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Une pirogue pour le paradis

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Une pirogue pour le paradis

La marine brésilienne vient de faire une découverte macabre : un bateau fantôme charriant des passagers, tous morts, venus du Sénégal. Sans doute, la destination des victimes de cette tragédie était l’Amérique ou l’Europe. Hélas, elles se sont égarées en mer.

On s’y attendait un peu à l’ouverture de cette nouvelle route de l’immigration clandestine. Après avoir utilisé l’avion, le bateau avec toutes les astuces possibles, après avoir pris le chemin hasardeux des caravanes sahariennes, après avoir tenté la traversée suicidaire du détroit de Gibraltar avec des canots de fortune, après avoir pris d’assaut les barbelés de Ceuta et Melilla, il ne restait que la voie la plus directe : la mer. Et le moyen de transport le plus inattendu : la pirogue.

Depuis plusieurs semaines, l’information circulait : des pirogues construites pour la haute mer et spécialisées dans la pêche pélagique proposaient d’emmener des candidats à l’immigration jusqu’en Espagne par la voie des mers. Et elles y réussissaient selon de nombreuses sources. Confirmation immédiate par la Croix-Rouge canarienne : en une nuit, quelque 500 « boat people » africains étaient arrivés aux îles Canaries transportés par des piroguiers sénégalais. En une semaine, ils étaient un bon millier. De quoi mettre sur les dents toutes les polices frontalières européennes. Cette nouvelle voie maritime, elles n’y croyaient pas ou ne l’imaginaient point maîtrisée par les passeurs pour prendre la relève des canotiers de Tanger. Il y a eu des bateaux pourris venus d’Afrique centrale ou de l’Est qui se lançaient régulièrement à l’assaut des côtes européennes. Il y avait aussi des cargos régulièrement immatriculés qui « vendaient » quelques places à des clandestins. Au péril de la vie de ceux-ci, car beaucoup finirent en mer, jetés par-dessus bord par des marins peu scrupuleux.

La frontière de l’Europe et l’Afrique noire recule régulièrement. Avec le soutien financier des Etats européens qui paient pour que les pays africains bloquent les vagues d’immigrants. Ces dernières années, elle recule beaucoup trop vite. Avant, la frontière, c’était le poste de police des frontières à l’aéroport. Puis, ce fut les rivages européens de la Méditerranée, de la Sicile à la péninsule ibérique. Depuis quelques mois, c’était les ports marocains. Ces dernières semaines, la frontière européenne a reculé jusqu’aux côtes de la Mauritanie. Cette délocalisation progressive des frontières européennes intéresse désormais le Sénégal. Comme dans notre pays, on ne manque ni d’imagination ni de courage, et que la pêche ne rapporte plus rien, voilà donc nos braves pêcheurs transformés en passeurs. Le problème avec ces nouveaux passeurs, c’est que non seulement ils ont des pirogues immenses qui peuvent faire des milliers de milles nautiques, mais ce sont aussi de bons marins. Il sera donc difficile de les arrêter. Habitués à jouer aux pêcheurs pirates avec les marines mauritaniennes et bissau-guinéennes pour jeter leurs filets dans les zones poissonneuses de ces deux pays, ils savent bien que les risques sont moindres avec des gardes-côtes espagnols. Eux au moins, ils ne tirent pas à vue.

L’épuisement des zones poissonneuses sur la côte occidentale de l’Afrique est, à n’en pas douter, la raison fondamentale dans la mutation professionnelle des pêcheurs en passeurs. Et de la même manière que l’appauvrissement dans les campagnes a poussé des millions d’Africains sur le chemin de l’exode rural et l’exil Outre Sénégal, la disparition du poisson dans nos mers va aussi pousser les pêcheurs à changer de métier. Le banditisme dans nos villes n’est-il pas la conséquence du chômage et du manque de perspective dans nos villes ?

Aussi bien les Européens qui sortent tous les mois de nouvelles politiques pour contrer l’immigration que les Etats africains qui acceptent de prendre des mesures pour arrêter les flots d’émigrés n’y pourront rien : l’enfer est chez soi et le paradis ailleurs pour les jeunes africains qui se lanceront toujours désespérément à la quête de l’Eldorado. Rien n’arrêtera donc l’immigration massive. Ni les textes ni les moyens dérisoires utilisés par les clandestins pour forcer les frontières.



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