FIN ENTRETIEN AVEC...… ABDOULAYE MAKHTAR DIOP : « Daouda Faye n’a plus la confiance du mouvement sportif»

Dans la seconde partie de l’entretien qu’il nous a accordé, le leader des Socialistes unis pour la renaissance du Sénégal (Surs) critique la gestion du sport sénégalais par le ministre Daouda Faye. Abdoulaye Makhtar Diop va même jusqu’à suggérer la nomination de Syndiély Wade, la fille du chef de l’Etat, au poste de ministre des Sports. M. Diop ne manque pas de remettre en cause le boycott des élections législatives par le Front Siggil Sénégal, ainsi que leur probable participation aux prochaines élections locales. Pour finir, il demande à Idrissa Seck de régler définitivement son problème avec la justice.

CONTRE-PERFORMANCES DU SPORT SENEGALAIS

C’est la faute de Daouda Faye. Il faut que les gens disent les choses comme il faut. Daouda Faye est le plus mauvais ministre du Sport que le Sénégal ait connu. Pourquoi ? D’abord, il a muselé les compétences qu’il y a au ministère des Sports. Il faut que les gens comprennent que les deux ministères les plus difficiles à tenir au Sénégal sont celui des Sports et celui de la Culture. Parce que leurs titulaires n’ont pas de pouvoir hiérarchique sur les gens qui agissent dans ces milieux. Un artiste comme Joe Ouakam, qu’est-ce que le ministre de la Culture peut faire contre lui ? Un président de fédération, têtu comme Abdoulaye Makhtar, que peut-il faire contre lui ? Vous croyez que ce que Daouda Faye est en train de faire avec le basket, François Bopp n’a jamais pu le faire avec moi, quand j’étais président du hand-ball ? Landing Sané n’a jamais pu le faire ?

Je m’opposais au nom du mouvement sportif. Quand j’étais vice-président du Comité olympique, et qu’il s’est agi de trouver des ressources à la Lonase, des allocations, c’est moi qui dirigeais la délégation du sport sénégalais au ministère des Finances. Je marquais mon respect pour l’Etat, mais je défendais le sport.

Daouda Faye a muselé les compétences du ministère des Sports.

La deuxième chose : il n’écoute pas les présidents des fédérations, parce qu’il pense qu’il connaît le sport, alors qu’il est venu dans le sport par la fenêtre. C’est ça la vérité ! J’ai lu, tout récemment, dans Le Soleil, qu’il disait que si Sam Vincent a fauté, il faut que la fédération prenne une décision. Mais, qui a licencié Adidas ? Est-ce que c’est la fédération ? C’est Daouda Faye qui l’avait licencié. Est-ce qu’il avait demandé l’avis de la fédération ?

Qui a recruté Sam Vincent ? C’est lui. On n’a pas besoin d’établir la faute de Sam Vincent, on n’a pas besoin d’attendre la délégation. La question que je me pose est de savoir : Est-ce qu’effectivement Sam a été payé ? Je connais les Américains pour savoir que ce sont des hommes qui respectent leurs contrats, qui ne badinent pas avec la Justice. La question que je veux qu’on se pose, c’est de nous donner des preuves que Sam Vincent a été payé, pour qu’il se permette cette liberté.

Aujourd’hui, la Fédération sénégalaise de hand-ball est suspendue par la Confédération (Ndlr : africaine), pour un forfait. Les judokas sénégalais, aux Jeux Africains, n’avaient pas leurs kimonos, Hortense Diédhiou (Ndlr : médaillée d’or aux Jeux africains d’Alger) a dit qu’on lui a prêté un kimono, alors que les jeux se préparent sur 4 ans. Et, l’on n’est pas capable d’avoir des équipements.

L’Equipe de football (olympique) a failli ne pas aller à Abidjan, parce qu’elle n’avait pas de billets. Mais, je pense que la vérité, c’est qu’on a, peut-être, utilisé l’argent du ministère à des fins politiques, peut-être, pendant la campagne (électorale), au point de n’avoir plus d’argent, pour payer les transports des joueurs.

MAINTIEN DE DAOUDA FAYE AU MINISTERE DES SPORTS

Qu’il soit ministre des Forces armées ou du Commerce, de la Pêche, peu importe, c’est le Sport qu’il ne peut pas gérer. Regardez, aujourd’hui, ce qui se passe avec le football : vous avez un championnat qui n’a plus de sens. A côté, il y a le Ccpc, parce que c’est lui qui a encouragé la division. Et, jusqu’au moment où je vous parle, la fédération est sous délégation provisoire. Un provisoire qui dure, personne ne dit rien.

Amy Mbacké Thiam qui fait une faute -c’est une athlète que j’admire- mais pourquoi le ministre va à l’Assemblée nationale pour dire que humainement on ne doit pas la sanctionner, parce qu’elle cherche de l’argent. Mais, c’est grave, c’est contre l’éthique sportive. C’est un contre-exemple qu’on donne à la jeunesse.

Sur l’Equipe nationale de basket, j’ai un ami, Pape Ndoye, un ancien banquier. Il me dit que l’Equipe compte des professionnels qui gagnent 45 à 60 millions de francs Cfa par mois, mais on n’a pas besoin de leur donner des primes. Pour les inciter, donnons des passeports diplomatiques à leurs épouses, des terrains à construire et leur dire voilà ce que l’Etat peut faire pour vous, il faut être imaginatif.

Les joueurs de scrabble qui tiennent leur regroupement chez leur président.

J’ai l’impression que soit le Président Abdoluaye Wade n’est pas au courant, soit le Premier ministre n’est pas informé, soit Syndiély Wade -je parle d’elle pour la première fois, je sais que c’est une jeune fille attachée au sport. Mais, s’il le faut qu’on fasse de Syndiély Wade ministre du Sport. Qu’on le fasse, mais nous ce qui nous intéresse, c’est que ça marche. Mais, si Daouda Faye peut être ministre de la Pêche qu’il le soit. Il ne peut pas être ministre du Sport.

Aujourd’hui, la vérité, je la sors : il n’a plus la confiance du mouvement sportif. Diagna Ndiaye l’a dit en des termes voilés, chaque fois que le président du Comité olympique a voulu s’immiscer, il a dit : «Attendez.» Et, voilà la situation où nous nous retrouvons.

A Osaka, pour la première fois, le Sénégal, après une belle carrière, va présenter deux athlètes aux Championnats du monde. (L’interview a été réalisée vendredi dernier). On va aux Jeux Africains, on fait des résultats comme ça et l’on dit que ce sont de brillants résultats. Ce qui se passe, ce n’est pas possible (il se répète).

Il faut que le mouvement sportif soit réorganisé. Je souhaite que nous soyons qualifiés pour la Coupe (Ndlr : Coupe d’Afrique des nations de football). Il ne suffit pas de se qualifier, mais de faire de belles prestations. Mais, tel que c’est parti, ce n’est pas possible.

En résumé, sur la question de la gestion du ministre du Sport : on ne peut pas gérer par la ruse. On ne peut pas être plus malin que les sénégalais. Le Sénégal, qui dépose sa candidature pour organiser le championnat de basket féminin, le ministre qui vient pour dire dans la Presse que le Sénégal n’a jamais présenté sa candidature, mais que c’est la Fiba-Afrique qui a demandé au Sénégal de le faire. Mais, c’est grave ! C’est presque un mensonge d’Etat. Je regrette de devoir le dire comme ça. Mais, c’est comme ça que je suis. Or, je crois que, véritablement, dans ce secteur précis de la gestion de notre pays, il n’y a plus de questions à se poser, il y a des solutions à trouver.

Daouda Faye peut être ministre du Commerce, mais ministre du Sport, il ne peut pas l’être. Il n’a plus la confiance des sportifs.

RETOUR DE IDRSSA SECK AU PDS

Idrissa Seck -je l’ai dit et redit- a un problème qu’il lui faut résoudre. C’est le problème pendant devant la Justice. Si la Justice sénégalaise dit, en toute liberté, que Idrissa Seck est innocent, le problème est réglé pour l’histoire. Parce que le monde actuel révèle des exemples dont le dernier est celui de Jacques Chirac. Il a quitté le pouvoir et, moins de six mois après, il a été convoqué devant les tribunaux. Dominique de Villepin a été aussi convoqué.

Tout finit un jour. Mieux vaut régler ce problème, qu’il soit classé et qu’on n’y revienne plus. Mais, vouloir faire des arrangements et, demain, qu’on se retrouve devant un tribunal, dans d’autres contextes, je crois qu’il faut éviter cela. Je crois quand il l’aura épuisé, il sera quitte avec le Sénégal et travaillera tranquillement.

NON adhesion AU FRONT SIGGIL SENEGAL

Peut-être que les gens du Front Siggil pensent que je ne suis pas mou. En tout cas moi, je suis objectif, je ne fais pas de la politique politicienne. Quand Wade se trompe, je dis qu’il s’est trompé. Le Front Siggil Sénégal, avant, quand il se trompait, je le disais.

Quand le Ps a voulu aller dans le Cpc -vous vous rappelez- quand Moustapha Niasse a quitté le gouvernement après onze mois de Primature, avec Djibo Kâ, ils sont venus voir le Ps pour former le Cpc. J’avais dit que je ne comprends pas, ce sont ces gens-là qui nous ont fait battre. Maintenant que Wade les a mis dehors, ils viennent vers nous pour qu’on s’aligne, voilà ce qui s’est passé. Donc, cette rancune, je ne la garde pas contre Moustapha Niasse, car il a été mon grand, un homme d’Etat très brillant, mais peut-être dans l’Afp, il y a des gens qui n’ont pas oublié ce que j’ai dit. Mais, bon… Je l’ai dit, ouvertement, aussi à Ousmane Tanor Dieng : «Je ne te comprends pas. Tu es un ami, on a fait…» Ousmane Tanor, nous avons fait tout notre cursus universitaire ensemble, nous sommes de grands amis, je crois qu’on l’est toujours, en tout cas, on l’était du temps du Parti.

Ce sont ces mauvaises alliances qui m’ont mis dehors et les gens pensent que je suis proche de Wade. Donc, ils ne me mettent pas dans le Front Siggil Sénégal. Et, Wade pense que je ne suis pas assez engagé auprès de lui, il ne me prend pas, je suis un électron libre.

PROBAbLE IMPLOSION DU FRONT SIGGIL SENEGAL

J’avais déjà dit à la Rfm, que jamais, il n’y aura de candidat unique. Et, je continue à le dire. Le journaliste m’a demandé pourquoi je le dis, que ce n’était pas possible. Parce que ce qui était à la base du départ de Niasse et de Djibo du Ps demeure. Quand ils ont dit qu’ils allaient boycotter les législatives, je leur ai dit que vous faites une erreur, vos cadres n’auront plus de viviers pour entretenir leurs militants.

Maintenant, ils l’ont compris, parce que le débat sur les élections locales pose le problème de la survie des responsables de ces partis, à la base. Parce qu’aucun d’entre eux, sauf certains, ne peut se tenir cinq ans sans faire de la politique et sans avoir au moins des ressources. Voilà le problème.

Donc, le débat va être très fort, parce que les gens voudront être des conseillers municipaux, des conseillers ruraux, des conseillers régionaux. Et le plus grave, c’est que les conditions qui ont poussé au boycott des législatives -c’est-à-dire les procédures en matière électorale n’ayant pas changé-, le Front Siggil Sénégal sera en contradiction avec sa logique, s’il se présente aux élections locales, sans que rien ne change : ni le fichier électoral, ni les procédures ni la Céna. Rien n’a changé, si ces gens se présentent, on se demandera où est leur logique. Voilà des questions que Abdoulaye Makhtar aime poser et auxquelles on ne répond pas.

PARTICIPATION AUX ELECTIONS LOCALES

Oui, car elles sont la meilleure occasion pour l’ouverture des partis. C’est la gestion à la proximité, au voisinage, de la communauté. Je compte, véritablement, voir des gens comme Cissé, votre photographe, ou Thiaw votre chauffeur pour les investir.

Pour être élu maire du Plateau, vous savez ce que j’ai fait ? Je suis allé au garage Petersen, j’ai vu le syndicat des chauffeurs, je leur ai demandé de me donner quelqu’un pour me conseiller sur la gestion de Dakar. Je suis allé voir les délégués de Kermel, ils m’ont donné Balla Sall. Je suis allé voir la Communauté libanaise… C’est ça que j’ai fait sur la liste du Ps, pour pouvoir gagner. C’est ça que je vais appliquer. Je vais voir les gens de Dakar-Plateau, des gargotes, les cireurs. Je vais donner une liste multicolore, pas arc-en-ciel -car Idrssisa Seck dit que c’est lui Arc-en-ciel- mais multicolore, même si des partis comme le Pds veulent s’associer à moi ou le Ps. S’ils réfléchissent, ils savent que moi je ne suis pas un banni. En tout cas, je veux contribuer au développement de Dakar, Inch Allah.

WADE, BASSIROU DIAGNE ET LES AUTRES

Je suis un homme très ouvert. Si les mots que j’ai placés peuvent choquer, je sais que Daouda Faye va être furieux contre moi, son cabinet aussi. Mais, malheureusement, la vie politique est ainsi faite. C’est ça, quand les gens se trompent, il faut dire qu’ils se sont trompés, on peut ne pas être content. Les gens de l’Afp ne peuvent pas, non plus, être contents. Le Président Wade pense que je l’égratigne etc. Mais, c’est ça la vérité. Les gens se rendront compte, il y a beaucoup de bonne volonté de conviction et de foi dans ce que je dis.

Je sais que Bassirou Diagne va être furieux, Alioune Diagne Mbor pourrait ne pas être content. Parce qu’il n’a pas joué le véritable rôle qu’il devait jouer, parce que la carrière qu’il a eue le prédestinait à une bonne gestion. Je ne parle pas de détournements, mais quand je parle de gestion, je parle de gestion, de développement, de gestion dans la modernité. S’il ne peut pas le faire, nous allons le faire, à sa place, avec d’autres. FIN