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[Immersion 3/4] "La population est l'une des plus pauvres du Sénégal" : Derrière la carte postale, la galère des habitants de Gorée

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[Immersion 3/4] "La population est l'une des plus pauvres du Sénégal" : Derrière la carte postale, la galère des habitants de Gorée
La simple évocation de cette commune ramène inévitablement à la mémoire les heures sombres de l'esclavage. Aujourd'hui, Gorée, bien loin de ce passé douloureux, est devenue un pilier du tourisme sénégalais. Pourtant, derrière les près 80 000 visiteurs qui affluent chaque mois sur cette île, se cache une population, d’à peine 1600 habitants, qui peine à tirer pleinement profit de l'attrait touristique de leur terre. Embarquez pour un voyage inédit au-delà des cartes postales.


À mesure que la chaloupe Coumba Castel approche de Gorée, l'excitation grandit parmi les passagers. 

Smartphones en main, chacun s'efforce de capturer un cliché avec l'île en toile de fond. À l’arrivée sur le quai de Gorée, les matelots de la liaison maritime Dakar-Gorée s’affairent à amarrer la chaloupe aux points fixes de la structure. En file et dans le calme, les passagers descendent du navire avec l'aide des sapeurs-pompiers. À l'entrée de l’embarcadère, un comité d’accueil composé de jeunes Goréens se distingue. Ils offrent des services de guidage, de restauration et de location de tentes à chaque visiteur débarquant sur l’île. Avec une moyenne de 50 000 visiteurs par mois, pouvant atteindre 80 000 pendant les vacances, Gorée resplendit grâce au tourisme. Du moins, vu de l’extérieur. Prenons de la hauteur. Nous sommes à l’entrée principale du Mont Castel. Sur sa gauche, une double porte en fer affiche les inscriptions « Welcome under the canon » (Bienvenue dans le canon). Il s’agit de l’entrée de la partie souterraine des emblématiques canons du mont Castel. Dans ce lieu sombre et humide, ancien entrepôt de munitions, Modou Mballo expose ses tableaux et des robes africaines. Assis sur une chaise en plastique et bercé par la musique mandingue jouée par son transistor, il est dans l’attente de potentiels clients.

Touriste vs visiteur : tout ce qui vient à Gorée n’est pas or
 
Membre de la communauté Baye Fall vivant dans les souterrains du Mont Castel, Modou Mballo dresse un tableau contrasté du tourisme sur l’île : « Gorée accueille près de 100 000 visiteurs par mois, mais les habitants n’en tirent aucun bénéfice. Rien du tout. Le tourisme ici n’est pas suffisamment rentable, car ce sont l'embarcadère, les agences et les hôtels qui en profitent. Les touristes viennent avec peu d’argent, juste de quoi acheter un collier ou un bracelet ». À la place centrale du Mont Castel, des vendeuses ambulantes de colliers et bracelets en perles circulent avec leurs produits prêtes à convaincre chaque visiteur de repartir avec un souvenir. Non loin se trouve un atelier de peinture sur sable à la fréquentation modeste. Le propriétaire des lieux est Baye Souleye Ly. Il est arrivé sur l’île en 1984. Malgré la forte affluence de l’île pouvant atteindre les 700 000 visiteurs l’année, l’artisan et guide touristique souligne une nuance importante concernant les hôtes de l’île : « Le touriste ne vient pas uniquement pour visiter Gorée et faire des achats. Lors de sa visite, il engage un guide qu'il rémunère, se restaure sur place et peut même loger dans l'une des auberges de l'île. En somme, il contribue à l'économie locale de Gorée. En revanche, le visiteur, souvent accompagné de sa famille, vient généralement de Dakar. Il apporte avec lui de quoi manger et boire, stockés dans des récipients. Il ne dépend pas des services offerts à Gorée, payant seulement le transport par chaloupe et éventuellement la location de tentes sur la plage. Il se baigne, mange, explore un peu l'île, notamment le plateau, puis repart chez lui ». Selon lui, les retombées du tourisme profitent en grande partie à la liaison maritime, ainsi qu'aux secteurs de la restauration et de l’hôtellerie.

Bâtiments abandonnés de Gorée : le toit des sans toits

Ce constat soulève des questions sur le niveau de vie des Goréens. Modou Mballo répond sans détour : « Pour moi, la population goréenne fait partie des plus pauvres du Sénégal ». Pour illustrer son propos, il évoque la situation des logements sur l'île. Mais avant, il est bon à savoir que malgré ses 18 hectares de terre, Gorée est divisée en quatre quartiers : Mambara (qui va du lycée Mariama Bâ à la maison douane), Ponty ( qui part du fort à la mairie), Tongo (le centre de l’île) et Castel. La majorité des habitants vit dans des vestiges coloniaux situés à Tongo et dans les souterrains du Mont Castel. Quartier le plus huppé, Ponty peut être considéré comme les Almadies de l’île. Selon la population locale, il est occupé en grande partie par des Européens. « Quand je vois des gens acheter des maisons à 350 millions, je me demande : moi, en tant que Goréen né ici, qui ai hérité de la pauvreté due à l’histoire que j'ai traversée, puis-je me permettre d'acheter une maison à 300 millions ? », s’interroge Modou Mballo, qui vit dans les souterrains du Mont Castel. Nombreux sont ceux qui résident sur cette colline, comme Baye Souleye Ly. « Si l'on parle de squat à Gorée, c'est toute l'île qui est concernée. Tous les bâtiments de l'État ont été occupés illégalement par des familles qui y résident depuis plus de 60 ans ». Selon lui, les personnes détenant un titre foncier sur l’île se comptent sur les doigts d'une main. Les bâtiments de l’État occupés par les Goréens, comme l’ancien hôpital et l’ancien palais du gouverneur, sont en état de délabrement avancé et parfois dépourvus de toiture, se dégradant année après année.

De 6000 à 1500 habitants : une dépopulation croissante

Ce phénomène pose un risque pour les résidents, qui se comptent par centaines. Djibril Seck, conseiller municipal de Gorée, revient sur l'origine de ces occupations d’édifices historiques : « Le camp des gardes était occupé par les familles des policiers ou des gardiens travaillant à la prison de Gorée. Lorsque ces derniers ont pris leur retraite, leurs descendants ont continué à y vivre, de génération en génération. Même après le transfert de la prison à Dakar, ces familles sont restées sur place. À mes yeux, ils ne sont pas des squatteurs ; ils y habitent légitimement. Aujourd'hui, je pense qu'ils ont un droit sur ces lieux, car ils ont veillé à la propreté et à l'entretien des bâtiments depuis tout ce temps ». Cette occupation d’architectures historiques témoigne de la crise du logement sur l’île, principale cause de la dépopulation croissante. Autrefois, la municipalité comptait plus de 6000 habitants ; aujourd’hui, elle n’en compte plus que 1500, et la saignée se poursuit. Djibril Seck appelle à une intervention gouvernementale : « Il est essentiel que l'État nous soutienne dans la mise en place d'une politique de stabilisation de la population pour mettre fin à cette hémorragie. C'est le principal problème de Gorée, car sans ses habitants, Gorée n'est plus Gorée. Ses habitants en sont l'âme ». Son souhait est de voir les bâtiments historiques tels que l’ancien hôpital ou l’ancien palais du gouverneur rénovés et transformés en logements sociaux.

Gorée, désert médical !

Au-delà du logement, l'accès aux soins de santé représente une difficulté majeure. L’île dispose d’infrastructures sanitaires telles qu'un centre médico-social de l’Ordre de Malte et un poste de santé Mame Louise Gomis. Cependant, le problème réside dans le manque de personnel. « À Gorée, nous n'avons pas de médecin permanent. Nous avons un poste de santé géré par l'Ordre de Malte et tenu par les Sœurs du Sacré-Cœur de Marie. La sage-femme d'État ne passe pas la nuit sur l'île, car elle rentre chaque jour à Yarakh. Si une femme arrive à terme la nuit et souhaite accoucher, il est souvent nécessaire de la transférer. La sage-femme est rattachée au poste de santé municipal, où elle travaille avec un technicien de santé et son adjoint », explique Baye Souleye Ly, qui ajoute que le poste de santé dispose d’une pharmacie avec une gamme limitée de médicaments. Les habitants de l’île bénéficient du soutien des sœurs, qui organisent fréquemment des journées de consultation. Quant aux Goréens désireux d’avoir des soins de santé avancés, ils sont obligés de se rendre dans les établissements sanitaires dakarois.

Chômage des jeunes de Gorée : le « népotisme » au port autonome de Dakar décrié

Pour faire tourner son économie, Gorée a indéniablement besoin de touristes. Les principales activités se concentrent autour du guidage, de la restauration, de la vente d’objets d’art et de la location de tentes. Cette dernière, est, d’ailleurs, la chasse gardée des jeunes de l’île. Utilisant barres de fer tissus, ils fabriquent des abris provisoires où visiteurs et touristes peuvent se réfugier et passer des moments conviviaux tout en contemplant la mer. Le hic avec cette pratique est son caractère saisonnier. Ils n’ont l’autorisation d’ériger des tentes que pendant les trois mois des vacances. Le reste de l'année, ils s’improvisent guides touristiques car ne détenant pas de carte professionnelle. Faisant face au port autonome de Dakar, beaucoup de ces jeunes rêvent d’y travailler mais déchantent face à ce que l’on pourrait qualifier, au regard de leurs explications, de népotisme au sein de l’organisme. « Nous avons constaté qu'à chaque nouveau directeur général, celui-ci amène des ressortissants de sa région d'origine. Nous souhaitons un quota de Goréens au port. Il existe une ancienne pratique qui consiste à offrir des stages de six mois aux jeunes dans les guichets, mais à la fin de cette période, seuls les filles sont retenues », déplore un jeune. Djibril Seck, conseiller municipal, partage cette frustration : « À chaque fois qu'un nouveau gouvernement ou un nouveau directeur arrive, il favorise ses proches. Si le responsable habite à Pikine, il privilégie les Pikinois. S'il réside à Rufisque, ce sont les Rufisquois qui en bénéficient. »

Face à ces défis, l'avenir des jeunes de Gorée semble incertain. En attendant des changements, ils continuent de faire face, espérant que leurs revendications seront entendues et que des opportunités équitables leur seront enfin offertes. Gorée, riche de son patrimoine et de sa jeunesse dynamique, mérite une reconnaissance qui dépasse les frontières de la saison touristique.


5 Commentaires

  1. Auteur

    En Août, 2024 (12:22 PM)
    La honte votre commentaire, des populations d'un même pays si chacun restait chez soi. Tu t'imagines. Non non les gens travaillent à la sueur de leur front pour gagner leur vie. Toi qui a rédigé ce commentaire en tant que Gorée qu'es ce que tu as fait pour ton territoire.
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  2. Auteur

    En Août, 2024 (12:51 PM)
    gorée est condamnéé pendant 1000 ans encore avec ces histoires de traite negriere alors que les jeunes et encore moins leurs parents ne se sentent concernés



    on ne fait pas d'argent sur la souffrance passée , et pleurnicher eternellement ne fait pas vivre



    developpez l'economie de cette ile et changez lui de nom



    les emplois seront multipliés par 1000
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    Auteur

    En Août, 2024 (21:05 PM)
    Gorée, une île, beer en langue lébou, vient du nom hollandais "Goreeth" qui signifie anse, un nom que lui a trouvé les navigateurs hollandais qui y ont posé les pieds les premiers aux 16/17 siècles.
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    Auteur

    Sénégalais

    En Août, 2024 (11:22 AM)
    La question que je veux poser est pourquoi ils font payer 500f pour y aller en plus du prix de la traversée ! Ils vous le demande avec arrogance et vous dire que c'est la loi!
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    Auteur

    En Août, 2024 (13:56 PM)
    Les Goreens sont des paresseux il y a tellement de travail dans l Ile que des etrangers viennent faire a leur place .Meme le maire n habite pas sur place en tant que premier citoyen juste un pied a terre dans l Ile Goree .Goree aux goreens aux domi goree pas aux doli goree
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