Au lendemain de son sacre continental, la première sénégalaise médaillée d’or en judo (-52 kg) sort de sa réserve et crève l’abcès qui pourrit la famille du judo sénégalais.
L’or ne fait pas briller son regard. Ses yeux sont plutôt remplis de haine.
Noir de colère comme sa peau d’ébène. Longtemps différé, Hortense Diédhiou, la première sénégalaise, médaillée aux Jeux en judo (-52 kg), a décidé de vider son sac rempli de rancœur et de frustration. Pourtant, elle est le point de mire de la résidence universitaire de Ben Aknoun où loge la délégation sénégalaise. Sur les 178 athlètes que compte le contingent sénégalais, elle est pour le moment, celle qui a fait retentir l’hymne du Sénégal à ces 9e Jeux africains. D’un hyko, elle a expédié sa tunisienne d’adversaire au sol. Mais cette victoire est peinte de rancœur. Hortense a mal au cœur. Elle en veut aux dirigeants du judo, aux autorités sportives, à son pays. La petite Diola ne met de gants pour fustiger sa condition de laissée pour compte. Elle réclame de la considération pendant qu’elle est encore vivante. Ses doléances ne sont pourtant pas difficiles à résoudre. Son cahier ne contient que deux petits points : des stages de participation et un tête-à-tête avec le Président de la République, Abdoulaye Wade.
Débordante d’énergie avec un cœur meurtri, le numéro un du judo africain chez les moins de 52 kg assimile son traitement à celui d’un «talibé» de la République. Pourtant elle a fait don de sa vie au judo et à sa patrie. Sans bourse, elle a plié bagage pour plus d’expérience et de métier en migrant en France grâce aux économies de sa mère qui lui paie le billet. Sa vie française ressemble à un roman et pour la raconter, il lui faut beaucoup de courage. Pour l’évoquer, Hortense devient nerveuse, elle tape sur la table de conférence, hausse le ton et repousse ses larmes qui menacent de sortir. La gorge nouée, elle résume sa vie d’émigrée par une désolation : «Le Sénégal ne m’aide pas et j’en ai assez !», dégaine-t-elle. Sans bourse, elle survit en terre française en faisant du baby-sitting pour assurer son transport. Elle a un toit circonstanciel. Hébergée par son entraîneur Dominique Gaudinière, elle passe ses nuits chez son bienfaiteur mais dès que celui-ci retrouve la garde de ses enfants de , c’est le dojo qui lui sert d’hôtel zéro étoile pour s’abriter contre le froid et ne pas augmenter le nombre grandissant des Sdf (sans domicile fixe). Mais au juste, pourquoi ne ren -tre-elle pas au pays ? «Je veux progresser et ce n’est qu’en Europe où je peux acquérir plus d’expérience et progresser. Je veux une médaille olympique», lâche-t-elle l’ambition en bandoulière. Ce bout de femme (environ 1m 55) ne vit que pour le Judo. La première médaille d’or du Sénégal est vraiement phénoménale. Son personnage bien mixte. En dépit de son verbe cru, elle a la joie de vivre. Dans les gradins du stade de Hydra, elle met de l’ambiance et assure la cadence. Des pas de danse sudiste pour encourager les Lionnes du basket face au Nigéria. Body blanc, jeans bleu, ses pas de diagalti ne souffrent pas de complexe devant ceux de Henry Camara sur les pelouses vertes. Pourtant, son cœur est rongé par la colère. Les yeux fixés sur un objectif imaginaire, elle convie sa fédération à plus de respect envers ses pensionnaires. Un bonnet style rasta qui recouvre ses ratas, elle assène encore ses vérités crues : « Les athlètes du Judo ressemblent à des talibés. Nous sommes les talibés de la délégation. Nous n’avons pas de survêtement, nous n’avons pas de perdiem. Et en plus, la fédération est en conflit», révèle-t-elle. Pourtant cela ne transparaît pas dans les résultats du judo qui a sept médailles : une d’or, trois d’argents et trois de bronze. Le secret. Hortense ne cherche pas l’explication : «Le Sénégal est un pays de lutte et de judo et moi je suis une diola», jusitifie-t-elle. Avant de faire monter les enchères : «Si on nous donne les moyens, les 14 athlètes, 7 filles et 7 garçons nous ramènerons des médailles olympiques au Sénégal mais, faudrait-il qu’on participe aux tournois qualificatifs qui restent.» Car, elle a en mémoire leur forfait en championnat du monde de Judo. «Je veux que le président de la République et le ministre des Sports nous viennent en aide. Là, nous ne sommes pas aidés et on gagne. On est de nature des battants. Je suis fatiguée, je veux qu’on nous aide. On est placé premier partout. Si on fait ces stages, le Sénégal aura 7 athlètes aux Jeux Olympiques parce que les 7 premiers au championnat du monde se qualifient d’office pour les JO. Là, on est qualifié pour la coupe du monde et si on n’y va pas, on perd des points.»
Agée de 23 ans, Hortense, qui a dédié sa médaille à Feu Fanta Kéita, ne rêve que d’une médaille olympique. Pour l’heure, seule sa maman investit sans rien gagner en retour, sinon la satisfaction de voir sa fille sur la plus haute marche du podium mondial. La balle est dans le camp du président de la République.
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