Tyson quitte la lutte - Pourquoi son ombre plane toujours sur l'arène ?

La lutte sénégalaise semble orpheline, avec la décision de Mouhamed Ndao de quitter l'arène. Venu dans l'arène vers les années 1995, il a beaucoup contribué à booster la lutte professionnelle avec l'arrivée de sponsors, entraînant l'augmentation vertigineuse des cachets qui se voient multipliés par 10. Parallèlement, l'enfant de Ndangane s'est fait beaucoup d'ennemis, surtout avec les promoteurs, certaines anciennes gloires et communicateurs traditionnels. Tyson quitte la lutte, mais son ombre plane toujours sur l'arène. Cependant que son comportement laisse parfois à désirer.

Le combat avorté entre Tyson et Bombardier, continue toujours d'alimenter les grands salons et grand-place de la capitale dakaroise, et des autres villes du pays en discussions animées. Chacun y allant de son commentaire. Si, pour certains, l'enfant de Ndangane est sorti victorieux de la confrontation avec le B 52 de Mbour, d'autres soutiennent mordicus que le coup de sifflet inopportun de l'arbitre avait fini de semer la confusion. S'y ajoute, que la sanction hâtive prise par le Comité national de gestion (Cng) de la lutte, loin d'atténuer les choses, a au contraire contribué à mettre davantage l'huile sur le feu. Le président du Cng, Alioune Sarr, avait annoncé la couleur dès le coup de sifflet de l'arbitre mettant fin au combat, et consacrant pour la seconde fois la victoire de Serigne Dia sur Mouhamed Ndao alias Tyson. " Le bureau du Cng se réunira demain, et ce que les textes nous demanderont, nous le ferons sans états d'âmes et dans toute sa rigueur ", avait-il soutenu. La suite, on la connaît, le leader de la génération Boulfalé avait, lors d'une conférence de presse, décidé de prendre ses clics et ses clac et de ranger son " Nguimb ", car, dit-il, " je ne me reconnais plus dans cette arène ". Tyson était-il victime de complots, de machinations de toutes sortes pour le pousser vers la sortie ? L'enfant de Ndangane, croit-il à ces déclarations distillées ça et là, et qui font état que celui-ci ne pourra plus jamais terrasser un autre lutteur depuis sa fameuse confrontation avec Manga II, un sérère comme lui ? Autant de questions qu'aussi bien les fans que les férus de la lutte se posent, et dont ils n'arrivent toujours pas à trouver la  réponse idoine. La révolution silencieuse de Tyson En venant dans l'arène, les lutteurs étaient peu considérés par les promoteurs et le public. Pour la première fois, un lutteur fit apparaître un port vestimentaire particulier (costumes et cravates) au sein de l'arène pour y effectuer des séances de " Bakk ". Le public était habitué à voir des lutteurs avec plusieurs pagnes attachés à la ceinture pour leurs séances de " bakk ". Ce genre d'accoutrement faisait tilt dans l'esprit de certains de ses adversaires… Boulfalé ou l'anti-conformisme fit jour. De même, ayant fait le constat que les amateurs de lutte s'ennuyaient dans l'arène, avec des séances de danse ou " bakk " qui manquaient de feeling, il imprima sa propre chorégraphie. Dès lors, les amateurs de ce sport bien de chez nous prirent d'assaut les gradins des stades, à chaque fois que l'enfant de Ndangane s'y produisait. Les assauts du public à l'endroit de ces confrontations dans l'arène furent bénéfiques pour tous les acteurs de la lutte, car les sponsors, soucieux de rendre visibles leurs produits, investissaient la lutte qui drainait un monde fou. Les conséquences immédiates pour le leader de la génération Boulfalé sont incommensurables. En juillet 1997, il empocha 6 millions de francs Cfa de cachet pour son combat face à Moustapha Guéye " le Tigre " de Fass, qu'il réussit à terrasser. Ce qui accroîtra sa popularité. Les cachets connurent des montées vertigineuses, et tous les lutteurs voulaient en découdre avec le chef de file de la génération Boulfalé.  Plus qu'un cri de guerre, Boulfalé devient une philosophie, un art de vie. Plusieurs jeunes s'adonnèrent à la lutte qui est devenue maintenant avec l'ascension de Tyson un métier.

Pourquoi Tyson est-il  détesté ?

Ancien docker, Tyson est devenu en un temps record, le véritable chouchou des adeptes de la lutte. En effet, au-delà de la nouveauté qu'il a apportée dans l'arène, le jeune lutteur de Kaolack y a amassé une importante manne financière qui a fini de faire de lui un homme " important " et distingué. Certaines sources avancent même la somme d'un demi milliard que ce lutteur aurait emmagasiné dans l'arène durant sa courte carrière. Cependant, il faut souligner que Mohamed Ndao Tyson a brisé certaines traditions propres à la lutte avec frappe. En effet, il a été l'un des rares lutteurs, qui ne distribue jamais de pourboires aux communicateurs traditionnels. D'où les foudres de ces derniers. Hippo Ngary, l'un des préposés au micro central dans les arènes, n'y est pas allé de main morte lors de la seconde présentation des lutteurs du gala du 28 janvier prochain. Face à ces derniers, il décrétera l'article 92 qui stipule qu' " il est interdit d'amener une voiture dans l'arène, car elle peut servir à prendre la fuite, en cas de pépins ". Le colosse de Ndangane refuse de se conformer à certaines " lois " de l'arène, bâties sur l'obscurantisme, le clientélisme et l'amateurisme. Il est un self made man qui s'est fait tout seul au sein de l'arène, malgré certaines vicissitudes et handicaps qu'il a réussi à transcender, voire dompter au sein de l'arène. Venu pour se faire de l'argent, il a défini très tôt ses ambitions, celles de devenir un professionnel. Dans la même foulée, il ne faisait pas aussi l'affaire de certaines figures proches des arènes que l'on dit se nourrir de rentes. Tyson, en un mot, et en quelques années, aura fini de se bâtir un nom et de se faire respecter de ses " frères " lutteurs. Devenu une star, plusieurs jeunes cherchent à s'identifier à lui. Au sein de l'arène, Bathie Seras a fini de prendre la relève dans le domaine de la chorégraphie qui, hormis le leader de la génération Boulfalé, constitue l'une des attractions du public. Même les chanteurs ont gratifié à Tyson de belles chansons bien rythmiques, sous diverses intonations, sérère ou autres. Autant de facteurs qui ne peuvent que susciter une certaine jalousie de la part de ses pairs et de certaines " anciennes gloires ". Par ailleurs, son sens élevé du business ne faisait pas l'affaire de nombreux promoteurs qui, par moment, profitent de la naïveté de certains jeunes lutteurs. Tyson vend son image, et quiconque voudrait le voir dans un combat devait débourser beaucoup d'argent. Les sponsors lui font la cour mais l'enfant de Ndangane avec son calme légendaire ne se prend pas la tête. Il continue de montrer à ses collègues lutteurs que l'homme peut vivre de son art, il suffit tout simplement de s'armer de " fouleu ", de " Ngor " et de ne pas courber l'échine même devant les promoteurs. Gaston Mbengue ne s'était-il pas insurgé contre les millions proposés à l'époque par Daouda Faye, l'actuel ministre des Sports pour organiser le combat de Tyson ? N'avait-il pas dit qu'il ne donnerait jamais 50 millions à un lutteur ? Sur le même registre, il a mis un terme à la carrière de plusieurs figures emblématiques de l'arène, qui ne le lui ont jamais pardonné.

Une fédération à la place du Cng

Certains membres du Comité de gestion de la lutte ne veulent pas entendre parler de l'émergence d'une fédération nationale pour la lutte. Ces derniers, pour venir au sein de l'instance nationale chargée de gérer la discipline, devraient venir des écuries, or ce n'est pas le cas. Une fédération verra l'arrivée au sein du bureau des différents acteurs qui composent la lutte. Les promoteurs y compris. Or, parmi ceux-ci existent de grosses têtes qui pourraient constituer des obstacles pour la tutelle. Interrogé par les journalistes sur cette éventualité, il avait laissé entendre qu'une fédération serait " compliquée ". Daouda Faye aurait-il peur de rebelles, à l'image du football ? Certaines langues fourchues croient dur comme fer que la tutelle voudrait des moutons de panurge  qu'elle arriverait à mener par le bout du nez. Mais puisque les acteurs de la lutte sont en train de se concerter, nul doute qu'une structure fédérale jaillira bientôt.