. Nous devons pouvoir croire en Dieu. Il est mon jeune
frère et le restera. Si nous nous séparons, c’est parce que notre
compagnonnage est arrivé à termes.
Sunu Lamb
Seyni Gningue, tambour major déchu de Yékini : "S’il se sépare de moi, il m’aura trahi"
Par: Sunu Lamb via leral - Seneweb.com |
03 novembre, 2013 à 10:11:53
| Lu 61635 Fois |
40 Commentaires
Auteur: Sunu Lamb via leral - Seneweb.com
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En Novembre, 2013 (12:29 PM)Fis
En Novembre, 2013 (12:30 PM)Question 22
En Novembre, 2013 (12:40 PM)j aimerai poser la question a savoir est ce que les bonbon a la menthe ( mente fraiche) rendaient steriles voire impuissant. Ca fait des annees que j attends ce meme discours et de la ârt de personnes different es
en fait j voudrai savoir est ce que c est sceientifiiquement prouves
merci d avance
Maïmoune
En Novembre, 2013 (12:59 PM)Xxx
En Novembre, 2013 (13:34 PM)La défaite te rendra plus fort si tu l'acceptes avec humilité.
Kinety
En Novembre, 2013 (13:38 PM)Salif Dor
En Novembre, 2013 (13:55 PM)Dédado
En Novembre, 2013 (14:07 PM)Aaaa
En Novembre, 2013 (14:19 PM)Bb_girl
En Novembre, 2013 (15:32 PM)Pougnar
En Novembre, 2013 (16:02 PM)Pfff
En Novembre, 2013 (16:26 PM)balla moko gueneu bakh khôl fouf c pr sa yallah mayko ndam.yekini si il arrete pas la lutte tout de suite il va devenir comme boy kairé tout les lutteurs von le battre.il va devenir un boy nékh.bakhna rek.ndap kénna douka gnitte.
Thug
En Novembre, 2013 (17:57 PM)Boy Joal
En Novembre, 2013 (18:34 PM)Gueum Sa Boop
En Novembre, 2013 (22:26 PM)Yaaram
En Novembre, 2013 (04:53 AM)Lenfant De Bassoul
En Novembre, 2013 (15:54 PM)Che
En Novembre, 2013 (00:20 AM)Deug La Verite
En Novembre, 2013 (18:05 PM)Je lui demande de se ressaisir et ne pas tenir compte des marabouts qui ne cherchent que des excuses, en accusant MANSOUR OU son batteur. ILS n'ont rien fait. C'est ALLAH qui cherche si réellement il croit ou ne croit pas.
S'il continue à croire à ces charlatans, DIEU lui administrera une autre preuve de son pouvoir sur lui.
Povmecrean
En Novembre, 2013 (12:34 PM)Teranga Yassa
En Novembre, 2013 (19:51 PM)Participer à la Discussion