DEUX SENEGALAIS VICTIMES D’UN RESEAU DE TRAFIC INTERNATIONAL D'OR

Deux commerçants sénégalais viennent d’être les victimes d’un réseau de trafiquants internationaux d’or. Fallou et Mar Thiam, deux frères ont perdu dans une opération qui les a fait valser de Dakar à Bamako où ils seront même arrêtés par des gendarmes complices du réseau, avant de se retrouver élargis. Ils ont perdu dans l’opération 33 millions, mais se consolent de l’arrestation, par la Sûreté urbaine, de l’intermédiaire Alioune B. Dieng déféré au parquet.

La Sureté urbaine a déféré le 19 août dernier Alioune B. Dieng, après plainte pour escroquerie déposée par les frères Fallou et Mar Thiam. Ainsi schématisée, l’affaire est simple, mais cauchemardesque pour les deux bijoutiers qui, courant avril dernier, ont vécu une histoire digne d’un film américain. Ils ont été les victimes de trafiquants internationaux d’or organisés en un réseau avec des liens dans la gendarmerie malienne.
Chronique d’une histoire ambiguë
Les frères Thiam, Fallou et Mar sont spécialisés dans la commercialisation de l'or. C’est dans le cadre de leurs activités qu’ils ont été approchés par un vieil ami, Pape Seck qui les a mis en contact avec Alioune B. Dieng. Ce dernier prétend être en partenariat avec un puissant industriel malien, à la tête de la société «Miceni Gold» ; société qui, dit-il, possède des filières partout à travers le monde. Il sort des documents à l’en-tête de «Miceni Gold», attestant l'existence et la propriété de 500 Kg d'or au Mali, d'une valeur d'un milliard de francs. Élevant la barre haut, il fait savoir à ses interlocuteurs que ladite société ne cède pas moins de 20 kg d'or à raison de 11 millions le kg.

De la drogue dans la 4x4 de Traoré pour piéger les frères Thiam

Pour en avoir le coeur net, les frères Thiam composent les numéros de téléphone, aux indicatifs maliens, mentionnés sur lesdits documents. Au bout du fil, leur correspondant leur confirme tous les dires de Dieng grâce à qui, leur ajoute-t-il, «Miceni Gold» a accepté de faire une dérogation, en acceptant de leur vendre 5 kg de métal jaune.
Confortés, les frères Thiam se rendent au Mali avec Dieng pour concrétiser la transaction. Une fois à Bamako, les frères Thiam logent à leurs frais, dans un hôtel de la place. Ils restent plusieurs jours sans rencontrer Souleymane Traoré qui, selon Dieng, «est très occupé par ses audiences avec le chef de l'État malien». Et lorsque Traoré leur rend visite à leur hôtel, il réclame aux deux Sénégalais 300 000 F, pour aller chercher l'or, auprès des exploitants miniers.
Peu de temps après, 5 kg d'or qui se sont avérés être de bonne qualité, leur ont été présentés. Au moment de passer à la caisse, les frères Thiam indiquent à Traoré qu'ils ne détenaient pas les 55 millions pour l'acquisition des 5 kg d'or et qu'il leur faudrait impérativement retourner à Dakar, pour réunir le montant nécessaire. Il s'en est suivi une certaine tension, Traoré et Dieng estimant qu’on leur fait perdre leur temps et leur énergie. Mais ils finissent par accepter le principe d’un versement de 2 millions de francs pour l'achat d'une petite quantité d'or.

Les deux Sénégalais arrêtés, l’or saisi par les gendarmes complices de Traoré
Une fois à Dakar, Mar a réuni 24 millions remis à son frère qui a débarqué à Bamako, avant qu'il ne l'y rejoigne, avec 4 autres millions en poche. Sur place, ils ont encore fait des rallonges d'argent portant la caution à 33 millions, sur les 55 millions nécessaires à l’acquisition des 5 kg. Les 33 millions qu’ils détiennent ne couvrant que les 3 kg d'or, les frères Thiam ont décidé de retourner à Dakar, pour honorer les 2 kg restants. Traoré exige alors que le voyage se fasse à bord de sa 4x4 conduite par son chauffeur. Jusque-là, tout va bien. Mar et Fallou Thiam, ainsi que Dieng, embarquent en direction du Sénégal, dans l'une des portières de la 4x4, 5 Kg d'or sont soigneusement cachés.
Seulement, en cours de route, le véhicule est arrêté par des gendarmes maliens qui, curieusement, découvrent du chanvre dans la malle arrière. Tous les passagers du véhicule sont placés en garde-à-vue, dans un camp de Bamako et les 5 kg d'or saisis. Avisé, Souleymane Traoré qui les a fait libérer dès le lendemain, réclame aux deux bijoutiers sénégalais 7 millions de francs pour la restitution de l'or saisi. En vain, parce qu’ils disent ne pas détenir cette somme. Traoré leur demande alors de quitter immédiatement le Mali, le temps que l'affaire se tasse.

Les frères Thiam récupèrent leur or, mais se retrouvent avec du faux
Une fois à Dakar, les frères Thiam flairent l'escroquerie avant de retourner à Bamako, pour tirer l'affaire au clair. Là, ils saisissent le service d’investigations judiciaires du camp 1 de Bamako dirigé par le Colonel Touré. L'enquête ouverte par ce dernier permet l'arrestation de Traoré qui balance ses complices gendarmes qui avaient procédé à l'arrestation du convoi et à la saisie de l'or. L’enquête montre que ces gendarmes complices de Traoré n'étaient pas de service le jour des faits. Mieux, ils ont agi hors de leur secteur de compétence et comble de tout, ont fait mains basses sur l'or saisi.
Souleymane Traoré sera déféré au parquet de Bamako et le dossier est instruit par le juge Dramé Kanté du Tribunal de 1ère instance de la commune 1 du district de Bamako. Cependant, les gendarmes incriminés refusent de déférer à la convocation de la justice malienne qui était à la recherche de Alioune B. Dieng, resté au Sénégal.
Seulement, comme un malheur ne vient jamais seul, les frères Thiam n’étaient pas encore au bout de leurs mauvaises surprises. On leur restitue l'or contenu dans une mallette, mais ils se rendent compte que le métal avait été substitué avec du faux. Ainsi, une fois au Sénégal, ils saisissent le commissariat central d'une plainte pour escroquerie contre Alioune B. Dieng. L’intermédiaire est ainsi arrêté le 19 août dernier et déféré le surlendemain au parquet qui poursuit l’instruction de ce dossier.