Le bilan de la COP 25, achevée ce 15 décembre à Madrid, est décevant pour les pays africains, qui espéraient une amélioration des règles du marché carbone afin de mieux financer leur adaptation au dérèglement climatique. Seyni Nafo, porte-parole du groupe Afrique durant la COP, nous explique ce surplace diplomatique.
La redéfinition de l’article 6 de l’accord de Paris (celui régule le marché des émissions de crédits carbone, ou « droit à polluer » des États, générés en échange du financement de projet dis « propres » dans des pays en développement), n’a pas eu lieu, malgré les 42 heures de prolongation de cette COP, à l’issue de deux semaines de discussion à Madrid. C’était pourtant l’une des grandes attentes des États africains pour la COP 25.
Les États africains (qui ne génèrent que 4 % des émissions de gaz à effets de serre au niveau mondial) souhaitaient que les règles de cet article soient redéfinies pour être plus robustes, transparentes et qu’elles facilitent le financement de leur adaptation au défi climatique. Ils n’ont finalement rien obtenu en ce sens, si ce n’est le report d’un éventuel accord à l’année prochaine. Décision qui avait déjà été prise l’an passé durant la COP 24.
Pour comprendre les conditions de cet échec global, Jeune Afrique s’est entretenu avec le Malien Seyni Nafo, porte-parole du groupe Afrique en charge des négociations pour le climat, au lendemain de la clôture de la COP 25.
Comment qualifieriez-vous le bilan de cette COP 25 présidé par le Chili, qui vient de se clore à Madrid ?
Le bilan est mitigé, car l’accord phare que l’on attendait sur les mécanismes de marché, qui devait déjà aboutir l’année dernière, n’a toujours pas été trouvé.
Quels étaient les attentes des pays africains ?
Nous souhaitions déboucher sur un accord fait de règles claires et robustes pour limiter le réchauffement climatique. Cela passait par un marché carbone qui aurait mis d’accord tous les pays, développés et en développement, sur la comptabilisation des crédits carbone, sans qu’aucune fuite ne soit permise. Mais cet accord a encore une fois été repoussé à l’année prochaine.
Nous souhaitions aussi la systématisation d’un prélèvement de 2 à 3 % sur chaque vente de ces crédits carbone, quelque soit leur direction (nord-nord, nord-sud, sud-sud), cela afin de financer les mesures d’adaptation pour les pays les plus vulnérables au changement climatique, ce qui concerne particulièrement l’Afrique.
Enfin, nous demandions que toute ces mesures soient supervisées par les Nations unies, car c’est l’enceinte qui garantit selon nous le plus de sûreté pour faire fonctionner ce système et garantir l’intégrité environnementale.
Qu’entendez-vous par intégrité environnementale ?
C’est l’objectif global, le fait de véritablement réduire les émission de gaz à effet de serre, de 2,8 % selon les experts, pour limiter le réchauffement climatique à 2°C à l’horizon 2030.
Pourquoi un tel échec des négociations, pourquoi si peu de mesures prises ?
Il faut être clair, les grandes puissances ne font pas d’effort en faveur du climat et il n’y a pas de leadership réel, ce qui empêche la prise de décisions ambitieuses. Et le contexte géopolitique ne s’y prête pas, notamment avec les États-Unis qui se sont retirés de l’accord de Paris.
Le pays qui préside une COP doit aussi faire un minimum d’efforts diplomatiques tout au long de l’année pour préparer les négociations, ce qui a été très difficile pour le Chili, vu les événements auxquels le pays a fait face cette année [la COP devait avoir lieu à Santiago mais elle a été déplacée à Madrid en raison d’un contexte insurrectionnel au Chili… NDLR].
Globalement les scientifiques alertent constamment sur l’aggravation de la situation climatique, et la jeunesse se mobilise, malgré cela, nous avons la preuve certaine d’un manque de volonté politique.
Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique en Afrique et quelles sont les zones touchées ?
Les risques sont autant économiques qu’humanitaires et politiques. Les zones arides de l’Afrique australe sont menacées d’inondation et de sécheresse, ce qui menace les rendements agricoles dans des pays où l’agriculture emploie 70 % de la population. Le choc climatique peut y conduire à des situations de catastrophe humanitaires.
Le bassin du Congo, qui est le deuxième poumon vert de l’Afrique, est en pleine déforestation.
Enfin toutes les zones côtières du continent, soit trente-cinq pays d’Afrique, sont menacés. Les infrastructures (port et tourisme notamment) et investissements qui s’y concentrent sont menacés par l’érosion côtière.
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