Amsatou Fall (Directeur technique national) : « Le championnat national est très ouvert »

PROFESSIONNALISME, ERE HISTORIQUE

‘Nous avons assisté à un moment historique, qui est le démarrage du championnat professionnel au Sénégal. Il y a des motifs d'encouragement et c'est une satisfaction, le lancement du professionnalisme. Cette nouvelle découverte a suscité beaucoup d'interrogations. Les gens se demandaient s'il était possible de le faire. Maintenant, ça avance et c'est positif.’

EQUILIBRE DES FORCES

‘Nous avons assisté à un championnat très ouvert. En ce sens que toutes les équipes ont fait preuve de beaucoup d'inspiration. Il y a eu beaucoup d'engagement, de motivation. Chaque équipe pouvait gagner l'autre. Je pense que nous avons assisté pour la première fois au Sénégal à un championnat où il n’y a pas l’hégémonie d'une équipe sur les autres. Nous avons assisté à un équilibre compétitif dans ce championnat. Et cela se matérialise par des forces sensiblement égales. Quand il y a un équilibre compétitif dans un championnat, on y voit également une incertitude des résultats, qui crée du suspense. Ce suspense est important pour notre football.’

L1 SENEGALAISE 2009 ET L1 FRANÇAISE 2008-2009, KIF KIF !

‘Dans un championnat où on connaît très tôt le champion, il n'y a pas de suspense. Ça n'attire pas le public et si le public ne vient pas, les sponsors ne viennent pas. Je donne l'exemple de Lyon en France. Cette équipe a brillé pendant six ans dans le champion français. Au départ, après quatre à cinq journées, on savait que Lyon allait gagner le championnat. Ce qui n'a pas été le cas cette année. Après la phase aller, on a senti qu'il y avait un équilibre compétitif au sommet entre Lyon, Marseille, Bordeaux, Paris... Et c'est ça qui a créé le suspense jusqu'à la fin du championnat. Et c'est là où un championnat est intéressant. Dans presque tous les autres championnats majeurs, c'est comme ça que cela se passe : le champion se décline dans les deux derniers matches. Aujourd'hui, c'est ce qu'on est en train de vivre au Sénégal. Il est fort probable que le champion soit connu lors des dernières journées.’

NIVELLEMENT DES VALEURS

‘Il y a eu un nivellement des valeurs. Regardez le classement de la poule A. La Linguère est en tête avec le même nombre de points (14) que le Jaaraf (2e) et l'Uso (3e) et à quelques encablures derrière Hlm (4e). Cela montre que le championnat est très palpitant. Je prends un autre exemple pour vous montrer que chaque équipe est capable de battre l'autre : la Linguère est première, le Jaaraf est deuxième alors que le dernier de cette poule, c'est-à-dire le Duc, les a tenus en échec. Dans la poule B, Casa Sport est premier avec deux matches de retard (l'entretien s'est déroulé avant la victoire du Casa, par 3 à 2, face à Saloum, en match comptant pour la quatrième journée. Avec 15 points, Casa, qui avait perdu entre-temps sa place de leader au profit de Gorée, l'a retrouvée à la faveur de son succès sur les Kaolackois. Désormais, l'équipe de Ziguinchor compte un seul match en moins, contre Port, pour la 3e journée, Ndlr), Gfc a le même nombre de points, avec un match de retard (perdu contre Gorée, qui est désormais deuxième avec 14 points. Gfc est troisième avec 12 points, Ndlr), Stade de Mbour a aussi 12 points et Port est à 11 points, avec un match de retard (3e journée, contre Casa Sports, Ndlr). Cela veut dire que tout peut arriver. Nous assistons à un championnat très palpitant.’

LE SALUT AVEC LES CENTRES DE FORMATION

‘Au niveau du jeu, nous avons assisté à un niveau technique très bon. Il y a eu des matches de faible niveau, mais je ne vais pas entrer dans les détails. Mais, il faut signaler que cela peut se comprendre. Dans la mesure où, il y a une formation à bas âge qui devait être faite, mais qui ne s'est pas faite. Il y a que de bons joueurs dans notre championnat, capables de produire un bon football. Mais, il se pose un problème de répertoire technique. Ce répertoire doit être installé et fixé dans la mémoire motrice du footballeur. Une fois installé, il ne disparaît jamais, il suffit juste de l'entretenir. C'est à ce niveau que les clubs ont intérêt à former leurs jeunes pour assurer la relève. C'est mieux que d'aller chaque année à gauche et à droite pour se payer un joueur. Si le football professionnel veut perdurer au Sénégal, il va falloir, non seulement que la fédération s'attelle à la formation des jeunes, mais aussi que les clubs s'attellent à la création de centres de formation dignes de ce nom.’

L'IMPORTANCE DE LA TECHNIQUE INDIVIDUELLE

‘Sur cette question, je partagerai avec les entraîneur locaux cette réflexion de Scolari (ancien entraîneur du Portugal et de Chelsea, Ndlr) : ‘Dans le football, les équipes sont trop fortes sur le plan de la puissance et de la vitesse.’ Cela veut dire que sur le plan physique, les équipes sont fortes et travaillent bien. Au plan tactique, on note les mêmes configurations. Mais ce qui fait la différence, c'est la technique et le talent. Quand deux équipes sont de même niveau, c'est la technique ou le talent individuel qui va faire la différence. Ce n'est pas un système de jeu qui va régler l'affaire, mais plutôt la technique individuelle. Certes, les entraîneurs doivent être pointus dans la préparation physique. Mais, cela suppose qu'on ait des gens spécialisés pour ça. Quand un staff n'a pas cette compétence, il faut aller la chercher.’

L'ANIMATION OFFENSIVE, L'ARME ABSOLUE

‘Il faut continuer la réflexion sur l'animation offensive. La qualité d'un match c'est moins l'animation défensive, qui permet de stabiliser une équipe. C'est l'animation offensive qui crée le spectacle et les buts. Il va falloir que les coaches retravaillent cela. Il faut faire monter les latéraux et ne pas seulement se focaliser sur un quelconque système de jeu. Il faut aussi travailler sur la rapidité dans la transmission du ballon. C'est-à-dire entraîner les joueurs à faire une reconversion défense attaque. C'est-à-dire qu'il faut travailler la technique. Je prends l'exemple de l'Institut Diambars dans la Ligue 2. Cette équipe a un déficit sur le plan physique. Sur le plan tactique, les autres équipes sont aussi beaucoup plus armées qu'elle. Maintenant, ce qui fait la différence, c'est le talent et la technique. C'est pourquoi Diambars pose des problèmes à beaucoup d'équipes. Cette technique il faut le chercher dès le bas âge, comme à Diambars.’

LA JA, UNE GRANDE

‘Dans le football, il y a un environnement qui ne milite pas en faveur de la sérénité. La Jeanne d'Arc est une grande équipe, mais il se pose en son sein un problème d'union. Elle risque de continuer à nager dans les difficultés, si on n'arrive pas à gérer ce problème.’