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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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[ Contribution ] Une Génération concrètement dépassée

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[ Contribution ] Une Génération concrètement dépassée

« Ce qui arrive au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience ». René Char

Une « sortie » navrante (Abdoulaye Baldé), un leader muet et conspué (Karim Wade), une équipe à la traîne… ceux qui nous ont martelés que la Génération du Concret était une « nouvelle génération » porteuse de pratiques politiques originales nous doivent des explications. Nous attendions de voir leur première participation à une campagne électorale. Après plusieurs jours d’activités, nous cherchons vainement les ruptures que ses leaders ont instituées en termes de propositions, d’action et de communication dans le champ politique sénégalais.

Alors que nous étions nombreux à décrier le leader de la Génération du Concret, et ses suivants immédiats, en mettant en avant des questions liées à la légitimité, la compétence, la transparence, etc. voilà que leur véritable talon d’Achille se fait jour. Il s’agit d’un déficit indéniable d’imagination et d’innovation politiques.

Nous pensons tous que notre pays a besoin d’une profonde mutation. Mais celle-ci, peut-elle être l’œuvre d’une formation dont le seul génie est de compter sur la magie de l’argent ? Peut-on même parler de « génie » à propos d’une action politique surannée qui se résume en quelques slogans, des manifestations ludiques et le clientélisme ? C’est dire donc, qu’en réalité, les initiateurs de la Génération du Concret confondent « nouvelle génération » et « génération nouvelle ».

Le débarquement brusque sur la scène publique sénégalaise d’une bande d’individus plutôt jeunes, novices en politique, proches du pouvoir et qui aspirent à le conserver...  voilà qui doit faire parler de « génération nouvelle ». Et voilà qui sied parfaitement à la Génération du Concret. Quant à l’émergence d’une « nouvelle génération », c’est-à-dire d’individus jeunes et moins jeunes, issus du pouvoir, de l’opposition et de tous les autres segments de la société, dont les particularités seraient d’avoir tirés ensemble les leçons du passé, de porter des idées neuves, d’être les dépositaires de pratiques politiques rigoureuses, et qui n’aspirent qu’à servir le Sénégal, nous attendons encore. Les pas importants accomplis ces derniers temps par le camp du pencoo (consultation en wolof) et les objections montantes dans celui du régime nous donnent bon espoir.

En tous les cas, on ne peut transformer sérieusement et positivement le Sénégal sans être des « gens du dialogue ». On ne peut y arriver en étant enfermés dans une tour d’ivoire à l’année. On ne peut réussir cette entreprise sans rompre avec les pratiques du passé : le clientélisme, l’absence de transparence dans la gestion des deniers de l’Etat…  On ne peut le faire sans rendre le pouvoir au peuple. Ou encore, en piétinant constamment les institutions. On ne peut non plus y arriver avec une diplomatie qui soutient des régimes illégitimes.

La mutation que nous attendons, de la « nouvelle génération », sera actionnée par des milliers de citoyens qui auront compris que le monde a changé, que l’Afrique évolue et que le Sénégal n’a plus le choix. Mais ils sauront surtout, que dans cette globalisation en mouvement et cette ère des nouvelles technologies en bouillonnement, chaque nation à une carte à jouer. C’est pourquoi, la « nouvelle génération » comptera sur ses propres forces. Pourquoi devrions-nous nous suffire des oboles variables d’« amis » Arabes ? La « nouvelle génération » préférera s’allier à tous les démocrates et républicains africains, qui croient en eux, pour bâtir une Afrique libre, démocratique et prospère.

La « nouvelle génération » marchera sur ses deux jambes. Loin d’opposer la pensée et l’action, le réel et l’idéal, elle les confondra dans une relation dynamique qui produira, non pas le parfait, il n’est pas de ce monde, mais le juste et le viable. Et ce sera déjà pas mal.

En matière de religion, nous espérerons de la « nouvelle génération » des ruptures. Nous attendons d’elle un égal respect envers toutes les obédiences religieuses. Nous osons croire qu’elle cherchera la « lumière » dans des débats citoyens contradictoires, démocratiques et pacifiques et non pas dans des inclinations intéressées vers des réseaux opaques.

La « nouvelle génération » saura mettre fin à la caporalisation des institutions et des médiats d’Etat, bref, nous ne serons pas les otages de ses ambitions.

La « nouvelle génération » sera résolument moderne en ce sens qu’elle saura s’émanciper des racines inertes et s’inventer un avenir à partir des enseignements du présent. Cela veut dire, en finir avec le présidentialisme. Cela veut dire qu’elle saura renouveler et approfondir les consultations nationales, qui réinterrogeront celles parmi nos normes politiques, sociales et familiales qui méritent des remises en cause, au moins partielles. C’est là un mal nécessaire. Si le legs était parfait, nous n’en serions pas là.

Cette « nouvelle génération » aura le courage de renverser des idoles. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, qu’elle ne sera pas condamnée, comme la Génération du Concret, à faire du neuf avec du vieux. Le raccommodage (dëb daxe), ça va pour un moment mais pas tout le temps.

Peut-on se targuer d’être une « nouvelle génération » en ne versant dans le débat public rien d’innovant ? Quelles propositions originales la Génération du Concret a adressé aux populations en termes d’assainissement, d’environnement, de sécurité, de gouvernance locale, etc. dans le cadre des ces consultations municipales ? A y voir de près, l’on constate que l’on nous demande juste de croire en son Chef, de croire à son expertise, de croire à sa phénoménale capacité de travail, de croire à ses relations, de croire à son ambition pour le Sénégal. Mais réunir autant de compétences et de talents sans être en mesure de produire le moindre feuillet programmatique n’est-il pas suspect ? L’on pourrait même trouver cela « coupable » au regard des âpres difficultés vécues par les Sénégalais. Croire, sans voir, dans une telle situation serait un acte aveugle. Avant de ruiner tous les espoirs des Malgaches, le slogan de Ravalomanana, était \"minoa fotsiny\" -\"croyez seulement\"- ! Ec!
 rasés par une indigence abominable, ces derniers ont été crédules. Cela leur a coûté cher. Très cher. Tout n’est-il pas déjà trop cher chez nous pour tenter un scenario malgache ?

Au vu de telles insuffisances, il faudrait vraiment atteindre le sommet du découragement, ne plus croire en soi, ne plus croire aux autres… pour attendre le nécessaire aggiornamento de notre société d’une formation qui a fait preuve d’autant de faiblesses.

Cela dit, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La Génération du Concret n’est pas totalement dénuée de mérites. Je lui en reconnaitrais deux.

Premièrement. Son chef, Karim Wade a su être, en quelques années, un « point d’interrogation » qui questionne chacun de nous, et au-delà, ce qui nous rassemble et nous ressemble tous, le Sénégal. Une bonne fois pour toute, notre jeune république (pas encore quinquagénaire) devra déterminer sans ambages si elle penche vers la modernité ou les archaïsmes, si elle opte pour la démocratie ou la monarchie, si elle choisit la souveraineté ou la vassalité, si elle compte ou pas se défaire des chaines de la féodalité, du colonialisme intérieur. Elle doit dire si à l’avenir elle comptera sur ses propres forces ou s’appuiera encore sur une canne… Le positionnement des Sénégalais à l’issue de ces élections municipales, sans être irrévocable, sera sans doute un moment édifiant.

Deuxièmement. Malgré des ratés, la Génération du Concret demeure une remarquable fabrique de slogans. Aussi, ses responsables qui ont participé à la préparation de l’Organisation de la Conférence Islamique, Karim Wade en tête, ont acquis une expérience incontestable dans le domaine de l’événementiel.  A vrai dire, ils ont tous les atouts pour créer l’une des meilleures agences africaines de conseils en publicité, marketing et événementiel politiques. Celle-ci pourrait même, dans le long terme, rivaliser avec les dix meilleurs cabinets mondiaux. Lorsqu’on sait que des mastodontes comme Havas, Publicis, MacCann Erickson, etc. règnent dans ce secteur qui représente près de 500 milliards d’euros par an, l’on perçoit qu’une telle performance serait saluée par tous les Sénégalais. Pourquoi ne relèvent-ils pas ce challenge exaltant au lieu de s’entêter à vouloir porter un si large « grand boubou » ? Les lambris dorés des palais rendraient-ils fou ?

De grâce, que les « concrétistes » nous épargnent les accusations de « ressentiment », « d’acharnement » et de « tentative de conditionnement »... Ce sont leurs limites politiques qui plaident contre eux au vu et au su de tous. Et puis, entre la « génération malsaine » qui a porté le chef de l’Etat au pouvoir et la « génération du concret », n’y aurait-il pas un autre positionnement qui nous soit autorisé que celui d’adorer ou de haïr ? Jadis, comme des milliers de jeunes sénégalais, nous courûmes des kilomètres derrière la voiture de maître Wade, le majeur et l’index en signe de « V », comme « victoire », criant à tue-tête sopi ! Mais pendant que les errements du wadisme sont béants, croire de nouveau à un autre messie, Wade fils, ne relèverait-il pas de la Wadolâtrie ?



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