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[ Dossier ] TRAFIC INTERNATIONAL DE DROGUE : Comment le Sénégal est en passe de devenir une plaque tournante

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[ Dossier ] TRAFIC INTERNATIONAL DE DROGUE : Comment le Sénégal est en passe de devenir une plaque tournante
Notre pays subit les assauts répétés des réseaux internationaux qui veulent en faire un lieu de prédilection de leurs activités délictuelles. Mais c’est sans compter avec la perspicacité des forces de répression très présentes aux frontières. Les saisies de cocaïne ont notablement baissé cette année aux frontières, surtout aériennes, en raison des nombreuses arrestations de membres de réseaux. Aussi bien au Sénégal que dans les aéroports européens, pour les vols en provenance de Dakar dans le premier semestre de l’année 2006 et durant l’année 2007. Malgré les modus operandi utilisés (boulettes dans l’organisme, double-fond de valise, transport sous forme liquide), la réplique adéquate a été apportée. C’est pourquoi les trafiquants internationaux de drogue se tournent vers les femmes pour sceller des mariages mixtes de façade leur permettant de passer entre les mailles des services de répression. Aussi, elles sont nombreuses, les Sénégalaises mariées à des blancs, à purger des peines de prison.

L’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) a procédé, le 26 juin dernier, qui coïncide avec la journée internationale de lutte contre la drogue, à l’incinération de 3 tonnes 582 grammes de chanvre indien, 16,477 kilogrammes de cocaïne, 65 grammes d’héroïne, 2 kg de haschich et 637 substances psychotropes. Selon le commissaire Abdoulaye Niang, chef de l’Ocrtis, l’ensemble du chanvre indien saisi provient des pays voisins. «Grâce à la vigilance aux frontières et à la répression tous azimuts menée par les services de lutte, des coups décisifs ont été portés aux filières africaines de la sous- région, qui se sont résignées, pour le moment, à procéder à des envois sporadiques vers le Sénégal fréquemment stoppés avant qu’ils n’atteignent Dakar. C’est pourquoi les régions enregistrent des saisies record depuis un certain temps», commente-t-il. L’héroïne, quant à elle, faute de consommateurs, qui ont pris peur, continue sa descente enclenchée depuis trois ans. L’année dernière, 13 décès par overdose d’héroïne ont été dénombrés, renseigne le commissaire divisionnaire de classe exceptionnelle. Le haschich, qui ne trouve droit de cité que dans certains milieux étrangers, a vu son marché se réduire de plus en plus. Toutefois, la quantité incinérée en 2008 est de loin supérieure à celle de 2007. Cette quantité représente les saisies opérées dans la seule région de Dakar. Par contre, dans l’intérieur du pays, les quantités incinérées augmentent. Plusieurs convois de chanvre indien ont été interceptés avant leur arrivée à Dakar, principal point de chute. Les principaux réseaux sont actuellement désorganisés et l’on ne note, pour le moment, que des raids sporadiques de trafiquants de la sous-région. À ces facteurs s’ajoute la rigueur dans la répression aux frontières et dans les trains. Les multiples arrestations de ressortissants des Îles Karones, surtout des femmes - enregistrées ces dernières années et qui ont été condamnées à de lourdes peines - ont sensiblement diminué à cause de la sensibilisation. Il s’agit notamment de celle menée par des associations de lutte contre la drogue qui sont allées au contact des populations concernées. Les patrouilles maritimes accentuées de la Douane ont également contribué à la baisse des débarquements le long du littoral de l’océan Atlantique. Quant aux saisies de cocaïne, elles ont connu une baisse par rapport à 2007. Six saisies ont été faites à l’aéroport Léopold Sédar Senghor sur des passeurs employés cette fois par des réseaux internationaux plus structurés.

POSITION GÉOGRAPHIQUE ET FIABILITÉ DU RÉSEAU DE TÉLÉCOMMUNICATION : Ces « avantages » qui font du Sénégal un pays poreux

Du fait de sa position géographique et de la fiabilité de ses réseaux de télécommunication, le Sénégal a tapé dans l’œil des narcotrafiquants, qui en ont fait un important point de transit. Point le plus avancé de l'Afrique dans l'océan Atlantique, il est donc exposé aux activités des réseaux de la cocaïne latino-américaine qui acheminent la drogue, via les îles du Cap-Vert. Il existe, d'autre part, des routes de la drogue, en particulier du haschisch, à double sens, du fait de relations maritimes constantes avec le Maroc et l'Espagne. Il s’y ajoute que l'aéroport international de Dakar-Yoff accueille de très nombreuses compagnies d'aviation et dessert tous les continents, en particulier l'Amérique du Sud.

Le Sénégal est un carrefour terrestre délimité au nord par la Mauritanie, donc sur la route transaharienne-transahélienne nord-sud, à l'est par le Mali, au sud par la Guinée-Bissau et la République de Guinée. La Gambie, État «contrebandier», est encastrée dans le sud de son territoire. Le Sénégal est, en outre, une terre d'accueil pour les Guinéens et les Maliens, diaspora de commerçants parmi lesquels se recrutent de nombreux petits trafiquants et passeurs. Il entretient, enfin, des liens très étroits avec la France où vit une importante colonie sénégalaise, en particulier à Paris et Marseille. Les cultures de cannabis n'ont commencé à préoccuper sérieusement les autorités que lorsqu'il s'est avéré qu'elles contribuaient réellement à accroître le potentiel économique et militaire des rebelles casamançais. Depuis 1993, la drogue a fait une percée à Dakar. Elle provient le plus souvent du Cap-Vert, devenu la principale voie de transit pour la cocaïne brésilienne qui parvient au Sénégal. Il existe une ligne aérienne Rio-Praïa et des lignes Praïa-Dakar. Les liaisons maritimes entre le Cap-Vert et Dakar sont aussi extrêmement nombreuses. En particulier par bateaux de plaisance. Or, il n'existe à Dakar aucun port pour les accueillir. Les plaisanciers doivent signaler leur arrivée, mais ils ont tout loisir de décharger auparavant d'éventuelles cargaisons illicites. Mais, pour éviter les «ciblages» à l'aéroport Léopold Sédar Senghor, où l’Office centrale pour la répression du trafic illicite du stupéfiant (Ocrtis) a une brigade opérationnelle, la cocaïne arrive à Bamako (Mali) pour être acheminée à Dakar par chemin de fer. Les passeurs sont souvent des Nigérians et des Ghanéens. Le port de Dakar est également une importante plaque tournante du haschisch. En effet, il y a deux ans, l’Ocrtis ayant mis la main au port sur plus de 2 tonnes de haschisch planquées dans un container.

«NAAKOY», «BOUDDHA», «GREEN MAKUT», «FOGNY», «LOPITO», «SALSA» ET «BROWN» : Les mille et une variétés de yamba

Premier producteur de marijuana parmi les pays francophones d'Afrique de l'Ouest, le Sénégal occupe le troisième rang et le troisième de l'Afrique de l'Ouest après le Nigeria et le Ghana. L'introduction du cannabis, liée à l'islamisation et aux migrations des populations nomades du nord, semble être beaucoup plus ancienne dans certaines régions du Sénégal que dans les pays d'Afrique de l'Ouest forestière. Mais la lutte que mènent les forces de répression a fait régresser considérablement le phénomène des cultures de cannabis. Le chanvre provenant de la sous-région est aujourd’hui plus prisé par les consommateurs.

Selon des données de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis), il y a différentes sortes de variétés de yamba : «la verte de Mboro», variété locale cultivée dans les Niayes, le «Niakoy» («yeux rouges» en mandingue), une espèce locale améliorée, le «Green Makut», originaire de Gambie, «Le Lopito ou Lop's», de «nationalité» ghanéenne, «le Bouddha», variété casamançaise «améliorée» et enfin la «salsa» ou «Colombienne». Deux autres types, «Marron» ou «Brown», provenant du Mali et «Fogny» sont entrés au Sénégal. Dans les Niayes, zone de culture maraîchère, qui commence aux portes de la ville de Dakar et se prolonge sur une centaine de kilomètres le long de la côte jusqu'aux portes de Saint-Louis, de petits lopins, parfois de quelques pieds, sont dissimulés au sein de cultures licites. Ces petites productions, le plus souvent gérées par des femmes, procurent un revenu qui n'en est pas moins conséquent. Par exemple, le prix payé au paysan pour 5 kilogrammes de marijuana (trois ou quatre pieds) est équivalent à celui de la production de 2 hectares de pommes de terre. Dans la région du fleuve Sénégal, zone de 120 000 ha irrigués par le barrage anti-sel de Diama, à la frontière de la Mauritanie, les cultures sont encore très limitées et leur production est écoulée dans le centre agricole de Richard-Toll, devenu une bourgade semi-urbaine dont la population provient de tous les horizons. Cependant, l'impossibilité pour les petits paysans de réaliser les investissements, afin de mettre en production les rizières, peut les pousser à recourir au cannabis. Dans la Petite côte, le trafic de toutes les drogues est très actif. La relocalisation de lépreux et de réfugiés a ainsi conduit ces populations à s'adonner à la culture du cannabis, qui est dissimulé dans les productions maraîchères. L'existence d'un tourisme européen de masse sur la côte fournit un débouché très rentable aux productions. Une nouvelle zone de production est apparue récemment dans le Sénégal oriental, où le cannabis s'est substitué à l'arachide. Plus récemment, il a compensé la baisse de l'activité cotonnière. Le cannabis rapporte 6 à 8 fois plus que cette dernière production. Dans les îles du Saloum, le long des bras de mer, bordés de palétuviers, appelés bolongs, les agriculteurs testent des variétés de cannabis plus résistantes à l'augmentation de la salinité des terres. Ces zones humides dispensent les agriculteurs d'arrosages fréquents, si nécessaires ailleurs. Cette région a donc un potentiel de cultures illicites très important. Seulement, la variété de chanvre indien cultivée au sud du pays a complètement perdu sa part de marché au profit de deux autres variétés introduites dans le territoire national. Les variétés de chanvre dites «marron» et «fogny», provenant des pays de la sous-région, sont beaucoup plus prisées par les toxicomanes sénégalais. Cette situation a entraîné une baisse notable de la consommation de la variété «Niakoy» cultivée dans le sud du pays.

RECOURS AUX MARIAGES MIXTES : Le dernier tour de passe-passe des dealers

Traqués de toutes parts, les trafiquants ont commencé à changer de stratégie. Leur nouvelle trouvaille consiste à profiter de la naïveté des jeunes filles, voire leur incompressible envie d’aller explorer les vertes prairies européennes, pour les embarquer, via les mariages mixtes, dans des réseaux inextricables. Les mariages mixtes sont nombreux de nos jours. Beaucoup de filles ne rêvent que de convoler en justes noces avec un blanc. Qu’importe ce qu’il fait dans la vie. L’essentiel est qu’il soit capable de les emmener en Europe pour qu’elles sortent de la galère sahélienne. Malheureusement, trop souvent, ce sont ces «messies» qui les plongent dans la galère. En effet, beaucoup de dealers cherchent des filles autochtones pour une couverture, histoire de mieux faire leurs activités délictuelles sans tomber dans les mailles des forces répressives. Ils «recrutent» des filles en les maquillant sous la forme de «mariages mixtes». Résultat : les femmes qui purgent des peines dans des prisons sont nombreuses. Pendant ce temps, leurs maris de dealers vaquent tranquillement à leurs occupations. Dans les prisons pour femmes de Liberté VI, de Dakar, ou de Rufisque, on dénombre de nombreuses détenues incarcérées pour avoir eu des activités liées aux stupéfiants. Une Sénégalaise purge une peine à São Paulo pour la détention de l8 kg de cocaïne. Toujours au Brésil, une autre Sénégalaise a été arrêtée avec 5,6 kg de cette drogue. Des compatriotes de sexe féminin, en possession de cocaïne, ont aussi été arrêtées à l'aéroport de Casablanca, alors qu’elles étaient en transit pour l'Europe. Une concitoyenne, dont le mari est Roumain, est activement recherchée par les éléments de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) pour 5 tonnes de cocaïne. Tout dernièrement, une autre a été arrêtée avec 8 tonnes de haschich. Ce qui fait dire au commissaire Abdoulaye Niang que les parents ont une large part de responsabilité. «Il faut que les parents soient plus regardants sur les mariages de leurs filles. Comme on a l’habitude de le faire chez nous. Quand quelqu’un vient chez nous pour chercher une femme, il faut d’abord demander où sont les parents du prétendant. Qu’il soit blanc ou noir. Mais parce que c’est un étranger, on ne cherche pas à savoir», dit-il. Ce que bon nombre de parents ne font pas, se limitant, s’ils sont musulmans, à demander au prétendant de se convertir à l’Islam. Et lorsque leurs filles se retrouvent derrière les barreaux, ils n’ont que leurs yeux pour pleurer.

DROGUE, CORRUPTION ET BLANCHIMENT D’ARGENT : Le triangle maléfique

La drogue étant une affaire de gros sous, elle rime très souvent avec corruption et blanchiment. La corruption obéit à une logique de contournement subtil du dispositif juridique d’un pays. C’est pour pouvoir passer l’ensemble des barrières que les trafiquants sont obligés de sortir de l’argent. Ils corrompent tout ce qui est sur leur chemin pour pouvoir faire «leur travail». Quant au blanchiment, il consiste ici à insérer dans le dispositif économique de l’argent sale, provenant de la vente de drogue. Les narcotrafiquants font transiter ces sommes d’argent dans l’économie pour les réutiliser. Ils ont d’énormes astuces, allant du placement en banque à la création d’une compagnie d’assurance ou la mise sur pied d’infrastructures. C’est dire qu’il il y a des liens étroits entre le trafic, la corruption et le blanchiment d’argent issu de la vente de drogue. La drogue génère beaucoup d’argent qui doit être blanchi pour «semer» les services de répression.

CULTURE DU YAMBA : Du pain béni pour le Mfdc

Les productions de cannabis n'ont commencé à prendre un caractère vraiment commercial au Sénégal que dans les années 1960. Quand des commerçants ghanéens ont proposé des semences aux paysans de la région des Niayes, près de Dakar, en leur promettant d'acheter la récolte. Les campagnes de répression en Casamance, au début des années 1980, ont aussi favorisé le développement des cultures de cannabis dans cette partie Sud qui est devenue la première région productrice du pays. C'est précisément à cette époque qu'a été créée, en 1982, Attika, la branche armée du mouvement indépendantiste. Son développement, dans une région échappant au contrôle de l'Etat, a été favorisé en 1989 par la situation de crise à Dakar qui a fixé l'Armée dans la capitale. Lorsque l'Armée est intervenue, elle s'est cantonnée dans les centres urbains, se contentant de faire des incursions dans les villages où elle se livrait à des exactions entraînant la fuite des populations. Des terres laissées vacantes ont été cultivées par d'autres personnes, notamment en cannabis. La guérilla s'efforçait de leur apporter une protection et de les aider à commercialiser leur production. Mais, de plus en plus, on signale des prélèvements forcés de taxes sur les cultures par les rebelles du Mfdc. L'implication dans le trafic de cannabis représenterait désormais 70 % à 80 % des revenus du Mfdc. Des échanges de marijuana contre des armes, dans lesquels sont impliqués des trafiquants sénégalais, mais aussi des Libériens, des Ghanéens et des Nigérians, auraient lieu à la limite des eaux territoriales.

INTERVIEW : ABDOULAYE NIANG, CHEF DE L’OFFICE CENTRALE POUR LA REPRESSION DU TRAFIC ILLICITE DE STUPEFIANTS (OCRTIS) : «La téranga sénégalaise favorise les trafiquants de drogue»

Commissaire divisionnaire de classe exceptionnelle, Abdoulaye Niang est le chef de l’Office centrale pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis), la branche spécialisée de la police chargée de lutter contre le trafic illicite national et international de drogue. À ce titre, il jette un faisceau de lumière sur les nouvelles trouvailles des dealers pour déjouer la vigilance des forces de répression.

Expliquez-nous un peu le rôle de la structure que vous dirigez

L’Ocrtis, comme je l’ai dit, est une branche armée de la police. Comme vous le savez, à l’instar de la communauté internationale et parallèlement au développement du trafic international à travers le monde, la communauté internationale s’est organisée en conséquence, notamment en créant des services spécialisés et en prenant une législation spéciale en la matière. C’est justement le cas du Sénégal, qui a donc créé un Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants, qui est une branche armée de la police pour lutter contre le trafic. Pour ce faire, l’Ocrtis, créé par décret, est très bien structuré. Nous avons une section opérationnelle qui est chargée de lutter, sur l’ensemble du territoire national, contre les criminels sur le plan national et international. Nous avons également une section documentaire qui veille sur les statistiques et l’élaboration de stratégies pour lutter contre les criminels. C’est essentiellement un service de renseignement, donc de coordination. Au niveau des régions, nous avons des brigades régionales de lutte contre les stupéfiants. Au niveau des frontières, il y a des unités de lutte contre les stupéfiants. Il y en a deux à Rosso ; deux à la frontière avec la Gambie, un à Kounkandé et une unité bien étoffée à l’aéroport de Dakar. Au niveau du port, il y a une unité mixte de contrôle des conteneurs qu’on appelle Umcc, qui a pour tâche principale de lutter contre le trafic illicite maritime par containers, par navire et par bateaux.

Justement, il y a deux ans, vous aviez arrêté un trafiquant qui avait planqué des tonnes de haschich dans un container. Vous avez aussi effectué récemment, beaucoup d’arrestations, à l’aéroport et dans les frontières. Comment expliquez-vous cette tendance qui est en train de faire du Sénégal une planque tournante ?

Le Sénégal n’est pas encore une plaque tournante, malgré toutes ces saisies importantes faites sur le territoire national. Parce que pour qu’un pays soit qualifié de plaque tournante, il faut qu’il soit un point de rencontre entre les cartels des pays de production et ceux de destination. Pour qu’il y ait plaque tournante, il faut qu’ils se rencontrent dans ce pays. À tout le moins, s’y installent pour négocier des prix ou en faire un centre de distribution. C’est-à-dire créer des stratégies leur permettant de redistribuer la drogue à travers le monde et asseoir des prix sur place. Et le Sénégal n’en est pas encore là. Mais, il peut être considéré comme un pays de transit privilégié. Parce qu’il y a des plaques tournantes où les cartels sont carrément installés. Ce qui se passe, c’est que le Sénégal, de par sa situation géostratégique, est obligé d’être un point de passage. Comme vous le savez, c’est la pointe la plus occidentale de l’Afrique, à mi-chemin entre l’Europe et les Amériques. Donc, notre territoire est utilisé comme point privilégié. En plus, les communications sont très faciles chez nous. À n’importe quel moment, vous pouvez avoir une communication aérienne venant de n’importe quel point du globe. Le débit d’Internet est également excellent. Enfin, il y a un réseau dense et viable du transfert électronique d’argent. Donc, toutes ces conditions réunies, notre pays va forcément intéresser les réseaux internationaux.

On remarque également que les femmes s’activent de plus en plus dans les réseaux de trafic. Qu’est-ce qui l’explique?

Ce qui explique ce phénomène, c’est un peu la légèreté et le manque de sensibilisation. Pour nos femmes, je dirais que c’est la société sénégalaise, par la «Téranga» (hospitalité), qui adopte un peu facilement les étrangers. Ces derniers commencent à voyager, amènent des produits cosmétiques pour les femmes et des appareils électroniques qu’ils distribuent dans le coin, louent une chambre et le tour est joué. On ne cherche même pas à savoir qui il est. Il se trouve une femme, se marie. Mais, en fait, cet individu a sa stratégie qu’il développe petit à petit. D’abord c’est l’intégration ; ensuite il crée une société écran, met la femme devant et commence à importer. C’est le cas d’une Sénégalaise, toujours recherchée, dont le mari, un Roumain, a fui avec 5 tonnes de cocaïne et 5 tonnes de haschich. Tout dernièrement, on a arrêté une autre femme sénégalaise, avec 8 tonnes de drogue, pour les mêmes raisons. En plus de cela, ce sont des étudiantes qui font la connaissance de quelqu’un qui leur offre le ticket pour des vacances en Europe. Et, au retour, c’est un ami établi là-bas, qui envoie un colis au Sénégal, alors que c’est de la drogue. Combien de fois, dans nos descentes, on a trouvé des jeunes filles ou des femmes dans les bras de trafiquants. Chaque fois, on est obligé de les conduire chez eux pour mettre leurs parents devant le fait accompli. Au lieu d’aller à l’école, elles sont à la recherche d’argent, fréquentent les trafiquants qui leur donnent de l’argent et travaillent pour eux sans savoir ce qui les guette.

Là, vous mettez le doigt sur les mariages mixtes...

Quelquefois, ces mariages mixtes posent problème. Avant de se marier, il faut, comme on a l’habitude de le faire chez nous, chercher les parents de la femme et connaître le prétendant. Pourquoi, quand c’est un étranger, les parents ne cherchent pas à savoir. Même si le prétendant n’est pas un musulman, on lui demande de se convertir pour lui donner une femme. Parce que ce qui intéresse c’est la source de revenu.

Il y a différentes variétés de drogues qui transitent au Sénégal. Comment parvenez-vous à les différencier pour faire des statistiques fiables ?

C’est par expérience. De visu, on peut savoir si on a devant nous du «Naakoy» ou toute autre drogue. Par la forme des tiges, la couleur des graines, on peut savoir quelle variété nous avons en face de nous.

Au niveau de l’aéroport Senghor également, vous parvenez, parmi une foule compacte, à identifier des passeurs qui ont ingurgité des boulettes de cocaïne ou d’héroïne. Comment procédez-vous ?

C’est une technique qu’on appelle «l’analyse du risque». Ça s’apprend. Bien assimilé, nous arrivons à détecter ces passeurs dans la foule. C’est une spécialité dans laquelle nous excellons.

Et le test urinaire

On l’utilise rarement. Pourtant, le code des drogues le prévoit. Mais nous ne le faisons que très rarement. C’est le dernier recours. Nous ne l’utilisons que quand la situation est à risque.

Il y a quelques années, un bateau bourré de drogue avait été arraisonné dans les côtes espagnoles grâce à votre concours. Faut-il en déduire que vous collaborez étroitement avec Interpol ?

Effectivement. Au sein de l’Interpol, toutes les polices du monde collaborent. Je peux connaître chaque semaine le nombre de personnes arrêtées. Le nombre de Sénégalais mis aux arrêts, en Europe ou ailleurs. Il y a une coopération vraiment très effective entre les polices du monde. Nous collaborons en temps réel pour traquer les malfaiteurs. Nous sommes décidés. Depuis que le Sénégal a été reconnu comme un pays sûr, un pays de départ des avions, nous sommes sur le qui-vive. Nous allons asseoir une stratégie avec les polices du monde pour mieux lutter contre les trafiquants.



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