Grogne des travailleurs du théâtre national : Sorano porte sa misère sur scène

Les acteurs culturels du Théâtre national Daniel Sorano étaient, hier, sur les planches. Mais ce n’était pas pour jouer, ni danser. Ils ont transformé les planches en tribune pour crier leur misère et exiger le paiement de 41 millions de francs.

Au moment où ils font rire et font danser des millions de Sénégalais, les artistes et comédiens de la compagnie du Théâtre national Daniel Sorano se lamentent de leurs conditions de vie et de travail. Ils végètent dans la misère, selon eux. En conférence de presse, hier, le collège des délégués du personnel de la compagnie du Théâtre national, après avoir diagnostiqué la situation actuelle, a dressé un ‘tableau critique’ de la crise sociale qui prévaut au niveau de leur établissement public. ‘Les maux endurés trop longtemps par les artistes ont été profonds et sont restés sans espoir de trouver solution malgré le dépôt d’une plate-forme revendicative comportant dix-neuf points’, affirme Socé Diallo, le secrétaire général du collège des délégués des acteurs culturels. Et d’après lui, la gestion désastreuse dans tous les secteurs d’activités du Théâtre national a été établie et certifiée par le rapport de la Cour des comptes de 2008. A l’en croire, en effet, ce rapport avait fait cas d’un détournement de deniers publics d’un montant de 38 millions, d’un détournement de cotisations sociales et d’une insuffisance de production et de recettes.

D’autre part, les artistes, comédiens, scénaristes, costumières, chanteurs, etc., réclament à la direction du Théâtre national le paiement de quarante et un (41) millions de nos francs. Il s’agit, selon le comédien Ibrahima Mbaye, d’une somme que la direction doit aux acteurs culturels depuis l’année 2009. Mais que Alioune Badara Bèye et à Ousmane Diakhaté, respectivement Président du conseil d’administration (Pca) et directeur du Théâtre national Daniel Sorano, refusent d’honorer. Et pourtant, à en croire le comédien, le ministre de la Culture, Serigne Modou Bousso Lèye, au mois de janvier 2010, avait ordonné à ces derniers de s’exécuter. Mais, jusqu’à présent, ils ont systématiquement refusé de suivre les directives du ministre de la Culture.

Par ailleurs, les acteurs culturels, qui se plaignent de leurs maigres salaires, accusent la direction du Théâtre national de faire régulièrement des retenus sur les salaires pour les cotisations sociales, alors que beaucoup d’entre eux ne disposent pas d’un numéro à l’Ipres. Et d’après la chanteuse Attia Wellé, les salaires sont si maigres qu’ils ont honte de dire à leurs familles combien ils gagnent. Compte tenu de tout cela les artistes accusent Alioune Badara Bèye et Ousmane Diakhaté de mettre le feu aux poudres. ‘Cette gestion, qui tourne le dos aux vrais problèmes des travailleurs, est porteuse de germes de dislocation du tissu social et la perte de notre outil de travail. La situation délétère qui est en train de s’installer sous nos yeux est lourde de sens et peut pousser à tous les extrémismes. Elle ouvre des voies à la radicalisation. Si l’on y prend grade, de sérieux troubles sociaux vont se passer dans les mois prochains’, prévient Socé Diallo. Et d’ajouter : ‘S’ils veulent une épreuve de force, nous sommes prêts, parce que c’est notre métier et notre avenir qui est en jeu’.

Les artistes menacent même de bloquer le fonctionnement de Sorano. ‘Aujourd’hui, c’est la rentrée, mais nous comptons prendre nos responsabilités. Nous allons bloquer le Théâtre. Et à partir d’aujourd’hui, rien ne va plus fonctionner’, menace Siaka Lô, secrétaire général adjoint du collège des délégués. Pour sa part, Charles Foster, qui craint que le grand théâtre en construction n’enterre Sorano, se dit favorable à une marche vers le palais présidentiel. Il s’agit, selon lui, de prendre langue avec Me Wade qui se dit l’’ami et protecteur des Arts et des Lettres’, mais qui ne les a jamais reçus.

DIRECTION DU THEATRE NATIONAL : Les artistes réclament le départ de Bèye et Diakhaté

Outre le paiement de leurs 41 millions de francs, les pensionnaires du Théâtre national exigent la démission du Pca et du directeur de Sorano. Les artistes et comédiens, qui accusent Alioune Badara Bèye et Ousmane Diakhaté, de tous les pêchés d’Israël, ne veulent plus les voir au temple du théâtre sénégalais. ‘Ce qu’il faut retenir dans cet élan, c’est que les travailleurs ont opté pour le changement’, déclare Socé Diallo. Avant de poursuivre : ‘Les travailleurs se sont mobilisés pour exprimer clairement leur rejet du mode de gestion calamiteux afin de poser les plans d’un changement salvateur susceptible de raviver les flammes de l’espoir’.

Plus catégorique, le comédien Ibrahima Mbaye martèle que Bèye doit quitter. Parce qu’étant, selon lui, la cause de leurs malheurs et des blocages au niveau de Sorano. ‘Le retard accusé par le Fesman est causé par Alioune Badara Bèye. Son intention maintenant est de bloquer les choses au niveau de Sorano. La preuve, il fait traîner les choses au niveau du Théâtre qui doit accueillir les ateliers d’expression et de création de ce festival mondial’, dit-il. Et de poursuivre : ‘C’est pourquoi, le chef de l’Etat doit l’écarter du comité du Fesman. En tout cas, nous attirons l’attention de Wade qu’il y a des gens qui sont capables du pire’.

Porte-parole du collège des délégués, Babacar Diop soutient que Bèye n’est là que pour son propre compte. ‘Sa facture de téléphone est supérieure aux salaires de certains artistes’, dit-il. Et à en croire Madeleine Tall, le ministre de la Culture, s’est offusqué de la saleté et de la vétusté des locaux du Théâtre national. Allant même jusqu’à se demander si Sorano n’avait pas de directeur. Interpellé, le directeur du Théâtre national, Ousmane Diakhaté, s’est refusé à tout commentaire.