Au pays des boiteux, chacun pense qu’il marche droit
SJD, comme l’appellent les plus familiers, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il ne laisse personne indifférent. Voilà un individu dont la plume hante le sommeil des fossoyeurs de la République. Il a porté le flambeau de la résistance, à l’heure où beaucoup ont préféré se murer dans un mutisme assourdissant.
La perfection n’est pas de ce monde. Ignorer ce fait relève de la naïveté, voire de la malhonnêteté. En écoutant SJD en 2005, je me disais ce journaliste sénégalais exilé au Canada essayait de régler des comptes avec les Wade, et, pour arriver à ses fins, tentait de manipuler l’opinion pour la rallier à sa cause. A propos, qui ne l’a pas traité de petit prétentieux, la première fois qu’il a parlé du projet de succession monarchique auquel Abdoulaye Wade prépare son fils ? La suite des événements a confirmé ses « allégations », avec la candidature de Rimka aux élections locales de mars dernier, sans mentionner l’association du nom de ce rejeton des urnes à tout ce qui touche l’argent du contribuable. Combien de conspirations SJD a-t-il éventées, obligeant parfois les tenants du pouvoir à se justifier ou à s’expliquer ? Que dire de ses révélations et mises en garde multiples sans lesquelles on aurait frôlé le pire ? Le problème de SJD, c’est qu’il refuse de faire dans la langue de bois, de même que certains journalistes de la jeune génération à qui on reproche de mettre sur la place publique, ce que les anciens refusaient de dévoiler, soit par « soutourou », soit par complaisance, ou les deux à la fois. Les temps ont changé, les mentalités aussi.
“I wana speak in the name of my people”
Ceux qui le traitent de lâche ne sont pas allés jusqu’à défier physiquement le Président, de Montréal à Chicago, pour demander la fin de l’impunité suite aux agressions multiples contre les journalistes que le pouvoir a du mal à museler. En tout cas, ce n’est pas Abdoulaye Wade qui retournera à Chicago de si tôt. L’appel du 18 juin lancé par le Général De Gaule depuis Londres, loin d’être synonyme de fuite ou de lâcheté, a permis de remobiliser les troupes pour faire face à l’ennemi. L’histoire lui a donné raison. Abdoulaye Wade a toujours porté le flambeau de la résistance devant les dérives socialistes, il ne s’est jamais lassé de mettre le doigt sur le moindre écart de conduite de ces derniers, quitte à faire des appels voilés à l’insurrection et au soulèvement populaire. Les résistants d’aujourd’hui, quant à eux, se montrent beaucoup plus intelligents. Leur maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication a révolutionné les mentalités et la façon de s’opposer. N’en déplaise à certains. Jules Diop est un symbole, s’attaquer à lui sans raison gardée, revient à renforcer le clan d’Abdoulaye Wade. Ceux qui s’en prennent à lui n’ont qu’à s’amuser à tenir une chronique audio et animer un blog toutes les semaines, avec à l’appui, des révélations aussi fracassantes les unes que les autres. Ils sauront que ce n’est pas chose aisée.
Pharaon a eu son Moïse, et Georges Bush, son Ben Laden.
Jules Diop est pour Abdoulaye Wade, ce que Victor Hugo fut pour Napoléon le Petit. Ses chroniques, bon nombre de Sénégalais s’en sont fait une philosophie, voire une religion, même s’ils reconnaissent que parfois, le chroniqueur en fait trop, ou se met en scène. « Kouy khalam di sa diaayou », disent les Wolofs. Vouloir faire croire à l’opinion que Wade et son entourage sont indifférents à ce que raconte SJD, relève d’un mensonge grotesque. Autrement, comment expliquer la censure non officielle en vigueur au Sénégal, et dont le doyen Madior Fall a parlée dans Sud ce matin ? Quelle radio ou quel journal autoriserait diffuser Degg Dëgg ou publier « Lignes Ennemies » dans ses colonnes ? Les quelques téméraires qui se sont amusés à le faire ne sont pas prêts de « récidiver ». N’est ce pas Abdoulaye Wade qui, au cours d’une conférence de presse (la brouille avec Thierno Talla de l’As), accusait SJD de tout mettre en œuvre pour déstabiliser son régime ? Un des talibés de Cheikh Béthio a eu raison de décrire SJD comme « quelqu’un dont la parole ‘stimule’ les Sénégalais. »
Les « ovnis » du Rewmi
Ce qu’on pourrait lui reprocher, c’est sa sympathie pour la pilule « Idy » qu’il aurait souhaité qu’on avalât... La donne a changé maintenant. Les événements du 12 janvier dernier lui ont ouvert les yeux sur la véritable nature de celui que « Dieu a créé et que Wade a modelé ». Aujourd’hui, l’ancien Premier Ministre inspire la pitié ; son double jeu l’a perdu parce qu’il voulait le beurre, l’argent du beurre et la femme du fermier. Pas étonnant qu’il soit pressenti pour recycler un parti poubelle auquel il aura tout donné sans avoir droit aux récoltes. Il n’a eu que ce qu’il mérite, c'est-à-dire, devenir un jouet entre les mains du Père, du Fils et de la « Sainte » Vert. L’histoire du Sénégal et d’Abdoulaye Wade peut-elle ignorer Abdou Latif Coulibaly et SJD, ces précurseurs de la résistance à l’injustice et à l’oppression ? A côté de l’opposition, ces derniers demeurent des remparts solides et des boucliers incontestables sur lesquels il faudra compter pour stopper le processus de monarchisation rampante qui est entré dans sa phase terminale. Il est temps de se mettre tous à l’heure du « Bénno ». Refusons que la presse et le cyber espace deviennent une arène politique où les combattants s’affrontent pas papier interposé. La cible principale demeure les fossoyeurs de la République, et personne d’autre. Accepter son prochain avec ses mérites, ses qualités, mais avec aussi ses défauts, n’est pas donné à tout le monde ; c’est faire preuve de grandeur. A bon entendeur !
Momar Mbaye
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