C’est un El Hadj Diouf très décontracté qui s’est adressé hier à la presse hier. Vêtu d’un tee-shirt bleu et d’un short en jean, le capitaine des Lions s’est exprimé sur les raisons du boycott par une bonne partie des «cadres» de la «Tanière» du match amical de Rouen devant opposer le Sénégal au Bénin, demain mercredi. Dénonçant la mauvaise gestion du football, qu’il lie à la «guerre entre le ministère et la Fédération», le «vagabond» de Bolton s’est érigé en donneur de leçons en déplorant le manque de méthode, de discipline et d’organisation des autorités sportives.
Les raisons du boycott
«J’ai pris tout seul ma décision avant de venir à Dakar. Je l’ai dit au coach. J’ai parlé avec lui avant de venir. Il m’a demandé de venir jouer, mais ma décision était déjà prise. J’ai également parlé avec les gens de la Fédération et ceux du ministère. C’est inadmissible qu’à deux jours du match qu’on ne sache même pas où l’on doit jouer. Et contre qui, on va jouer. Il n’y a qu’au Sénégal que je vois cela. Je ne peux pas continuer à jouer dans cet environnement. J’ai reçu le fax de la fédération disant qu’on doit jouer à Dakar, et non à Rouen. Quand après j’ai eu mon coach au téléphone, il a été surpris d’apprendre qu’on ne joue plus à Dakar. Je n’ai pas reçu de fax faisant état d’une rencontre amicale contre le Bénin à Rouen. Le seul que j’ai reçu, c’est celui du match Sénégal-Angola à Dakar. Le problème aujourd’hui, c’est de savoir contre qui on doit jouer en temps et en heure. Pourquoi on ne peut pas fonctionner de la sorte. A deux jours de notre rencontre contre l’Angola, on ne savait pas où on va jouer le match. Même avant de jouer des matches amicaux, je pense que le choix revient au coach et à son staff de chercher l’adversaire. Dans toutes les sélections, cela se passe ainsi. Même dans les clubs. Malheureusement, au Sénégal, ce n’est pas le cas. On a appelé le coach à deux jours du match contre l’Angola pour lui dire qu’on joue contre le Bénin. Ce n’est quand même pas de la sorte que l’on traite des professionnels. Tant qu’il n’y a pas d’organisation, on ne peut rien obtenir. Il faut que les gens soient plus organisés. Si je prends l’exemple des français, ils ont déjà leur programme jusqu’en 2008. Ils savent où ils doivent jouer et contre qui ils doivent jouer, où ils se regroupent et quand ils doivent jouer. »
Qu’en est-t-il des autres Lions ?
«En tant que capitaine de l’Equipe du Sénégal, accompagné de certains joueurs, nous avons pris la décision de ne pas jouer le match amical contre le Bénin à Rouen. Ces joueurs sont Mamadou Niang, Habib Bèye, Tony Sylva, Abdoulaye Diagne Faye, Lamine Diatta, Moussa Ndiaye, Diomansy Kamara. Il y en a qui sont à Dakar, comme il y en a qui sont partis en vacances deux ou trois jours avec leur famille. Nous avons décidé de ne pas jouer pour le bien du Sénégal. Nous voulons juste que la guerre s’arrête entre la Fédération et le ministère des Sports. Personne n’est content de cette situation. J’ai parlé avec pratiquement tous les joueurs. Le Sénégal est le seul perdant. Vous imaginez une Coupe d’Afrique sans le Sénégal ? Lorsqu’on s’est qualifié à la Coupe du monde, on n’avait pas la meilleure équipe. Seulement, on avait un peuple derrière nous et une équipe de football. Pourquoi le Togo s’est qualifié à la Coupe du monde ? Ils n’étaient pas meilleurs que nous. C’est parce que tout simplement, ils étaient plus organisés que nous. Même si les autres ne me suivaient pas, j’allais tout seul prendre la décision. Maintenant, certains joueurs ont eu la même envie de dénoncer ce qui ne va pas. On est sur le même bateau et nous n’entendons pas nous laisser faire…On a déjà raté la dernière date Fifa. On a failli rater la deuxième.»
Le contexte
«A un moment donné, il fallait prendre une décision. Cette affaire ne date pas d’aujourd’hui. Ce que nous sommes en train de subir, les Jules François Bocandé et autres ont connu la même chose. Cela fait plus de six mois que nous n’avons pas touché nos primes. Depuis le match contre la Côte d’Ivoire, en amical. C’est anormal. A un moment donné, il faut dire : stop, revoir les choses. Maintenant si les gens qui sont là ne sont pas capables de le faire, il y en a d’autres qui sont capables. Il y a dix millions de sénégalais qui peuvent gérer ce football. Et c’est le moment de dire que cela ne va pas. J’aurais pu le dire lors de la première date Fifa qu’on a ratée. Je n’ai rien dit en gardant espoir que de telles choses n’allaient plus se reproduire. Je tenais à faire cette conférence de presse d’abord parce que le football sénégalais est en chute. C’est le moment d’en parler. Parce que tout simplement, je ne veux être responsable d’une nouvelle déroute. On nous a tous insultés (les joueurs), lorsqu’on ne s’est pas qualifié à la Coupe du monde 2006. Il est donc temps qu’on mette les choses au clair. Ce qui ne fera que du bien au football sénégalais. C’est la raison pour laquelle, j’ai pris cette décision de tenir un point de presse et de m’adresser à tout le Sénégal.»
Responsabilités fédération et ministère
«Je crois que tous les sénégalais aimeraient voir leur équipe jouer à Dakar, au stade Léopold Sédar Senghor. Gagner à Dakar avant de recevoir la Tanzanie, en mars. Ce match, il fallait le jouer à Dakar, devant notre public. On a plus de chance de le gagner et aborder avec plus de sérénité notre prochaine sortie face à la Tanzanie. C’est sur ça que les autorités devaient s’entendre. On ne s’attaque à personne. On est là pour faire des propositions et éventuellement donner des solutions. Le football sénégalais n’est pas à sa place. Aujourd’hui, il y a la guerre entre la fédération et le ministère au détriment des joueurs, du football sénégalais. Dans la vie, il y a la discipline, la méthode, et l’organisation qu’il faut avoir pour aller de l’avant. C’est ce qui nous manque.»
Avenir avec les Lions
«C’est le coach qui décidera. S’il m’appelle contre la Tanzanie, je viendrai. Si tel n’est pas le cas, je resterai avec ma famille. Cela ne me dérange pas. J’assume ma décision. Même s’il s’agissait de mon club, je crois qu’il y a des normes professionnelles qu’il faut respecter. Nous sommes des professionnels que l’on nous traite ainsi. Le brassard de capitaine n’a rien à voir là-dedans. J’ai toujours donné le meilleur de moi-même à cette Equipe nationale du Sénégal. Je ne suis pas content de la méthode, de l’organisation de notre football. Et si cela continue de cette façon, je ne vous parle même pas de ce match, mais je risque d’arrêter avec l’Equipe nationale.»
Sortie de crise
«On peut s’ouvrir au chef de l’Etat. C’est quelqu’un qui a beaucoup fait pour le football sénégalais. Mais, je pense qu’il n’est pas au courant de certaines choses qui se passent actuellement dans le football. Lorsqu’il sera au courant, il pourra nous aider. Tout ce que nous voulons, c’est que la fédération et le ministère travaillent ensemble. On veut avoir nos matches amicaux et nos primes à tant. On veut plus de respect et de considération. Je veux être dans une équipe où tout le monde tire dans la même direction. Si on continue de gérer ce football comme on le gère aujourd’hui, la Coupe d’Afrique ne sera jamais au Sénégal.» <30>[email protected]
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