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Economie

Ecovision : Les misères du franc Cfa

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Ecovision : Les misères du franc Cfa

Les plus hautes autorités africaines qui, ces derniers mois, se sont élevées contre la marginalisation du continent dans les discussions sur les solutions concertées à trouver à la crise qui tourmente le monde vont avoir gain de cause. Le 2 avril prochain, à Londres, elles seront bien représentées à la rencontre convoquée par le G20 pour la redéfinition du système financier international dont la dérégulation à l’extrême est une des causes majeures de la récession ambiante. Entre autres dossiers de fond, celui des rapports entre la Zone franc et l’Union européenne devrait normalement y être ouvert, dès l’instant qu’il s’agira de remettre toutes les pendules à l’heure.

Le franc Cfa doit-il continuer à être arrimé à l’euro ? La question est très délicate, comme il en est de toute interrogation, affirmation ou rumeur fondée ou pas sur une monnaie, du fait des réactions spéculatives et risques de fuite de capitaux qu’elle peut susciter. Mais elle n’en demeure pas moins posée, comme cela a été récemment le cas, justement dans le cadre préparatoire du sommet de Londres, par les autorités financières et économiques de la France, de l’Uemoa et de la Cemac. En fait, il s’y est plutôt agi de persuader les représentants de la Zone franc que la thèse à défendre unanimement, le mois prochain dans la capitale anglaise, est que « la parité fixe entre le franc Cfa et l’euro est un élément de stabilité pendant cette période de crise mondiale » et permet « un ancrage solide pour la politique macroéconomique et une protection efficace contre une crise de balance des paiements ».

Bien évidemment, le franc Cfa, en tant que monnaie commune aux pays de la Zone franc entretient la stabilité dans les échanges entre les pays qui l’ont en partage, puisqu’ils se déroulent sans distorsion, au plan monétaire.

Sous ce rapport, la monnaie unique est pour les pays de l’Uemoa et de la Cemac un acquis indispensable à maintenir pour la densification de leurs relations commerciales et de leur développement intégré. Elle est effectivement un facteur de stabilité, surtout en période de crise.

L’arrimage du franc Cfa à l’euro pose problème, en revanche. C’est une sorte de camisole de force maintenue pour canaliser les exportations des pays de la Zone franc vers l’Union européenne, alors qu’ils doivent diversifier au maximum leur partenariat avec le reste du monde.

L’obstacle majeur est justement que les exportations africaines - des produits de base essentiellement - sont de moins en moins compétitives sur les marchés autres qu’européens. C’est parce que le couple rigide franc Cfa-euro étant structurellement surévalué par rapport au dollar.

L’euro s’est certes quelque peu déprécié par rapport à la monnaie américaine, depuis quelque temps, suite à la décision de la Banque européenne de réduire son taux directeur, parmi d’autres solutions de sortie de récession, mais également parce que le dollar reste une valeur-refuge, surtout dans ce contexte de crise.

La monnaie européenne n’en demeure pas moins forte. Le franc Cfa, dont le cours réel dépend fondamentalement des décisions de stratégie économique européenne et non des priorités de développement des pays de la zone franc, garde ainsi son poids relatif. Et la propension à importer des pays qui l’ont en partage tend à reprendre le dessus sur le souci de consommer africain.

Honorant en monnaie forte -franc Cfa ou euro - leurs achats extérieurs qui ont tendance à croître et recevant, en d’autres devises toujours faibles pour le paiement de leurs exportations de produits de base, ces pays voient le déficit structurel de leur balance commerciale se creuser davantage. La libre convertibilité du franc Cfa a pour corollaire l’ouverture sans entrave de comptes bancaires en euros, une fuite de capitaux qui ne dit pas toujours son nom, une saignée très épuisante pour leurs économies.

Non seulement le rattachement fixe du franc à l’euro n’a pas d’effet dynamique sur les échanges extérieurs des pays de la Zone Cfa, mais encore son impact n’est guère évident, ni sur les flux d’investissements qu’ils escomptent, ni sur leur croissance. Ils sont économiquement bien moins performants que des pays comme le Ghana, le Maroc ou la Tunisie qui bénéficient de la souveraineté monétaire depuis les indépendances.

L’arrimage du franc Cfa à l’euro dénie aux autorités de l’Uemoa et de la Cemac la latitude de piloter eux-mêmes leur politique monétaire, de gérer leur balance des paiements, en fonction de l’état de leur économie, de la tendance des marchés, des cours mondiaux des produits et des devises.

Si la France fait des pieds et des mains pour le maintien du statu quo, c’est assurément parce qu’il lui profite. En effet, même si le franc Cfa n’est plus arrimé au défunt franc français, mais à l’euro, les pays africains de la Zone franc demeurent obligés de déposer plus de la moitié de leurs réserves de change sur des comptes d’opérations ouverts au Trésor public de l’Hexagone. Ce sont des milliers de milliards de francs C. L’Etat français a la latitude de les utiliser à sa guise. Il n’est pas exclu qu’il y puise pour financer le plan de sauvetage de ses banques et entreprises nationales en crise, ou encore...accorder des prêts aux Etats de l’Uemoa et de la Cemac.

Il est temps que ce pactole retourne et profite à ses propriétaires légitimes. Ils sont bien en droit de faire valoir leur droit et compétences à gérer leurs avoirs et une monnaie souveraine au service premier de leur développement économique et social, avec efficacité et responsabilité.

Le rythme de croissance des pays de la Zone franc est certes au ralenti, comme il l’est d’ailleurs pour toutes les autres régions de la planète encore plus rudement affectées par la crise financière et la récession économique mondiale. Mais les fondamentaux de la région sont globalement solides et excluent qu’on replace le franc Cfa sous la menace traumatisante d’une deuxième dévaluation très peu assurée d’être compétitive. C’est une éventualité qui n’est nulle part ailleurs envisagée. Il n’y a pas de raison qu’elle le soit pour la Zone franc.

L’avenir du franc Cfa, ou de toute monnaie souveraine qui en prendrait le relais, est dans sa sortie du carcan européen. Mesure de la vitalité de l’économie des pays auxquels elle est commune, la valeur réelle de cette monnaie doit nécessairement être la résultante d’une politique macroéconomique librement choisie et menée pour le développement endogène et d’une capacité de résistance aux chocs exogènes.

L’option initiatique serait de la rendre flexible en l’intégrant dans un panier de devises reflétant l’éventail des relations commerciales et financières avec le reste du monde et non plus seulement avec l’Europe.



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