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ANGLE MORT - Le Mondial du sexe n’a pas eu lieu : Le «mauvais coup» de Rhin

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ANGLE MORT - Le Mondial du sexe n’a pas eu lieu : Le «mauvais coup» de Rhin

On redoutait le «Mondial de la honte et du sexe». On craignait l’arrivée de 40 000 prostituées en Allemagne. Or, malgré l’arrivée de 2 millions de visiteurs en Allemagne, les tenanciers de bordel et les prostituées sont déçus : les affaires n’ont pas flambé comme ils l’espéraient.

Sous la houppelande noire qui enveloppe une Taunus Strasse étouffée par une moiteur d’été, Eros Center brûle d’un autre feu. De petits cœurs à la fenêtre, une guirlande rouge qui clignote, le nom Modells à l’interphone : bienvenue au haut-lieu du quartier Rotlicht de Francfort. L’écriteau au fronton du bordel ne baisse jamais son regard racoleur : «Le meilleur endroit pour monter au ciel.»

Au premier étage de cet immeuble aux murs burinés par le temps, c’est plutôt Stefan, le gérant, qui bouche l’horizon. La cinquantaine musculeuse, il ouvre la porte d’un air entendu : voilages, lumières rouges. Et, surtout, la blonde et douce, Jennifer, à peine enroulée dans un simple foulard jaune. Son sourire est tout en provoc’ : «Vous cherchez une fille ?»

Depuis le début du Mondial, la réponse a souvent épousé un mouvement de balancier du chef qui résonne comme un glaçant «non». «C’est triste et dommage ! C’est comme il n’y avait que le football, grince Stefan, le volubile patron d’Eros. Les visiteurs du Mondial ont presque tous la même attitude : ils viennent en nombre mater les filles, les peloter parfois, mais ne franchissent pas le pas.»

Paumé, le «cocu» conte sa mésaventure à perte de souffle : «J’avais investi près de 5 000 euros (3,2 millions francs Cfa) pour retaper mon bordel en espérant un retour sur investissement pendant la Coupe du monde. J’en suis à mes frais. Côté affaires, ce Mondial a été un flop pour nous du milieu à Francfort.» Il roule ses yeux chapeautés d’énormes sourcils, éructe une dernière fois et déploie un index accusateur : «La faute peut-être à ces manifestations d’une opinion hypocrite qui criait sans raison à l’envahissement…»

Elles avaient fleuri çà et là. Presque dans chaque cercle de l’Allemagne puritaine. Vindicatives à l’encontre des «envahisseuses», les diatribes, support de la contestation organisée pour les uns (mouvements féministes, Ong), de l’expression libre pour les autres, avaient pris les armes contre le «Mondial du sexe». «On a tiré sur les ombres, ces 40 000 filles de l’Est annoncées ne sont jamais venues», Se gausse Marylin, «professionnelle» qui tapine sur le Kaiserstrasse depuis trois ans. La blonde Allemande, aux jambes interminables gainées dans des bottes de cuir, a du monde au balcon, mais en a très peu vu sur les trottoirs. Ses maux de passe portent l’accent de la déception : «Ici, à Francfort, ni moi ni mes collègues n’ont senti une arrivée massive de professionnelles, ni une montée des activités. Nous avons été déçues par la Coupe du monde. Les affaires n’ont pas flambé comme nous l’espérions.»

«CONSTAT ETRANGE»

Francfort n’a donc flirté avec l’exceptionnel ni avec l’exception, au cours d’un mois de foot durant lequel ballon rond et commerce de chair n’ont curieusement pas roulé sur le gazon des envies coupables. Présentée comme le rendez-vous du sexe et de la prostitution, la Coupe du monde du foot a misé sur la tactique de la chasteté. La majorité des villes hôtes n’a pas connu un pic de la débauche, malgré les deux millions de visiteurs recensés par le Centre allemand du tourisme.

Nuremberg avoue sans doute une petite progression de 10% du nombre de prostituées légales. Munich reconnaît un pic de 50% à 60% au début de tournoi, avant de repasser à la «consommation» normale. Mais la bourse du sexe n’a pas connu l’inflation supposée. Les prévisionnistes ont tiré à côté : la grande composante de la famille du foot a préféré le carnaval des Fan Fest et le plaisir continu du jeu aux jouissances fugaces des bordels.

«La Police allemande a effectué beaucoup de contrôles durant le Mondial, et on ne constate pas de variations énormes par rapport à une période ordinaire de l’année, assure le commissaire Uwe Kozelnik, porte-parole de la Police de Berlin. Les collègues qui ont interrogé les prostituées sont unanimes, elles prétendent toutes que les affaires ne marchent pas bien du tout depuis le début du Mondial.»

Elisabet Schweit, chercheuse à l’Université Humboldt spécialisée dans le trafic d’êtres humains, qui avait lancé une vingtaine d’étudiants aux trousses d’éventuelles troussées vertigineuses, corrobore : «La flambée n’a pas eu lieu. Les chiffres de la Police et le résultat de mes enquêtes le disent. Compte tenu de l’affluence, le constat est étrange.» Elle ose une explication : «Le football et la bière vont sans doute bien ensemble. Mais le football et la prostitution ne forment pas une combinaison aussi bonne apparemment.»

Stefan, l’impayable patron d’Eros, en est resté coi : «Le peuple du foot a la passion aux pieds, mais de la glace derrière la braguette. Pourtant, j’ai toujours pensé que les crampons sous la godasse devaient servir à accrocher les dessous des filles. Je me rends compte que je suis le dernier idiot de la classe du foot.»

L’humour grivois ruisselle sur la dignité d’homme d’Olivier, jeune français bourru, qui reluque une nuée de blondes sur la Fan Meile de Francfort. Il dit avoir «relevé le gant, pour l’honneur de la France». Il soutient avoir «visité» : «A Artemis»

«GARDIEN DE PUTES»

L’endroit surmédiatisé a emprunté le nom d’une déesse grecque ayant fait vœu de chasteté et de virginité. Deux vertus abhorrées dans ce gigantesque temple érotique de Berlin.

A l’embrasure de la double porte vitrée du mégabordel, se dresse une drôle de virilité. Pas gravure de mode pour envoyer se pâmer midinettes pré-pubères. Plutôt une gueule bananeuse d’un vieux dandy hâlé, coupé à l’allemande : en brosse devant, long derrière. Son nom de gloire : Egbert Krumeich. Le maître des lieux. 58 ans, père de famille, 2 enfants*. Hier, il enseignait les langues vivantes dans un lycée de haute tenue. Aujourd’hui, il «apprend comment se tenir avec un client aux filles» de petite tenue.

Sur le terrain du Mondial, il est sans concurrence. Son poste : «Gardien de putes.» Ça envoie branler la tactique. «Ça envoie surtout brouter le gazon les hypocrites tenants d’un puritanisme à la con.» Sa rengaine moisie, sa défense choisie : «La prostitution existe partout, même en Iran.»

Son royaume : un lupanar géantissime de 3 000 m2, posé en bordure du périphérique berlinois, à quelques foulées d’athlète de l’Olympiastadion de Berlin. Un temple kitch, en gris planté, qui, au fil de ses quatre étages, déroule bars, saunas, piscines, restaurants… Dans un décor fourre-tout où s’enlacent tissus tigrés, statues en plâtre, fresques de piètre qualité. Où mythologie grecque et fastes de l’Orient s’accouplent sans gêne. Où, surtout, quarante-six «suites d’amour» invitent, à travers l’écarlate de leurs lits XXL, au fameux voyage : Mille et une nuits, Safari, Nirvana…

Krumeich, bagout commercial, évoque un paradis des sens : «Ici, c’est l’endroit idéal pour «travailler». Nous ne prenons pas de commission. Comme les clients, les filles payent un droit d’entrée de 70 euros (46 000 F Cfa), plus de 10 euros (6 550 F Cfa) supplémentaires, si elles veulent avoir leur chambre sur place. Après, c’est à elles de négocier le prix de leurs passes. Toutes sont en règle, suivies médicalement et clean. Pas de drogue, pas d’alcool. Nous pouvons recevoir jusqu’à 100 filles. En temps normal, on a 70 filles, mais pour le Mondial, la moyenne était de 80 venues du monde entier**.»

PACHA DE PASCHA

Au bout d’un des interminables couloirs, où se déhanchent des filles seulement habillées de leur peau, émergent Anna et Sylvia. Accoudées au bar, elles n’ont comme vêtement qu’une petite serviette nouée autour de la taille. Seins en quête vaine de soutif, elles trempent leurs lèvres gourmandes sur des tasses de café.

Anna a le minois mutin et l’humeur boudeuse. Elle répète ce que ses paupières, en pleine crise d’obésité, avouent au premier regard : «Je viens de me réveiller. J’ai travaillé jusqu’à 5h30 du matin…»

Mèche nuit, l’Allemande de 28 ans a débuté dans les «affaires» en 2002, au premier soir de la légalisation du doyen des métiers par l’Allemagne. «Juste pour voir.» Le filon florissant dans un pays en crise l’a «convaincue de rester» : «C’est une amie, qui est dans le milieu, qui m’y a poussée. Je venais d’être virée de mon boulot de secrétaire et j’avais une fille de 12 ans à entretenir, alors j’ai plongé. Il fallait survivre… Aujourd’hui, je suis inscrite auprès de l’administration fiscale comme prostituée. Je déclare mes revenus et paie mes impôts.»

Avant, Anna a usé les talons aiguilles de ses bottes sur le trottoir réputé de Oranienburger, fricoté avec la crasse des lugubres chambres de passe, osé le coup avec des types peu recommandables. Avant de pousser la porte de chez Krumeich : «Artemis, c’est la meilleure place à Berlin. Nous sommes en sécurité, ce n’est pas comme dans la rue. C’est propre et si quelqu’un ne se tient pas bien, il se fait virer. Mieux, c’est nous qui choisissons nos clients et on y fait des affaires. C’est plus rentable et plus «sain» que sur le trottoir.»

Un mouvement de la main se perd dans le vide, son regard bleu de mer s’enfuit dans le néant : «Ça m’embête de dire ça, mais je n’accepterai jamais que ma fille fasse ce boulot. Le plus difficile dans ce milieu, c’est que tu t’ouvres à des mecs, parfois sales ou fripés, que tu n’aurais même pas regardé dans une vie normale. Ce qui est sûr, c’est que je n’irai jamais voir une fille pour lui dire : “fais ce boulot’’. Le seul truc positif, c’est que tu gagnes très largement ta vie. Il m’est arrivé de grands soirs de gagner en une nuit ce que je touchais à la fin du mois comme secrétaire.»

Le chiffre d’«affaires» a-t-il grimpé aux rideaux durant le Mondial ? Anna se crispe : «Pas terrible ! En deçà de nos attentes !» Vanessa Rahn, la porte-parole d’Artemis, la ronde de la rotonde qui a raclé ce qui lui reste de sex-appeal pour l’exposer à la vitrine de son plus que décolleté, en plisse ses yeux caramel : «On misait sur 500 entrées par jour, on en a eu pour la moitié. En moyenne, nous avons eu 180 clients par jour. Avec les matches, on a souvent tourné entre 250 et 300. Ce n’est pas mal, mais on semble loin de l’affaire de l’année, malgré la pub et notre forte médiatisation.»

Krumeich tente une pirouette insensée pour sauver sa face moustachue de maquereau qui s’assume : «On ne misait pas sur le Mondial pour un retour sur investissements. La Coupe du monde ne dure que cinq semaines… Pour amortir, il faudra une dizaine d’années. Les gens oublient que Artemis a demandé un investissement de 6,5 millions d’euros…» Lui «oublie» qu’il a presque dévêtu une sculpturale blonde avant de l’envoyer dire sur les tous murs d’Allemagne que le Mondial était «le temps de se faire de petites amies». Un coup au bas-ventre du slogan cher à Kaiser Beckenbauer : «Le temps de se faire des amis.»

Sylvia, la gueule pulpeuse qui s’est jusque-là contenté de sensuels bâillements, s’est fait, elle, plein de «petits copains». «Parfois, dix en une soirée.» La Roumaine aux yeux de chat, débarquée en Allemagne «exprès pour le Mondial», revient de Cologne. Du Pasha. Le réputé plus grand bordel d’Europe avec ses 8 étages et ses 140 chambres louées 170 euros (environ 112 000 francs Cfa) la journée aux filles. «Là-bas, minaude Sylvia, ça n’arrêtait presque pas. On était près de 100 filles à y séjourner régulièrement, plus de la moitié étaient étrangères comme moi. J’y ’ai fait des chiffres faramineux. Il m’est arrivé d’empocher 1 700 euros (1,12 million F Cfa) en une nuit. Parfois, ça y est allé du tonnerre.»

Le pic : «La veille et le jour du match Suède-Angleterre, s’enthousiasme Armin Lobscheid, le pacha du Pascha. 35 000 Suédois, le double d’Anglais... Certaines filles n’ont presque pas fermé l’œil pendant quarante-huit heures.» Ancien haut gradé dans le marketing, reconverti dans le «commerce des sens», le très aseptisé baron du sexe à Cologne arbore une «banane» des jours bien lunés : «Ce Mondial a fait monter le business. Environ 50 % de clients supplémentaires pendant les trois premières semaines.» Armin est seul sur son nuage.

FANTASMES DE CASSANDRE

«Le Pasha est une exception. Car, comme dans beaucoup d’autres villes, la hausse attendue n’a pas eu lieu ici, renseigne Burkhard Jahn, porte-parole de la police de Cologne. La ville n’a noté aucune augmentation significative du nombre de prostituées et les maisons closes locales ont rapporté que leurs pensionnaires étaient toutes désœuvrées.»

Les fantasmes des Cassandre ont cramé sec. L’Allemagne a échappé aux hordes d’«amazones» censées l’envahir en provenance de l’Europe l’Est. «Les 40 000 prostituées annoncées, c’est de la masturbation intellectuelle, décrypte la chercheuse Elisabet Schweit. Ce chiffre proviendrait d’une curieuse règle de trois effectuée par des eurodéputés opposés à la prostitution. Leur raisonnement serait le suivant : il y a 82 millions d’Allemands, soit 40 millions d’hommes, et 400 000 prostituées, soit une pour 100 hommes. Comme l’Allemagne attendait 4 millions de supporters, le nombre de prostituées devait automatiquement augmenter de 40 000. C’est trop courageux...»

«En tout cas, tout le monde cherche ces 40 000 prostituées, mais personne ne les trouve, remballe le commissaire Kozelnik. Ce chiffre était absolument fantaisiste. Selon les contrôles que nous avons effectués, il n’y a pas d’augmentation significative du nombre de prostituées. Juste quelques centaines de prostituées étrangères sont venues s’ajouter aux filles que l’on trouve d’habitude en Allemagne. Impossible, donc, de parler de dizaines de milliers de prostituées importées illégalement.»

Vendue comme la partouze du siècle, «Allemagne 2006» s’est révélée un «mauvais coup». Au grand soulagement de la Fifa, longtemps embarrassée par le tintamarre médiatique des organisations féministes et autres Ong autour de l’incommode sujet. Précipitant le coming out de son président Sepp Blatter qui, ému par le tollé poli en Allemagne et l’émotion soutenue du Vatican***, s’était empressé d’avouer son…impuissance : «La Fifa est sensible aux violations des droits humains mais elle n’est cependant pas armée juridiquement pour intervenir et ne peut être tenue responsable de ce qui se passe en dehors des stades.» Blatter peut lever le nez. «Allemagne 2006» n’aura griffé ni l’Histoire du jeu, ni le stimulus du bon peuple. Peu de buts. Peu de ruts…

*Il partage sa vie présentement avec une compagne camerounaise.

** A notre passage, 14 nationalités étaient représentées à Artemis : Allemagne, Russie, Ukraine, Pologne, Hongrie, Croatie, Serbie, Monténégro, Italie, France, Ethiopie, Roumanie, Thaïlande, Congo.

*** L’Eglise s’était émue du fait que pour le Mondial s’acheter les faveurs d’une fille soit moins cher que le billet d’entrée au stade.

 

 



1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:36 PM)
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