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TABASKI, JOUR-J MOINS 15 : Des moutons à 800.000 francs Cfa, les clients se font désirer

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TABASKI, JOUR-J MOINS 15 : Des moutons à 800.000 francs Cfa, les clients se font désirer

Mangeoires en bois ou en matière plastique, tellement propres qu’on croirait qu’ils n’avaient jamais été utilisés, sol «nickel», à croire qu’on a passé le sable au tamis…le plus impressionnant : une cinquantaine de gros moutons bien soignés, attachés ça et là, sous une tante bien aménagée. A moins de quinze jours de la Tabaski, les points de vente de moutons commencent à pousser comme des champignons à Dakar. Celui-ci se trouve entre les quartiers résidentiels Amitié et Point E. Assis sur une confortable chaise, un œil sur chaque mouton, Abou Kane, le propriétaire de la bergerie, discute avec les veilleurs de nuit et le personnel chargé de l’entretien des bêtes. «C’est un excellent Jennifer», dit-il, en contemplant un beau bélier. A ses côtés, une carafe d’eau fraîche, sur un plateau quatre tasses de thé et une théière. Les prix des moutons varient entre 150 et 800.000 francs Cfa. Les trois les plus chers sont couchés côte à côte. Ils sont tellement gros, avec d’énormes cornes, on dirait des vaches ! «Il y en aura bientôt pour 125.000 francs», annonce-t-il. Sa clientèle, l’on s’en doute, est triée sur le volet. «Ce sont en général les mêmes personnes qui viennent acheter chez moi, on se connaît bien». En désignant une quinzaine à sa gauche, il dit : «ceux-là ont déjà été vendus, mais je les garde encore ici, à la demande de leurs propriétaires. Ils ne paient rien pour cela». Pour s’installer au Point E, non plus, Abou Kane n’a pas déboursé un rond. Par contre, il soutient avoir casqué pour ses moutons qui consomment environ 15.000 francs par mois. «Je leur sers de l’aliment concentré, du «Super Ladour» et du Ovin embouche, de la paille d’arachide et de l’eau. Ils ont entre 1 et 4 ans. Chaque bête a son prix de revient, par rapport aux frais.  Le sac de 50 kg est à 9.400 francs, il faut 2 sacs par jour. 80 % sont des moutons de race et la clientèle le sait». Il doit certainement s’agir de personnes qui ne regardent pas les zéros sur leurs carnets de chèque, du genre ministres, guides religieux, hommes d’affaires… «Je ne sais pas», répond le vendeur, «par discrétion, je ne leur demande pas leurs noms. Ils viennent, achètent et partent». Pour assurer la sécurité, Abou Kane a «embauché» deux veilleurs de nuit. Deux autres jeunes hommes s’occupent de l’entretien de l’enclos et des bêtes. Chacun perçoit 60.000 francs.

Trop de frais, peu de bénéfice

Autre point de vente, autre décor. Ici, à Liberté 5, l’on n’a pas encore fini de s’installer. Le dixième de l’espace réservé n’est pas occupé. Quelques personnes sont occupées à creuser des trous pour mettre les piquets de délimitation. Il n’y a pas d’abri contre le soleil et le vent. Le sol est déjà couvert d’excréments, des sachets d’eau et gobelets vides, traînent par terre.  Trois vendeurs accourent, pressés de faire des affaires. «Bonsoir madame, venez voir, c’est ici…». A la vue de la carte de presse, leur sourire racoleur disparaît : «nous ne comprenons pas wolof». Ils sont presque tous vêtus de «Maïlouss» noir et portent autour de leur «thiaya», des ceintures en cuir qui leur arrivent presque à la cheville. Assis sur un sac de foin, Kalidou Bâ, qui vient de finir de se raser la barbe, se passe de l’eau avant de ranger le miroir dans sa poche. A quelques mètres, des femmes qui tiennent une gargote, lavent la vaisselle. Des dizaines de sacs de foin sont entassés dans un coin. «Les gens viennent petit à petit. Souvent, il s’agit de personnes qui font des sacrifices ou qui célèbrent des baptêmes. A Dakar, il se pose un problème d’espace pour garder des moutons. Le maximum vendu jusqu’ici, en ce qui me concerne, est 5. Parfois, je ne vends rien. Ils coûtent entre 25.000 et 150. 000 francs Cfa».

A propos de sécurité, il sourit et soulève son «sawrou» ( bâton). «Nous n’avons pas le choix, c’est nous qui assurons le gardiennage», lance-t-il sans conviction. Avec ce petit bout de bois, il ne risque pas de faire le poids devant des voleurs ! «Pour avoir de l’eau, nous payons entre 1000 et 1500 aux charretiers, pour le baril. C’est avec cela que nous donnons à boire et lavons les moutons. J’habite à Guédiawaye et je viens tôt le matin, pour rentrer le soir, mais la majorité passe la nuit ici. Au réveil, ils se rendent chez des voisins ou des parents qui sont dans les environs, pour leurs toilettes et leurs besoins». Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, Kalidou Bâ prédit que les moutons ne seront pas bon marché cette année. «Les clients sont confrontés à trop de difficultés avec les récentes hausses et nous aussi, de notre côté, avons engagé beaucoup de dépenses. Le foin coûte les yeux de la tête. Pour transporter le bétail, j’ai déboursé 350.000 francs. Ici, 25 mètres carrés coûtent 10.000 francs Cfa. Pourtant, on avait dit que ce serait gratuit. A cause de tous ces frais, certains ont préféré rester au village, à Podor. On en arrivera une année où personne ne viendra à Dakar. Les autorités font plus de facilités aux Mauritaniens et Maliens, qu’aux Sénégalais ». Quid de l’électricité ? En levant le nez, il sourit et pointe un doigt sur des fils attachés aux piquets de délimitation. «Ils sont installés depuis 3 jours, mais nous sommes toujours dans l’obscurité. Il suffit qu’un mouton cogne sur les piquets et hop !»

Enclos «gratuit» à 10.000 francs

Des voix s’élèvent à quelques pas. Il a suffi de peu pour que les antagonistes en arrivent aux mains. On se dispute de l’espace. Très remonté, Lamine Fall lance, en sortant un ticket : «ils disent que les espaces sont gratuits et j’ai payé 40.000 francs pour m’installer ! Avec cela, on veut m’empêcher de m’installer, c’est trop ! Je ne vais pas me laisser faire». Oumar Badji, qui est trop propre sur sa personne, pour un vendeur de moutons, tente de calmer son voisin. «Il fallait des pelles mécaniques pour dégager tous les gravats, aménager cet endroit et nous permettre de venir. Des sites comme ceux des Hlm, du Camp pénal, de la Vdn ont été supprimés. Ce qui fait que là où des gens avaient d’habitude 15 mètres, ici, ils se retrouvent avec 10 mètres, pour faire de la place aux autres. Les 10.000 francs sont une simple participation symbolique».

Sempiternels transistors collés à l’oreille, d’énormes turbans autour de la tête, parfois, carrément des serviettes, les vendeurs de moutons sis à l’entrée de l’autoroute, même s’ils comptent les clients sur les bouts des doigts, affichent la joie de vivre. «Des passants demandent les prix pour avoir une idée et disparaissent. Nous vendons à partir de 25.000, jusqu’à 90.000 francs», affirment Samba Sénégal et Mamadou Bâ. Sur ce site aussi, l’électricité est une denrée rare ou inexistante. La proximité avec les Niayes, où les voleurs peuvent se fondre dans la nature en un clin d’œil, les expose.

«Dès le crépuscule, il fait sombre. Les voleurs profitent de notre sommeil pour dérober des bêtes. Vendredi, ils en ont pris 15. D’ailleurs, quand il commence à faire sombre, les clients se gardent de venir. Nous avons aussi des problèmes d’eau. Nous en puisons à une pompe, à quelques mètres, les bassines sont vendues à 200 francs». Le sac de foin, poursuivent-ils, en égrenant un chapelet de casse-tête, coûte 3200, plus le transport qui est à 200 par sac. «En fonction du nombre de moutons, il faut à peu près 3 à 4 sacs par jour, parfois 10. Le plat de riz est à 400 francs, quand on a 10 personnes à sa charge, c’est un budget ! Heureusement que nous ne payons pas les places», finissent-ils par se réjouir. Et Samba Sénégal de lever le pouce vers le ciel et d’ajouter : «pour le moment, c’est gratuit, on ne sait jamais !».



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