Contrairement aux affirmations de tous les proches du pouvoir, le Sénégal a absolument besoin de la réussite de son programme avec le Fmi. Cet accord, même sans décaissement, est la garantie qui incite les bailleurs à investir dans le pays.
Le Sénégal pourrait difficilement se passer de la coopération avec le Fonds monétaire international (Fmi), dans les circonstances actuelles de son économie. Hier, en présentant le bilan de la coopération de son organisme avec le Sénégal, pour l’année écoulée, M. Jean-Marc Gravellini, le directeur sortant de l’Agence française de développement (Afd), l’a laissé entendre devant la presse. Interrogé sur sa connaissance de l’état des finances sénégalaises, M. Gravellini a clairement indiqué que le niveau actuel des engagements de cette structure envers le Sénégal oblige l’Afd à être très vigilante vis-à-vis de la situation du pays. Et sur ce point, les fonctionnaires de cette structure, «comme les autres membres de la communauté des bailleurs», s’appuient sur l’accord passé entre le Sénégal et le Fmi, dans le cadre de l’Initiative de soutien à la politique économique (Ispe). M. Gravellini a, d’ailleurs, révélé que ladite Ispe sera évaluée à la fin de cette semaine à Washington, au siège du Fmi. C’est en ce moment-là que les membres de l’Afd, comme les autres bailleurs, sauront exactement à quoi s’en tenir sur la situation des finances publiques.
Cette Ispe, qui est un accord sans décaissement de fonds, est basé sur un certain nombre de critères que le Sénégal est tenu de respecter, sous peine de nullité. La caution du Fmi permet ainsi à tous les éventuels partenaires du Sénbégal de s’assurer que l’environnement macroéconomique est suffisamment sain pour leur permettre de mettre leur argent avec des garanties. Or, on sait que si le Sénégal est parvenu à signer cet accord, la caution personnelle de Alex Segura y a été pour beaucoup.
Ainsi, affirmant ne pas préjuger des conclusions de la revue de l’Ispe à Washington, M. Gravellini, qui quitte le Sénégal aujourd’hui pour une nouvelle affectation à Paris, a quasiment repris l’analyse faite par le représentant-résident du Fmi dans Le Quotidien n°1605 du vendredi 16 mai dernier. «Les origines des difficultés financières du pays sont connues. Il s’agit essentiellement de grands travaux d’amélioration des infrastructures, qui, bien que nécessaires, ont créé de fortes tensions sur le budget national, ainsi que la hausse de prix du baril du pétrole.» Sur les solutions, également, il rejoint Alex Segura, en affirmant que «le ministre de l’Economie et des Finances a toutes les cartes en mains pour corriger la situation. Des mesures pas trop difficiles à mettre en œuvre pourraient être définies. Elles passent par la réduction des dépenses de l’Etat, ainsi que la réduction des transferts vers le secteur énergétique». Gravellini recommande que les ressources de l’Etat soient plutôt allouées à des secteurs prioritaires comme la santé et l’éducation. Tout en n’oubliant pas des investissements dans des secteurs qui ont une influence directe dans la réduction de la pauvreté.
Cette sortie de Jean-Marc Gravellini est un véritable pied de nez aux faucons, aux journalistes porte-voix et autres thuriféraires du régime de Wade, qui en appelaient à une fatwa contre Segura et le journal qui lui avait prêté de l’espace d’expression. Elle vient de démontrer, pour ceux qui l’ignoraient ou faisaient semblant de l’ignorer, que le Sénégal, qui en ce moment a tant besoin d’argent frais, ne peut se passer de la caution du Fmi dans toutes ses démarches sur le marché financier. Ce n’est, d’ailleurs, pas pour rien que le Conseil d’administration de la Bceao, ainsi que le Conseil des ministres de l’Uemoa recommandent régulièrement à leurs Etats membres de maintenir et de préserver les meilleures relations possibles avec les institutions de Bretton Woods.
Gravellini et l’Afd, par cette déclaration, viennent, également, démontrer que les progrès économiques du Sénégal n’ont pas encore de base assurée, s’il leur faut toujours dépendre du bon vouloir des fonctionnaires du Fonds. Cela remet à leurs exactes proportions les rodomontades des autorités gouvernementales, qui se vantent toujours de la bonne qualité de leur cadre macroéconomique. C’est dire donc que, si l’on n’est pas exactement dans une situation d’ajustement structurel, on n’en est pas moins dans une économie sous très haute surveillance.
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