La libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Cedeao reste toujours une équation. Malgré l’existence de textes, les frontières de la sous-région demeurent de véritables forteresses dressées contre toute fluidité.
La révision et l’acclimatation du traité sur la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Cedeao pour éviter les tracasseries hantent certains observateurs. La résolution de cette lancinante problématique reste un véritable casse-tête chinois pour les pays concernés. Les projets se multiplient, mais les résultats restent piètres. Le dernier en date est une initiative de jeunes regroupés au sein de l’association, Student and youth travel organization (Syto) Sénégal. Ils ont procédé, hier, au ministère des Affaires étrangères au lancement d’un projet dénommé : ‘Projet de lutte contre les tracasseries frontalières’. Le projet dispose d’un financement de l’Union européenne à travers la convention de contribution de l’Ue-Cedeao du 9e fonds européen de développement. Ce fonds porte sur la participation des acteurs non étatiques au processus d’intégration régional en Afrique de l’ouest.
Le financement du projet s’élève à 81 mille euros, les 20 % de cette somme relèvent de cotisations des étudiants. Ils seront donc plus de 200 étudiants formés aux instruments juridiques et mécanismes qui sont en vigueur dans l’espace Cedeao. Une méthodologie de travail de terrain sera mise en œuvre. Les jeunes vont produire une version simplifiée du protocole avec des affiches visuelles à l’appui pour bien mener la sensibilisation dans les gares routières, les aéroports et autres. Des caravanes seront également organisées, selon Moustapha Fall, coordonnateur du projet dans les postes frontaliers de Keur Ayib et de Rosso Sénégal.
D’un fort appui sur le protocole sur la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Cedeao, l’action entend assurer plus de fluidité dans les frontières avec la Gambie et la Mauritanie. Pourquoi la Mauritanie ? Parce que simplement, ce pays a bien suivi la ligne politique de la communauté en faisant partie de la Cedeao de 1973 à 1999, rappelle le coordonnateur du projet. Il poursuit pour dire que : ‘Certaines habitudes liées à l’application des accords y sont restées de mise, notamment le visa qui n’est pas obligatoire pour les ressortissants sénégalais’. Et pourquoi la Gambie alors ? Selon l’association Syto, en coupant le Sénégal en deux, la traversée de la Gambie n’est souvent pas sans difficulté. Il s’agit donc là d’un pays souverain qui ‘veut affirmer sa souveraineté alors que les populations sont parmi les plus intégrées’. Les axes routiers Sénégal-Gambie et Sénégal-Mauritanie ont été choisis donc selon l’association Syto ‘à cause des divers incidents qui y sont très souvent notés et au besoin récurrent des populations nationales d’avoir des frontières fluides et pacifiées’.
Pour ces jeunes, le projet vise, entre autres objectifs, à contribuer à la prise de conscience sur l’application adéquate et effective des termes du protocole sur la libre circulation, les conséquences négatives des tracasseries au niveau des frontières et la nécessité de les arrêter. Ce qui fera dire à l’ambassadeur Makhtar Guèye, directeur de l’intégration économique africaine, que l’objet de la liberté de circulation, c’est de permettre le déplacement des facteurs de production, en particulier le facteur humain, là où ce facteur peut mettre en valeur de façon optimale ses compétences et ses qualités. Là-dessus, Thierry Cozier de l’Union européenne demande à la Cedeao de s’inspirer de l’exemple de l’Ue au moins sur un domaine, notamment celui de l’ouverture totale de l’espace intérieur européen faisant que les frontières n’existent plus et que les citoyens peuvent se déplacer comme ils veulent dans l’espace.
Dr NDIORO NDIAYE, PRESIDENTE AMLD : ‘Plus de formation et de coordination viendront à bout des tracasseries’
Le Dr Ndioro Ndiaye de l’Alliance pour la migration le leadership et le développement (Amld) est formelle : Seule une réelle volonté politique pourra venir à bout des tracasseries frontalières. Dans l’entretien qui suit, Mme Ndiaye note que cette volonté doit se matérialiser à travers une formation permanente des acteurs, mais également une coordination efficiente entre les différentes structures étatiques.
Wal Fadjri : Les agents de sécurité sont souvent indexés lorsqu’il s’agit de rencontre sur les tracasseries frontalières. Comment appréciez-vous cet état de fait ?
Dr Ndioro NDIAYE : Au niveau des frontières, il y a des officiers de grande qualité qui font leur travail avec énormément de dévouement et d’efficacité. Cependant, ce que nous avons observé c’est un manque de formation, un manque d’information. Les différents textes qui gèrent la Cedeao ne sont pas très bien connus du personnel en charge de la gestion de nos frontières, il en est de même pour la coordination. Il s’agit maintenant de voir comment nous pourrions faire pour fédérer toutes ces structures qui existent. Faire en sorte que la personne qui veut aller dans un pays de l’espace puisse partir librement. Vous l’avez entendu, Il y a souvent 27 check point entre le Sénégal et la Gambie et c’est la même chose que l’on demande aux mêmes personnes.
Selon vous donc, c’est plus un manque de coordination qu’autre chose. Avez-vous une proposition à faire en ce sens ?
Si on pouvait avoir une coordination des exigences qui sont requises pour chaque ministère, chaque service, ce serait beaucoup plus facile. On présenterait une plate-forme, une sorte de guichet unique aux migrants qui satisferaient les exigences et qui pourraient partir. Nous suggérons qu’entre deux frontières, la présence de temps en temps d’un dialogue, d’une mise à niveau ou d’une harmonisation de ce qui est exigé pour que chaque niveau puisse renforcer l’autre. Le poste contrôle de Farafegny qui est à moins de cinq minutes de l’autre côté de la Gambie pourrait, par exemple, être fédéré au poste gambien pour plus de pertinence. D’autant plus que nous sommes dans une sous-région où les pays ont très peu de moyens, les frontières sont extrêmement vastes avec 15 mille kilomètres et également poreuses. Si on fédérait nos moyens dans certains endroits, on pourrait peut-être créer des structures ailleurs et ensemble. Mais, encore une fois, cela dépend des Etats et de la volonté politique des dirigeants qui doivent former notre personnel, nos populations et intégrer la société civile pour qu’elle accompagne les officiels dans la sensibilisation, l’information et la communication envers les populations.
Et que dire donc des femmes qui rencontrent d’énormes difficultés dans les frontières ?
Il faut rendre hommage aux femmes qui traversent l’ensemble des frontières soit pour faire du commerce ou autres activités. Ces femmes rencontrent énormément de difficultés et cela ne date pas de maintenant. L’Association des femmes de l’Afrique de l’ouest (Afao) l’a toujours dénoncé et elle travaille toujours en ce sens. Il faudrait écouter les résultats ou les constats qui sont faits par les personnes qui travaillent sur le terrain pour donner des réponses politiques et opérationnelles à ces problèmes.
Propos recueillis par Amadou NDIAYE
6 Commentaires
Lebouc
En Mai, 2011 (09:12 AM)Tatoolove
En Mai, 2011 (09:15 AM)Upssa
En Mai, 2011 (09:29 AM)Tienne
En Mai, 2011 (09:32 AM)Tio
En Mai, 2011 (15:58 PM)Vérité
En Mai, 2011 (16:50 PM)Participer à la Discussion