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ENTRETIEN AVEC… Yakhya Diop «Yékini» : «Même en me ceinturant Baboye n’avait aucune chance»

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ENTRETIEN AVEC… Yakhya Diop «Yékini» : «Même en me ceinturant Baboye n’avait aucune chance»

La fameuse prise de Balla Bèye 2, lors de son combat avec Yékini, qu’il a tenté de ceinturer, a dominé les débats et commentaires d’après-combat. D’aucuns voyaient à travers cette action-éclair de l’Ouragan de Pikine, la première chute du Roi des arènes. Mais c’est méconnaître Yékini, qui révèle être plus à l’aise dans de telle situation, fort de son expérience en lutte libre. L’entretien que Yakhya Diop nous a accordé, hier à son domicile, ne dit pas autre chose. Dans la même foulée, le chef de file de l’Ecurie Ndakarou lance un avertissement à ceux qui veulent sa tête, à ceux qui s’activent pour tenter de lui enlever sa couronne : «Je vais travailler plus dur et dormir moins.»

Yékini, pouvez-vous nous commenter le combat qui vous a opposé à Balla Bèye 2 dimanche dernier ?

Il y a beaucoup de gens qui adorent aujourd’hui la lutte. Malheureusement, les connaisseurs ne sont pas nombreux. Je dis souvent que chaque combat avec sa particularité. Un lutteur a besoin de conseils, de préparateurs physiques pour s’armer lors de chacune de ses sorties. Ces données peuvent changer au dernier moment. Pour revenir au combat, je dois dire que je n’ai pas eu ce que je voulais vraiment. J’étais venu pour une confrontation directe avec mon adversaire. Je ne dis pas que je ne m’attendais pas à ce qu’il se rue sur moi. Tout était préparé. J’avais juste pensé qu’il allait, avec tout ce qui a été dit lors de la rencontre à la télé et à travers les radios et journaux, qu’on allait échanger quelques coups de poings. (gnou mossanté touti rek avant gnou dougou ci mbiir mi). Malheureusement, il n’a pas voulu de la bagarre. On aurait eu une ou deux minutes d’échanges de poings, et les amateurs allaient être servis.

Connu pour son tempérament de feu, pensiez-vous que votre adversaire allait changer de stratégie en engageant la bagarre ?

Sincèrement, j’avais pensé que même si c’est pour une ou deux minutes, Balla Bèye allait opter pour un échange de coups. C’est d’ailleurs ce qui explique l’échauffement que j’ai effectué dans l’enceinte même avec mes lieutenants avant le coup de sifflet de l’arbitre. Je voulais être prêt au moment de répondre à un de ses coups.

Malheureusement pour vous, tel n’a pas été le cas ?

Disons malheureusement pour le spectacle et les amateurs qui auraient dû assister à un autre spectacle, une vraie bataille entre deux champions. Et non pas les quelques secondes qui ont sanctionné l’issue du combat. Maintenant, il faut s’adapter pour chaque cas de figure.

Finalement, c’est la lutte pure qui s’est engagée entre vous deux ?

Certainement qu’il a suivi les consignes de son entourage en préférant engager le contact direct dès le coup de sifflet de l’arbitre. Ce qu’il ne savait pas, c’est que aussi le corps à corps c’est mon fort. Je dirais même que c’est ce que je sais faire de mieux en lutte. Beaucoup se trompent en me qualifiant de boxeur. Je vous apprends aujourd’hui que je suis dangereux lorsqu’on m’attaque. J’ai vu Balla Bèye 2 lorsqu’il a entamé son action. J’avais d’ailleurs dit lors de la conférence de presse à la télé qu’il pouvait prendre ma jambe (gauche) s’il le souhaitait. Par contre, j’avais tenu à le prévenir de la différence qu’il y avait avec les autres jambes (rire). Ce n’est pas la même chose. Ce n’est ni la même jambe, ni la même personne. Je l’avais prévenu. Apparemment, il ne m’a pas écouté. Le résultat est là.

Qu’est ce qui s’est passé quand il a tenté vaille que vaille à prendre votre jambe ?

Il a tenté de soulever ma jambe. Malheureusement, c’était l’erreur qu’il ne fallait pas commettre. Si vous avez bien visionné le combat, je me suis retrouvé à la place qu’il occupait au moment où il tentait de prendre ma jambe. J’ai effectué un déplacement et je l’ai laissé poursuivre son action. Mais, comme j’ai dit tout à l’heure, je ne voulais qu’on en vienne au contact aussitôt après le coup de sifflet de l’arbitre. Je voulais une bagarre de quelques minutes avec Baboye. Maintenant, je peux dire qu’il a été rapide dans son action, il a réussi à me ceinturer. A cet instant du combat, je me suis dit qu’il ne restait plus qu’à lutter. Il n’y avait rien d’autre à faire que de le suivre dans son action.

Vous attendiez-vous vraiment à ce qu’il vienne vous chercher aussi rapidement ?

Bien évidemment ! Balla Bèye 2 est très rapide. Tout le monde le sait. Avant même le coup de sifflet, lorsque nous étions seuls au milieu de l’arène, il était tellement pressé que l’arbitre lui a demandé de reculer un peu. Je l’ai même chambré en lui demandant de reculer. (Démaniko gaïndé poussal touti, diaroul yakamti). Ce qui veut dire qu’il était prêt à s’engager et à passer à l’offensive.

A un moment donné, on vous imaginait déjà à terre surtout quand il vous a ceinturé (Eclats de rires). Seuls ceux qui ne connaissent pas la lutte avaient cette idée derrière la tête, en pensant que j’étais fini sur cette action. Mais je vais vous dire une chose ; et vous pouvez même demander aux techniciens de la lutte : ceinturer son adversaire est une option dangereuse en lutte. En me ceinturant Baboye n’avait aucune chance. Je ne me vante pas. C’est un gars que je respecte mais il faut juste comprendre que la lutte a également ses réalités. Si vous faîtes face à un grand lutteur que vous essayez de ceinturer, dites-vous que vous êtes dans une mauvaise posture. Surtout si votre adversaire est plus lourd que vous comme cela était le cas entre Balla Bèye 2 et moi. Balla est resté derrière moi. Heureusement pour lui, il n’avait pas sa tête sur un de mes flancs. Malgré qu’il soit derrière moi, je savais qu’il avait les deux pieds joints. Il n’avait donc pas d’équilibre. Il fallait juste se saisir d’un de ses pieds et m’adosser sur lui. Avec le poids, il ne pouvait que me suivre (rires).

Vous étiez quand même dans une mauvaise posture ?

Non du tout ! Je me rappelle qu’il y a un lutteur qui s’était aventuré à me ceinturer. Il a suffi d’une simple rotation pour qu’il se retrouve à un mètre de moi (rires). C’est juste pour te dire que cela n’a pas posé un énorme problème pour moi. Les premières armes de la lutte, c’est ainsi qu’on les acquiert. A un moment donné du combat, j’avais quatre appuis, alors que lui n’en avait que deux. A partir de là, il suffisait de prendre sa cheville et de lui imposer mon poids pour qu’il aille à terre. C’est simple, il n’y avait pas d’autres alternatives. Vous savez, moi j’ai d’abord pratiqué la lutte simple avant de faire la lutte avec frappe. Vous vous souvenez certainement que lors des Jeux Africains de 1999 à Johannesburg (Afrique du Sud), j’ai été le seul sénégalais à avoir une médaille d’argent. Il y avait Alioune Diouf, Zale Lô, Rock Mbalax…Ce qui étonne beaucoup de gens, c’est le poids que j’ai. Il ne faut pas se fier à la masse pour dire que c’est un lourd. Je suis un lourd-léger. J’ai gardé toutes les qualités que j’avais lorsque j’étais plus mince. Donc, j’ai toujours la même technique.

A quel moment avez-vous senti que les choses allaient tourner en votre faveur ?

C’est lorsque j’ai décidé de chauffer l’ambiance pendant l’échauffement. Après avoir effectué un tour dans l’enceinte, j’ai voulu faire comprendre à certaines personnes que j’étais encore le Roi de l’arène. J’ai alors hurlé de toutes mes forces pour terrifier mes adversaires. Sincèrement, j’étais déjà dans mon combat. A cet instant, j’avais hâte que les choses commencent.

A vous entendre parler, on sent que vous teniez à cette victoire, pour vous il fallait vraiment battre Baboye. L’enjeu était si énorme ?

C’est une des plus belles victoires de ma carrière. Vous savez, depuis mon dernier combat (contre Tapha Guèye), j’ai traversé une période difficile. C’était un défi pour moi. Je n’avais pas un seul adversaire à combattre. Je sais qu’un lobby veut un autre champion. Donc, c’était d’avance un combat difficile. J’ai beaucoup travaillé pour sortir victorieux de ce duel. Je me suis défoncé à l’entraînement. Il n’y a pas un poids lourd qui peut faire quarante cinq minutes de course à fond, tous les deux jours. Je l’ai fait sur piste et dans les gradins. Ajouté à de la musculation, des contacts, de la boxe…C’est beaucoup pour un seul combat.

Toute cette préparation pour Balla Bèye 2 ?

En effet, tout ça c’était pour lui, parce que je devais être prêt pour ce combat et laisser le reste à la volonté du bon Dieu. Vous savez, lorsque tu perds un ou deux combats, on t’oublie facilement. Il suffit juste d’un exploit pour retrouver sa place parmi les grands. C’est ce qui est arrivé à Balla. Il avait réussi à battre un champion (Bombardier). C’était normal de le revoir dans la cour des grands… C’est vrai que je me suis entraîné pour tenir tête à mon adversaire, mais il y avait autre chose derrière. Je ne voudrais pas trop rentrer dans les détails…

Pourquoi ?

Tout ce que je peux dire, c’est qu’il fallait lutter pour mes fans, mon entourage, ceux qui me sont chers et qui se sont beaucoup sacrifiés pour moi. Il fallait donc que je me donne à fond pour ce combat.

Il fallait aussi que vous vous donniez à fond contre vos ennemis…

Je ne dis pas que j’ai des ennemis. Ce sont des adversaires pour moi. Il faut le comprendre sous cet angle. Mais c’est clair que certains veulent un autre champion. Il y a un lobby qui s’active dans ce sens. C’est normal. Et pour moi c’est une source de motivation. Ce sont ces gens-là qui m’obligent et me poussent à travailler dur. Et je vous assure que je viens juste de commencer. Je vais travailler plus dur et dormir moins (rire). Il y aura plus de sérieux dans ce que je fais. Je ne dis pas que je n’étais pas sérieux. Je l’étais avant. Mais, j’en ai encore plus besoin aujourd’hui au regard de ce qui se passe actuellement autour de l’arène. Beaucoup de champions n’ont pas su gérer leur titre. Ils n’ont pas su rester au sommet plus longtemps. Ce n’est pas facile. Mon idole, c’est Floyd Mayweather (Un boxeur américain qui s’est emparé du titre de champion WBC des super-welters en battant aux points son compatriote Oscar De La Hoya, le 06 mai dernier à Las Vegas). Il a dit à la fin du combat contre Oscar De La Hoya quelque chose qui m’a marqué. Voilà un gars ambitieux. La réussite, c’est dans la tête. Il faut y croire.

Est-ce à dire que Yékini a mûri maintenant ?

J’ai beaucoup mûri. L’expérience que j’ai aujourd’hui, je ne l’avais pas avant. Je n’avais pas connu certaines choses que je vois aujourd’hui dans l’arène. On apprend tous les jours. On n’a pas besoin de félicitations seulement. La réussite rime avec la critique. Il faut accepter de s’entourer de gens qui te critiquent parfois. Cela te permet d’aller de l’avant. C’est pour cela que je dis que j’ai appris beaucoup de choses.

Qu’est-ce qui a changé en vous ?

Je n’ai pas eu besoin de staff pour ma conduite. J’ai, par la grâce de Dieu, reçu une bonne éducation. C’est dans mon esprit et dans ma manière de faire qu’il y a eu une évolution. J’allais partout. Maintenant, je fais beaucoup attention. Il m’arrivait de ne pas être en forme et facilement, je boudais les entraînements. Aujourd’hui, même si je ne suis pas en forme, je vais malgré tout aux entraînements. Je n’ai plus le droit de m’amuser.

Vous avez les nouvelles de Baboye. L’avez-vous eu au téléphone après le combat ?

Non, je ne l’ai pas eu.

Avez-vous essayé de le contacter ?

Je ne l’ai pas fait et je ne sais pas s’il a essayé de son côté. Mais, on n’a aucun problème. Je suis sûr qu’on se verra très bientôt. Ne soyez pas surpris de nous voir ensemble dans un endroit de la place. Dakar est tout petit. On peut se croiser n’importe où et je crois que ce sera dans une bonne ambiance.

Comment l’avez-vous trouvé avant et pendant le combat ?

Avant le combat, j’avais dit que c’est un lutteur qui respecte son contrat et qui ne triche pas. Et cela a été le cas lors de notre combat. Balla c’est un battant et je le respecte en tant que frère. Souvent, il y a des échanges qui se font entre les lutteurs lors de l’échauffement et ce n’est pas très joli. Avec lui, on n’a pas eu besoin de tout cela. Il y a eu un véritable respect mutuel entre nous deux. Je respecte tous les lutteurs. Je n’ai de problème avec personne. Il se trouve seulement que je n’ai pas de véritables amis dans l’arène. Des gens avec qui, on s’appelle au téléphone ou on se retrouve souvent. Je n’en ai pas. Mais, je respecte tout le monde.

Qu’est-ce qui explique la présence du boxeur franco-sénégalais, Souleymane Mbaye à vos côtés ?

Souley, c’est un pote. On s’est connu en 2003 à Paris. C’était lorsque je préparais mon combat contre Bombardier. Il y avait lui, Mamadou Thiam et Aly Ndiaye. Depuis, on est devenu des amis. Cette fois-ci, il avait tenu à être présent. C’est quand même un champion du monde.

Cette fois-ci vous n’avez pas eu besoin d’une préparation à l’extérieur. Qu’est ce qui explique cela ?

Le staff avec lequel je travaille aux Etats-Unis m’avait clairement indiqué que ce n’était pas nécessaire. Il était juste question que je leur envoie des éléments de référence sur mon adversaire. Ensuite, ils m’ont tracé un programme à suivre. Ce que j’ai suivi à la lettre. Le déplacement à l’extérieur dépend de l’adversaire. Je me suis préparé entre Joal et Dakar.

A Joal, c’était sûrement pour le côté mystique ?

(Rires) On peut très bien s’y préparer physiquement. On peut avoir une plage qui fait six kilomètres et où on ne voit personne. C’est de cela dont on a besoin parfois. A Dakar, vous trouverez tout le temps des gens sur la plage. La mer est souvent calme. On peut y effectuer des séries de cent mètres, de la natation…J’ai perdu huit kilos pour ce combat. Il le fallait. Chaque combat avec sa réalité.

On vous a vu avec plusieurs marabouts au stade. C’était également nécessaire pour ce combat ?

Il faut toujours être sur ses gardes. Lorsque vous vous rendez compte qu’il y a des gens qui sont en train de fomenter certaines choses sur votre dos, vous devez automatiquement réagir. A cet instant, le seul refuge qu’on puisse avoir, c’est au sein de sa famille. Nous sommes en Afrique. Maintenant, parmi ces vieux, certains ne sont même pas des marabouts. D’aucuns sont des proches et viennent juste pour te soutenir. Ils viennent jouer leur rôle.

On a parlé de réclamation que le camp de Balla Bèye 2 devrait porter auprès du Cng de lutte. Comment appréciez-vous cette décision ?

Je n’ai pas de commentaires à faire là-dessus. Je dirai tout simplement qu’il faut aussi savoir perdre dans la dignité. La lutte, c’est un sport comme les autres. Soit on gagne ou on perd. N’empêche, j’encourage Balla Bèye 2 et lui souhaite de continuer sur cette lancée. C’est un lutteur que je respecte beaucoup. D’ailleurs, il le sait. J’ai beaucoup d’estime pour lui. C’est un battant, un champion.

Souvent, les lutteurs reprennent les entraînements au lendemain de leur combat. Est-ce le cas pour vous ?

C’est vrai ! Mais il se trouve que je n’ai pas pu le faire ce matin parce que j’avais beaucoup de visites. Mais, j’ai prévu dans l’après midi (hier) de faire un petit footing. C’est la fin de la saison pour moi. Je vais profiter des vacances avec mes amis. J’irai à Joal ou à l’extérieur. Et le programme avec votre staff technique ?

Il est prévu des réunions de critique avec le staff. Il sera question de faire le bilan du combat. Revoir tout ce qui a manqué et sous cet angle, il va falloir apporter des rectificatifs. C’est de cette façon qu’on peut rester au sommet. Il ne suffit pas de gagner ou de perdre un combat, après des mois de préparation et tourner la page, une fois terminée. Il faut revisiter tout ce qui a été fait ou pas. C’est de la sorte que l’écurie Ndakaru fonctionne.  



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