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Souleymane SOUARE (Syndicat des Travailleurs de l'Electricité) : ‘Le Premier ministre est responsable de la situation de la Senelec’

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Souleymane SOUARE (Syndicat des Travailleurs de l'Electricité) : ‘Le Premier ministre est responsable de la situation de la Senelec’
Si la promesse du chef de l'Etat de mettre fin aux délestages à partir du 15 octobre dernier n'a pas été tenue, c'est parce que la Senelec doit encore une facture à Gti. Et le secrétaire général adjoint du Syndicat autonome des travailleurs de l'électricité (Satel) attribue une bonne part des responsabilités au Premier ministre. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, avant-hier, Souleymane Souaré s'en prend également à la Banque mondiale ainsi qu'à Moustapha Niasse, le patron de l'Afp.

Wal Fadjri : Comment réagit votre syndicat au changement intervenu à la tête de la direction générale de la Société nationale d'électricité (Senelec) ?

Souleymane Souaré : Je dois dire que nous sommes très peinés, très déçus. Je suis très inquiet par rapport à ce qui se passe. Mais une telle situation ne m'étonne pas parce qu'on s'y attendait plus ou moins. Quand même, il est regrettable de constater qu'on en est arrivé à ce stade sans que les populations ne puissent avoir la bonne information. C'est-à-dire sans qu'elles puissent savoir réellement la situation qui a provoqué ce que nous sommes en train de vivre aujourd'hui.

Wal Fadjri : De quelle situation s'agit-il ?

Souleymane Souaré : Il s'agit, au-delà des coupures d'électricité, de la situation de la Senelec. C'est une situation qui perdure depuis plus de quinze ans. Voilà une situation qui, chaque fois, connaît des rebondissements, des remises en question. Et nous avons l'impression que nous sommes dans une histoire sans fin.

Wal Fadjri : C'est quoi le fond du problème ?

Souleymane Souaré : Le fond du problème, nous en avions discuté il y a six mois. La Senelec est l'une des seules entreprises qui est restée dans le giron de l'Etat. Et qui dit rester dans le giron de l'Etat, dit être confronté à des problèmes structurels. Ceux-ci sont variés, parmi lesquels il y a le financement de l'investissement de la Senelec qui requiert la mobilisation de beaucoup de moyens financiers. Et la Senelec ne peut pas générer assez d'argent pour pouvoir s'autofinancer. Elle a besoin de s'appuyer sur des banques, principalement des banques de développement qui peuvent mobiliser des prêts concessionnels sur une longue durée pour pouvoir régler la question du financement. Malheureusement, ces banques ne peuvent travailler avec la Senelec dans la situation actuelle sans l'appui de l'Etat. Voilà toute la complexité que vit la Senelec.

Wal Fadjri : Quel est le montant nécessaire pour le financement des investissements de la Senelec ?

Souleymane Souaré : Je ne peux pas vous dire que la Senelec a besoin de tant de milliards parce que je ne suis pas un expert en la matière. Mais ce que je peux dire, c'est qu'une entreprise qui a des centrales qui sont là depuis plus de trente ans et un réseau de plus de trente ans a besoin de renouveler ses équipements. Sans quoi, elle est vite rattrapée par la vétusté de son matériel. Et ce matériel-là, c'est un coup financier énorme. La question qui se pose est de savoir pourquoi jusqu'à aujourd'hui, nous peinons à trouver les moyens de notre investissement.

Wal Fadjri : La Senelec a-t-elle averti le gouvernement de cette situation ?

Souleymane Souaré : Le directeur général qui vient de s'en aller, avait averti le gouvernement depuis le mois de mars 2005. Il lui avait demandé de prendre ses dispositions parce que le prix du baril du pétrole qui était en ce moment à 40 dollars, risquait de grimper jusqu'à 70 dollars. Mais pourquoi le gouvernement n'a pas réagi ? Qui est derrière tout ça ? Cette crise n'a-t-elle pas été créée de toutes pièces en complicité avec certains lobbies pour asphyxier la Senelec ?

Wal Fadjri : A qui vous faites allusion ?

Souleymane Souaré : Le principal responsable de cette situation, c'est le gouvernement, en particulier le Premier ministre, M. Macky Sall. Quand on vous fait part de l'imminence d'un problème qui risque de déstabiliser les populations, votre devoir est de réagir le plus promptement possible. C'est ça qui doit être la réaction d'un responsable. Il ne suffit pas d'attendre jusqu'à ce que la maison prenne feu pour ensuite l'arroser à coup de milliards.

Wal Fadjri : Et les bailleurs de fonds, quel est leur degré de responsabilité dans cette situation ?

Souleymane Souaré : Les bailleurs de fonds ont leur part de responsabilité dans cette situation. Parce que quand le Premier ministre dit, d'après un journal de la place, que M. Samuel Sarr ne s'entend avec aucun de nos bailleurs de fonds, cela veut dire qu'il y a problème quelque part. Et si c'est pour cette raison que des pressions ont été exercées sur lui pour qu'il démissionne, cela veut dire que nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge. Et la Banque mondiale (Bm) a sa part de responsabilité. Nous recevons tous les jours des missions de la Bm. Elles regardent l'augmentation de la masse salariale, l'augmentation de tel indicateur au niveau de la Senelec. Des décisions qui vont dans le sens de l'amélioration de la paix sociale suscitent la réaction de la Bm qui exerce un chantage sur le gouvernement. La société civile doit dénoncer ce genre de pratique. La dernière fois, vous aviez dit que la Senelec est restée pendant dix ans pour obtenir un financement de 6 milliards de la Banque islamique de développement (Bid) pour le financement d'une centrale qui se trouve au Cap des biches. Pour la simple raison que l'Agence française de développement (Afd) exigeait sa privatisation, avant de pouvoir financer. Et face au refus du gouvernement d'alors de privatiser, ces financements ont été bloqués pendant presque huit ans, avant que nous puissions disposer du financement que nous avons pu obtenir de la Bid. On peut alors se demander pour quel intérêt certains bailleurs de fonds travaillent. Est-ce qu'ils travaillent pour nous permettre de nous développer ou pour nous maintenir dans le sous-développement ? Or tant que nous ne serons pas capables de trouver des solutions par rapport à ces questions, nous allons toujours vers d'éternels recommencements.

Wal Fadjri : Et le président de la République a-t-il été informé de cette situation ?

Souleymane Souaré : D'après l'information que nous avons reçue, il y a eu trois correspondances qui ont été adressées au gouvernement par l'intermédiaire du ministre de l'Energie et des Mines. Et quand le président de la République a été mis au courant de ces correspondances, il a demandé la tenue d'un conseil interministériel sur la Senelec. Et malgré la décision du président de la République, l'organisation de ce conseil interministériel sur la Senelec a traîné pendant longtemps.

Wal Fadjri : Quelle est la part de responsabilité de la Senelec elle-même ?

Souleymane Souaré : La communication faite sur la situation de Senelec donne l'impression que c'est l'entreprise qui est responsable des problèmes auxquels elle est confrontée, que la Senelec ne respecte pas ses engagements vis-à-vis des pétroliers. Alors que depuis trois ans, la Senelec respecte ses engagements vis-à-vis de ses fournisseurs, de ses pétroliers. Et elle paye ses factures régulièrement. La question n'est pas un problème de non-respect des engagements de la Senelec. Il s'agit de régler une situation qui dépasse la Senelec parce que la fourniture du pays en combustible n'est pas du ressort de la Senelec.

Wal Fadjri : Samuel Sarr n'aurait-il pas dû démissionner longtemps après avoir alerté en vain le gouvernement ?

Souleymane Souaré : Il aurait dû le faire peut-être depuis longtemps. Mais tant qu'on croit qu'une solution peut être trouvée, on a le droit et l'obligation de se battre. Aujourd'hui, l'entreprise a plusieurs perspectives. Au-delà de la fourniture d'électricité, la Senelec est capable d'être une entreprise de télécommunication. Ces chantiers n'ont été possibles que sous la direction de Samuel Sarr. Il avait donc le devoir et l'obligation de se battre. Qu'il démissionne aujourd'hui, c'est regrettable. C'est pourquoi je suis amer.

Wal Fadjri : Sur quoi attendez-vous le nouveau directeur général ?

Souleymane Souaré : C'est sur les chantiers qui ont été engagés, comme le programme d'investissement. Nous attendons que la personne qui viendra puisse continuer ce programme pour permettre à la Senelec de sortir des difficultés auxquelles elle est confrontée. Nous attendons cette personne qui remplace Samuel Sarr sur les chantiers sociaux qui ont été engagés au niveau de l'entreprise, notamment la signature du statut du personnel et l'accord collectif du fonds de pensions des travailleurs de la Senelec. Et nous sommes fermement engagés à faire face à n'importe quelle personne qui viendrait pour régler des comptes ou pour ses propres intérêts.

Wal Fadjri : Le chef de l'Etat avait promis la fin des délestages le 15 octobre 2006. Mais les coupures continuent de plus belle. Pourquoi persistent-elles ?

Souleymane Souaré : Le problème des délestages a été longuement expliqué. C'est, d'une part, le problème des combustibles. Mais le problème réel, c'est que, depuis plus de trois mois, il n'y a pas d'importations de fuel lourd. Et la Senelec n'a pu importer qu'un seul bateau. Et depuis ce bateau, il n'y a pas eu d'autres importations. Ce qui est sûr, c'est qu'au niveau des centrales, les cuves sont à un niveau de pompage tellement bas qu'il ne permet pas d'alimenter les centrales en fuel lourd. Si bien que la Senelec était obligée, pendant tout ce temps, de marcher en diesel oil. Et hormis le coût exorbitant du diesel (la tonne coûte plus de 400 000 F et le fuel lourd plus de 160 000 F), la Senelec était obligée, pour éviter que les populations ne soient dans des délestages beaucoup plus graves, d'acheter elle-même son carburant, de commander son combustible sur le marché international et de mobiliser de l'argent pour payer ses fournisseurs au niveau international. Tout le monde sait qu'une lettre de crédit, quand elle est ouverte dans une banque, il faut que la somme soit couverte pour que la commande puisse être fournie. Et la Senelec s'est employée à racler toutes ses ressources financières pour couvrir ses lettres de crédit au niveau des banques. Ce qui explique les difficultés de trésorerie que nous avons pour faire face à certaines de nos obligations. On nous donne des ordres pour qu'on mobilise tout ce que nous avons dans une banque de la place pour acheter des combustibles. Est-ce qu'une entreprise qui a pour métier de fournir de l'électricité, peut s'évertuer à mobiliser toutes ses ressources pour simplement une seule activité qu'est le combustible. L'autre difficulté est liée à la vétusté du matériel. Ces centrales ne devraient être allumées qu'en cas de besoin parce qu'elles ont des coûts de production très élevés. Quand le kwh d'une centrale sortie d'usine coûte 80 francs, je me demande quelle est la marge qu'on peut faire, pendant que les nouvelles centrales ou Manantali ont des coûts de 34 à 50 le kwh sorti d'usine. Et nous sommes obligés de faire marcher ces centrales malgré leur vétusté, souvent en ne respectant pas les programmes d'arrêt pour entretien rien que pour satisfaire la production d'énergie. Ce sont des sacrifices que nos collègues font quotidiennement au niveau des centrales. Mais personne ne le reconnaît.

Wal Fadjri : On parle aussi de Gti qui serait aussi à l'origine de ces délestages. Est-ce vrai ?

Souleymane Souaré : C'est vrai, Gti est aussi à l'origine de nos difficultés. Gti est une entreprise privée avec qui nous avons signé un contrat de fourniture d'énergie qui nous vend exclusivement sa production. Mais c'est un contrat très complexe parce que les autorités ont eu à mettre dans les clauses des situations qui ne sont pas en faveur de la Senelec. C'est nous qui payons Total qui lui fournit le carburant pour fonctionner. Et quand nous tardons à payer Gti, nous payons des pénalités. Mais quand Gti arrête sa centrale, il ne nous paye rien du tout. Il exige qu'on lui paye ses factures à quarante-cinq jours pendant que nous facturons nos clients à soixante jours.

Wal Fadjri : Devez-vous actuellement de l'argent à Gti ?

Souleymane Souaré : Je n'en sais rien. Mais d'après mes informations, nous ne devons qu'une facture à Gti.

Wal Fadjri : Est-ce pour ça que le président de la République avait annoncé la fin des délestages pour le 15 ?

Souleymane Souaré : En tout cas ce que je sais, si la dernière déclaration du gouvernement faisant état de promesse de financement de l'ordre de 70 milliards de francs Cfa pour régler le problème des combustibles, tient toujours, alors, le problème est sur le point de trouver une solution.

Wal Fadjri : Beaucoup de consommateurs se plaignent du coût élevé des factures. Comment cela est-il possible avec ce déficit d'électricité ?

Souleymane Souaré : C'est une question qui m'a été posée très souvent. Mais ce que les gens ne savent pas, c'est que les délestages existent à des heures où les consommations ne sont pas élevées. Si les délestages se situent à un moment où votre consommation est très faible, c'est-à-dire où le client n'est pas à la pointe de sa consommation, il n'y aura aucun impact sur ses factures.

Wal Fadjri : Cela n'est-il pas dû aussi à la hausse de 15 % sur le prix de l'électricité ?

Souleymane Souaré : C'est vrai. La hausse de 15 % a été décidée. Il me semble qu'elle doit être appliquée sur les factures de ce bimestre. Il est possible que ça soit effectif parce qu'elle a été officiellement annoncée.

Wal Fadjri : Que pensez-vous de la déclaration de Moustapha Niasse qui accusait Samuel Sarr de vendre des produits pétroliers ?

Souleymane Souaré : Nous avons entendu un responsable politique dire que la Senelec avait quitté son métier originel. Elle importait des produits pétroliers qu'elle revendait sur le marché. Ce qui est archi faux. Et c'est regrettable que ce soit un politicien qui est dans le métier du pétrole, en l'occurrence M. Moustapha Niasse. Il a eu à avancer des choses à travers la presse que je demande qu'il clarifie dans l'intérêt de la population. Si Samuel Sarr a eu à importer des produits pétroliers qu'il a vendus sur le marché, les populations doivent en être informées, parce que ce n'est pas ça qu'on lui a demandé de faire. Si cela n'est pas vrai, M. Moustapha Niasse doit s'excuser auprès des populations parce qu'on doit pas utiliser la Senelec pour des affaires politiciennes. Aucun des agents de la Senelec que j'ai eu à interpeller sur cette question n'a eu à me confirmer que de telles pratiques ont eu lieu au niveau de la Senelec. Je mets au défi Moustapha Niasse d'apporter la preuve de ses allégations.



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