Siteu, lutteur de l’écurie Lansar : Jeune et plein de talent

Trouvé dans son quartier de Diamaguene où les pluies continuent de faire des dégâts, Siteu, grand espoir de la lutte sénégalaise nous accueille, à bras ouverts dans son domicile. Très à l’aise dans une tenue de sport blanche à la manière d’un basketteur américain, le jeune lutteur, du reste très populaire dans la banlieue, fait l’unanimité autour de lui. Son palmarès en dit long.    

Sa popularité dans l’arène constitue un signe particulier. Pourtant, Siteu est loin d’atteindre Balla Gaye, Modou Lô ou encore Yékini entre autres, en terme de grands combats disputés.  Ayant fait ses premiers pas quelques années plutôt, il est autant connu que les ténors de l’arène. Une popularité qu’il met sur le compte de la volonté divine. Même s’il reconnait ne pas être plus fort ou plus méritant que les autres. Né en décembre 1988, Siteu, le nom qu’il tient de son homonyme, «même mon homonyme, on l’appelle Siteu, c’est un nom qui vient de l’arabe», est un fils de Diamaguène en banlieue pikinoise.  Comme la plupart des lutteurs, il a commencé par les «mbapatts» dans les quartiers. «Je suis allé à l’école jusqu’en classe de Cm2. Après, j’ai commencé le métier de tailleur en 2002. Jusqu’à présent je n’ai pas arrêté», renseigne-t-il. Conscient de ses aptitudes en lutte, le jeune décide d’intégrer l’arène malgré le fait d’avoir appris un métier. 

A la descente du boulot, Siteu se consacrait à son sport favori : la lutte. «Je le faisais par simple plaisir»,renseigne-t-il. Après chaque combat, le jeune lutteur revenait avec des victoires. Son entourage commence alors à s’intéresser à ce qu’il fait. Ce qui le pousse à intégrer le milieu. D’autres lutteurs ont aussi influencé son choix. Des gens qu’il suit depuis quelques années, et qui constituent aussi ses références. Siteu dit avoir hérité la lutte. «Ce n’est pas une chose que nous avons appris, mais nous l’avons hérité en bon Sérère», informe-t-il. Originaire de Dionewar dans la région de Fatick, où la lutte est le sport favori, il n’est pas surprenant que le pensionnaire de l’écurie Lansar soit un passionné de ce sport. Son propre père l’a pratiqué. «Même mes oncles maternels l’ont fait»,précise-t-il. Un choix qu’il ne regrette pas parce qu’il gagne bien sa vie dit-il.  «Je rends grâce à Dieu. Il y a des gens qui n’arrivent pas à se lever le matin», avance-t-il. Dans sa jeune carrière, Siteu a eu huit combats avec sept victoires pour une défaite. Un bilan qu’il juge très satisfaisant. Pourtant«beaucoup de gens ne savent pas que j’ai eu une défaite», se glorifie-t-il. Son premier combat c’était contre Mbaye 20 ans. Entre autres, Siteu a battu Bébé Eumeu Sène, Zoss 3, Rouge Bordeaux, Narou Sogas… Sa seule défaite étant contre Mame Balla. Il se fixe comme objectif d’être d’abord en bonne santé et «rêve de pouvoir venir en aide à (sa) mère et à (son) entourage», ajoute-t-il.

Une saison en fanfare

En cette période de fin de saison, Siteu ne change pas ses habitudes. Il fait deux séances d’entraînement par jour et se focalise plus sur la musculation. Il prépare activment la saison prochaine qu’il veut faire en fanfare. «Je voudrais faire quelque chose qui va ébahir tout le monde. Je sais que Siteu est attendu. Beaucoup disent que je suis jeune mais je dis que la jeunesse, c’est dans la tête. Si quelqu’un sait ce qu’il veut, on peut dire qu’il n’est plus jeune. Je suis prêt à rencontrer tous les lutteurs».  Le protégé de Marx MBergane pense à plusieurs lutteurs mais ne veut pas citer de noms.«Je vais affronter celui qui sera désigné par mon encadrement», précise-t-il. Lors du combat ayant opposé Sa Thiès à Moussa Dioum, Siteu avait taquiné Lac Rose de Fass, mais il pense que c’était juste pour la circonstance. 

«Je ne suis pas là  uniquement pour Lac Rose mais pour tous les lutteurs. Je suis derrière Marx Mbargane tout ce qu’il dit je le fais», avance-t-il. Même si certains pensent qu’il est trop tôt pour l’affronter, Siteu croit pouvoir rencontrer n’importe quel lutteur. «Je considère Lac Rose comme un simple lutteur. Si ce n’est pas lui, je peux avoir un autre adversaire», affirme Siteu. Ayant été contacté par des promoteurs pour la saison prochaine, les discussions sont bien avancées, mais lui, préfère ne piper mot pour le moment.

Evoquant le milieu de la lutte, Siteu pense qu’il est très malsain. «Il ne faut pas qu’on nous (les lutteurs) prenne pour des fous. Le Cng et les promoteurs sont en train de parler, mais ils doivent prendre conscience que ce ne sont pas eux qui descendent dans l’arène. Nous n’avons que la lutte, comme métier. Ils doivent nous soutenir», lance notre interlocuteur. 

Revenant sur la sanction infligée à Boy Niang 2, il pense que c’est injuste même s’il ne refuse pas la sanction, estimant juste qu’elle est lourde. «Bien vrai que le coup qu’il a donné, pouvait engendrer des conséquences fâcheuses. Mais, force est de reconnaître que ce n’est pas dans ses habitudes d’avoir de telles réactions», dit-il. Pour lui, suspendre Boy Niang 2 durant cinq ans, c’est lui demander d’arrêter tout simplement la lutte. Ce métier constitue sa principale source de revenus, selon Siteu. Ce qui lui fait dire que les lutteurs doivent s’unir afin d’être mieux considérés.  «Ils (les lutteurs) ne doivent pas se scruter comme des ennemis. Si on nous voit nous comporter comme des fous, nous ne serons jamais respectés», martéle-t-il. Les grands lutteurs selon Siteu, doivent donner le bon exemple pour que ceux qui viennent derrière eux puissent les suivre. «Les ténors n’ont pas fait leurs devoirs. Ils doivent s’imposer pour que les lutteurs soient respectés». 

«Les lutteurs qui font des histoires ne sont pas assez matures»

Interpellé sur la question des cachets qui agite le monde de l’arène, Siteu se voit «mal placé pour en parler», se considérant trop jeune pour évoquer la question.  «Les grands lutteurs sont mieux indiqués pour parler des cachets. Modou Lô, Balla Gaye 2, Yékini… peuvent parler de la question».Pourtant très ambitieux, le jeune lutteur espère un jour, dépasser la barre des 75 millions de francs comme cachet.  Siteu trouve anormal de la part des promoteurs de plafonner les cachets. Déplorant cependant ceux des débutants qui sont fixés entre 20 000 ou 40 000 FCFA. Le lutteur de Lansar demande aux acteurs de la lutte de revoir la situation. Toujours dans la même lancée, Siteu craint qu’il y ait une crise dans l’arène, la saison prochaine au vu du statu quo qui y prévaut. Cependant, son jeune âge ne l’empêche pas de prodiguer des conseils. De la même façon que les promoteurs se sont unis pour prendre en charge leurs intérêts, les lutteurs également doivent faire de la sorte, pense Siteu. «Ils ont des droits, mais ils n’en sont pas conscients », regrette-t-il.  

Etant un des lutteurs les plus populaires de l’arène, Siteu exhorte ses supporters à plus de discipline. «Notre rôle en tant que lutteur est de ne pas verser dans la violence parce qu’on doit donner le bon exemple. On doit bien se comporter parce que nos supporters copient sur nous», dit-il.  Avant d’ajouter : «les lutteurs qui créent des histoires sont immatures. Le combat d’un lutteur, c’est la régularité aux entraînements et chercher comment faire pour aller de l’avant». Etiqueté comme un lutteur très mystique, Siteu le réfute d’un revers de main. Célibataire, il ne pense pas encore au mariage.  Pour décourager les jeunes filles qui lui portent un intérêt certain, il lance : «je n’ai même pas de copine mais j’avoue que j’ai beaucoup de fans. Je ne fais que m’entrainer. Il y a que mon «nguimb» qui m’intéresse». En bon mouride, il psalmodie le nom de Serigne Touba après chacune de ses victoires. «Je n’ai pas encore eu de victoire qui me fasse plaisir. Je veux être le roi des arènes»,affirme-t-il. «Ce qui m’a fait le plus mal, c’est l’arrestation de Cheikh Béthio. Je suis un talibé de Serigne Touba (le visage grave). Je n’y peux rien, mais cela me fait très mal», regrette-t-il.  Pour coller à l’actualité, Siteu parle des inondations qui selon lui, ne datent pas d’aujourd’hui. Il salue toutefois l’élan de solidarité des Sénégalais qui simultanément, se sont orgnaisés pour venir en aide aux populations touchées.

ANGELIQUE THIANDOUM