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Podor, j'adore (par Michel Henry)

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Le fleuve Sénégal face à Podor. Photo Nicolas Thibaut. Getty Images.
lL ne se passe rien à Podor et c’est pour ça qu’il faut y aller : rien qu’y admirer le fleuve Sénégal vaut son pesant de noix de kola. Accéder à la beauté de cet extrême nord est simple : comptez sept heures de voiture depuis Dakar (500 km), par une route impeccable mais garnie de ralentisseurs. Il fut un temps, le Sénégal produisait des arachides. Aujourd’hui, il cultive des gendarmes couchés, mais ça rapporte peanuts, contrairement aux cacahuètes.

1/ Ce n’est pas Las Vegas
«Podor, tu dors ?» se demande-t-on, vu le calme ambiant dans la ville de 10 000 habitants. «Non ! A Podor, on dore et on adore !» nous glisse un familier des lieux. Le long du quai, bien refait et classé monument historique en 2004, comme quelques-unes des maisons de cet ancien comptoir colonial, on admire les merles à dos métallique et à courte queue, on déguste le capitaine ou le rouget du fleuve, tout en taquinant la Gazelle, la bière en bouteilles de 63 cl. Puis on saute à l’eau et une flopée de gamins taquins et rigolards proposent de faire «course course». Gaffe : ils sont rapides. En fin de journée, on attaque une pétanque sur le quai, au frais - un concept tout relatif dans une ville où le mercure drague facilement les 40°C.

Ici, vous ne pouvez pas vous perdre, les rues sont impeccablement tracées au cordeau. Et vous avez deux muezzins pour le prix d’un : celui du chef-lieu du département sénégalais et son collègue mauritanien, sur l’autre rive du fleuve. Alors que le duo international vous nourrit d’Allah akbar en stéréo, votre attention est attirée par un camion garé d’où l’on décharge de gros sacs immédiatement transférés sur des pirogues, qui les transportent côté mauritanien, où ils repartent sur des camionnettes chargées à bloc. Vous vous enquérez : «Mais qu’est-ce donc ?» «Du carton !» vous répond-on. On se paye votre tête ? Que nenni : ce carton d’emballage récupéré va nourrir les moutons mauritaniens. Bon appétit !

2/ Le village de Ngawlé
C’est le lieu de naissance du chanteur Baaba Maal, qu’on atteint après une balade facile à pied le long de la boucle du fleuve, où les jardins potagers prospèrent : persil, mangues, salades, oignons, poivrons, piments, bananes, papayes… Sur le chemin, une petite plage permet de se baigner. Des gamins font du thé, la motopompe tire l’eau du fleuve pour l’irrigation en pétaradant. On passe près de l’aéroport - immense et délaissé -, près de champs d’oignons qui se vendent mal, car il s’en produit trop, et les paysans n’ont que leurs yeux pour pleurer. Le sentier est balisé par l’association Podor rive gauche, mais il vaut mieux prendre un guide. De Podor, il y en a pour neuf kilomètres et deux heures.

A Ngawlé, on apprécie les maisons en adobe ou briques de banco, dont le style traditionnel est malheureusement concurrencé par de nouvelles habitations en parpaings. A l’heure de la récré, on peut discuter avec les enseignants de l’école primaire, qui reçoivent fort aimablement pour deviser sur les richesses de l’éducation en pays pauvre. Ensuite, retour en charrette.

3/ Fort à faire

Comme le fort de Podor est fermé, il faut téléphoner au gardien pour le visiter. Construit par les Français en 1743, pris par les Anglais entre 1758 et 1783, abandonné, reconstruit en 1854 sur les ordres du général Faidherbe, il domine la ville, seul monument d’importance. Le chevalier de Boufflers, qui y a séjourné, a gardé de la ville un merveilleux souvenir, la comparant en 1785 au «poêle de l’Afrique, avec sa garnison composée de 20 soldats agonisants… Et ces magasins où il n’y a presque rien». Selon le chevalier, le thermomètre explosait à midi. Un rien exagéré.

Vide d’occupants depuis 1997, le fort n’a été préservé puis restauré entre 2003 et 2005 par la coopération française que grâce à l’action têtue de deux habitants, dont le gardien actuel, qui vous guidera utilement à travers une petite expo et la reconstitution des lieux d’époque.

4/ Le circuit des mosquées, vers l’île à Morphil

Il s’effectue agréablement sur des pistes en latérite perchées sur des digues, à bord d’une 505 break baptisée «Air Podor». Elle a 33 ans, soit deux de moins que son chauffeur, Malik, et roule impeccablement sur les traces d’El Hadj Oumar Tall (1794-1864), le chef guerrier qui combattit Faidherbe, et inversement. Oumar Tall fonda l’immense Empire toucouleur et résista face à la colonisation. «Il se tailla, par le verbe et le sabre, un empire qui s’étendit de Tombouctou au Fouta Djalon [ex-Guinée, ndlr], avant de disparaître un jour de février 1864 dans le mystère des falaises de Deguembéré», près de Bandiagara (Mali), dit la légende - en fait, il serait mort dans l’explosion de ses réserves de poudre. On peut, suivant cette balade, retrouver les traces des «mosquées omariennes», comme celle d’Alwar, son village natal, en briques de terre séchée, de style soudanais. Elle n’a néanmoins pas été bâtie par Oumar Tall, ce serait trop simple.
5/ Le studio photo d’Oumar Ly
Le photographe reçoit au Thiofy Studio, à l’écart du marché de Podor, sur un petit banc. A l’intérieur, son studio, où il prend les gens en photo avec, en décor de fond, un magnifique Boeing 747. Oumar Ly, 72 ans, est un fils de marabout au regard malin. «Mon père était grand jardinier, je vendais les salades au marché.» Tout jeune, il achète son premier Kodak à la Maurel et Prom et ouvre son studio en 1963, faisant l’opérateur ambulant : baptêmes, mariages et photos d’identité, pour lesquels il parcourt les villages avec les autorités. «Je faisais les deux rives, Mauritanie et Sénégal. Quand un Maure refusait d’être photographié, je lui disais : "Si tu ne prends pas de photo, tu n’iras jamais à La Mecque, car tu n’auras pas de carte d’identité."» La combine marchait. Oumar Ly a pris tout le monde. «J’ai gardé tous les négatifs.»

En 2009, l’homme au Rolleiflex 6x6 devient célèbre, un des rois du portrait africain, à l’instar de Malick Sidibé, notamment grâce à une journaliste française, Frédérique Chapuis. Alors qu’il recadrait les visages, elle a imprimé les photos en entier et ça a fait la différence. «Frédérique a un seul défaut : elle ne m’appelle pas», tance Oumar Ly, qui a un petit problème : il a fort besoin de révélateur Ilford. La solution ? Lui en envoyer : Oumar Ly, quartier Thiofy, Podor, Sénégal. Ça arrivera, merci pour lui.

  


20 Commentaires

  1. Auteur

    Novis

    En Septembre, 2015 (22:39 PM)
    Nice ! Très belle article riche en émotion et me rend émeu de cette beauté du Sénégal oublié rien de n'avoir de cette Dakar.Aujourd'hui c'est Podor mais il y a des milliers de coins identiques à cela au sénégal il suffit juste de sortir de Dakar ..



    Thank ..
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  2. Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (22:57 PM)
    salam ! De grace je demande aux savants de ce pays de de dire le coran et la sunna du prophete paix et salu sur lui , lors des enterrements ;ce que j ai vu aujourdhui a yoff n est pas du tout rassurant : METTRE SOUS LA TETE DU DEFUNT 2 LIVRETS DE KHAISSAIDE DE SERIGNE TOUBA AVEC PHOTOS DU VENERE SUR LES LIVRETS et parmi l assistance personne n a dit un mot c est grave

    apprenons notre religions selon le coran et la sunna
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    Auteur

    From Qébec

    En Septembre, 2015 (23:03 PM)
    Article bien écrit, cela m'incite à aller visiter cette ville lors de mon prochain voyage au pays. Merci d'avoir fait la promotion de cette ville cher voyageur. Comme l'a dit quelqu'un il y a d'autres endroits au Sénégal qui sont tout aussi beaux, mais personne n'en fait la promotion et c'est dommage! Comme disait Youssou Ndour, fii ba Tabambacounda amna nopoloukay!



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    Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (23:25 PM)
    Article cool mais traduit en google translate donc pas fiable... "gendarmes" couchés m'a fait très rire. :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot:  :contaan:  :contaan:  :contaan:  :contaan: 
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    Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (23:27 PM)
    Je suis de Podor . Je vous assure que c"est le meilleur coin du Senegal par son quai, le fleuve , le fort colonial et la belle architecture urbaine. Allez voir.
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    Auteur

    Fdf

    En Septembre, 2015 (00:55 AM)
    Trop contente....un rappel des sources....kouma yobaler dinama nekh...kounek ak sa mamme.....fière d être Toucouleur....merci pour l article...
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    Auteur

    En_retard

    En Septembre, 2015 (04:36 AM)
    Cet article est sorti il y'a des semaines deja !!! :thumbsdown:  :thumbsdown:  :thumbsdown: 
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    Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (05:16 AM)
    je suis un Pulaar qui ne connaît malheureusement pas le Fouta. Cet article me donne vraiment envie d'aller enfin visiter....
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    Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (06:17 AM)
    c'est un toubab qui a ecrit ce bel article.............? :sunugaal:  :sunugaal:  :sunugaal: 
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    Auteur

    Mann

    En Septembre, 2015 (06:26 AM)
    Cet article nous apporte une grande fierté mais montre aussi aux autorités touristiques la voie qu'il fallait développer il y a déjà plusieurs années, je veux parler du "tourisme local". Tout le monde sait que les touristes qui jadis venaient d'Europe ou d'ailleurs, restent chez eux car d'un seul coup le monde est devenu moins sûr d'une part et d'autre par ils ont compris qu'ils pouvaient et devaient visiter leur propre pays qui renferme des trésors cachés. Chez nous au Sénégal, aucun ministre du tourisme ne s'est intéressé à ce marché car pour eux touriste="blanc" ou "étranger" alors que les sénégalais comme c'est le cas en lisant ce bel article, aimeraient mieux connaître leur pays. J'ai entendu Mme Ndoye Ministre du tourisme il y a quelques jours et je peux vous garantir dès à présent qu'elle est complètement à côté de la plaque. Le réveille sera douloureux car des touristes comme dans les années 80-90, C'EST FINI !!! Puisque la politique touristique est aussi dictée par le président de la république qui n'y connait pas grand chose en tourisme, ça ne marchera jamais. Croire en son peuple est la voie qui mène au succès, dans le tourisme aussi.
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    Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (06:35 AM)
    Il y a un superbe hôtel à PODOR ; la Cour du Fleuve remarquable et très bien entretenu

    Félicitations à l'exploitant
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    Auteur

    En Septembre, 2015 (08:28 AM)
    podor la plus belle ville du senegal comme j ai l hab de dire à mes collegues merci au toubab qui a écrit cet article podor un tresor oui notre podor on t aime  :fbhear:  :fbhear: 
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    Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (09:27 AM)
    OMAR TALL disparu dans les falaises de BANDJAGUARA on nous àn tous appris ça et lui il vient nous dire tué par le stock de poudre ,,,
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    Auteur

    Pot D Or

    En Septembre, 2015 (13:38 PM)
    Podor.... pot d'or de mes 14-18 ans de college. Podor quI m a fait connaitre le monde dans les livres. J y retournerai en pelerinage inch allah.

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    Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (15:48 PM)
    Un beau cadre mais pas assez mis en valeur à mon avis. Comme beaucoup de sites au Sénégal.Rien de significatif n'a été fait depuis le départ des colons. On a plutôt saccagé et détruit. Dommage!!!
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    Auteur

    Ndeyssane

    En Septembre, 2015 (15:56 PM)
    bel article beaux endroits au sénégal mais de plus en plus peu de touristes ndeyssane changeont mentalité nak soyons ouverts diot na dé
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    Auteur

    Sonio

    En Septembre, 2015 (16:08 PM)
    En valorisant la cuvette de Podor tout l economie de la zone sera rebooste. J y ai travaille en vivant dans une des maison coloniale aux persiennes au bord du fleuve Tak mayo. Magique intemporel.
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    Auteur

    Anonyme

    En Septembre, 2015 (00:20 AM)
    Article bien écrit
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    Auteur

    Thierno Kamara

    En Septembre, 2015 (11:22 AM)
    joli la vie c pas les capitales mais l'interieur du pays le calme la securite les gens l'amour c cela la vie voyait c toujours des blancs ki le veulent et nous on veut quitter notre ville ville pourquoi PODOR J T'ADORE :sunugaal: 
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    Auteur

    Abdoul Mbaye

    En Septembre, 2015 (13:55 PM)
    Podor la ville de mon pére et de a mére...j'adore ma ville natale
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