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[ Hommage ] Il y a cinq ans, disparaissait Ndiaga Mbaye, poète et maître de la parole

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[ Hommage ] Il y a cinq ans, disparaissait Ndiaga Mbaye, poète et maître de la parole

Dakar, 12 fév (APS) – Il y a cinq ans, le 13 févier 2005, disparaissait à Dakar le parolier, auteur, compositeur Ndiaga Mbaye, le ‘’Maître de la parole’’ qui, doté d’une connaissance profonde de sa société, se distingua par sa sagesse, ses sources d’inspiration, la profondeur ainsi que la portée morale et spirituelle de ses œuvres.

Décédé à l’âge de 57 ans, Ndiaga Mbaye, interprète prolixe à la voix rauque, a marqué les mélomanes par la dimension et la qualité de ses textes, laissant l’empreinte et le souvenir d’un artiste consensuel, qui continue d’inspirer des générations de chanteurs par ses thèmes et ses mots.

Lors de la célébration, en février 2008, à la Maison de la Culture Douta Seck, d’une ‘’journée de souvenir’’ dédiée au célèbre chanteur, le philosophe et écrivain Hamidou Dia soulignait que Ndiaga Mbaye a ouvert ‘’un boulevard dans la culture sénégalaise. Poète par la profondeur et la textualité de ses chansons, il a aussi réussi la prouesse de se faire écouter par toutes les couches sociales, à commencer par les intellectuels.’’

Pour Dia, auteur — en 1982 à l’Université de Dakar — d’un mémoire de maîtrise de philosophie intitulé ‘’Ndiaga Mbaye : Signes et repères d’une culture’’, Mbaye a ‘’inlassablement chanté les valeurs qui fondent la société et la gloire du Sénégal. C’est une voix unique de la chanson sénégalaise de par son timbre et son souffle.’’

La journaliste et documentariste Laurence Gavron, réalisatrice du film ‘’Le Maître de la parole : El Hadj Ndiaga Mbaye, la mémoire du Sénégal’’ (2004), estime que l’artiste est ‘’encore vivant au Sénégal’’.

‘’Sur les ondes de radio et surtout dans le cœur des gens, de tous âges et de toutes classes sociales, le grand griot chanteur philosophe n’est pas oublié’’, dit-elle, estimant que quelques chanteurs traditionnels, ‘’surtout un Samba Diabaré Samb, Assane Mboup peut être’’, l’égalent, ‘’mais personne à ce jour ne l’a remplacé dans l’imaginaire sénégalais’’.

De fait, les qualificatifs avaient manqué le jour de son décès, le 13 février 2005 des suites d’une longue maladie, pour saluer la mémoire de cet immense personnage qui a su naviguer avec bonheur entre l’art lyrique, le folklore sénégalais, et un style de fusion vers la fin de sa carrière.

Ndiaga Mbaye est né en 1948 dans une famille de griots de Tattaguine, dans la région de Fatick (centre-ouest du Sénégal). Il débute dans la chanson en animant les ‘’kasak’’ (rituels d’initiation pour les circoncis), les mariages et les baptêmes.

Après l’école primaire, il abandonne ses études et, en 1968, alors que le régime du président Léopold Sédar Senghor était ébranlé par une crise estudiantine et sociale sans précédent, Mbaye s’engage dans l’armée.

A la fin de son service militaire, il décide de s’installer à Dakar. A 20 ans, il chante ‘’Mbëggeel’’ (l’amour), un titre sur lequel il laisse entrevoir son talent encore inconnu du grand public. C’est le coup de foudre pour Radio Sénégal, la station publique nationale, qui diffuse en boucle le morceau.

L’Ensemble lyrique traditionnel du Théâtre national Daniel Sorano intègre l’artiste en 1969 dans la troupe. Il y retrouve, entre autres vedettes, la cantatrice Khar Mbaye Madiaga et le joueur de xalam Samba Diabaré Samb. Ce dernier dit régulièrement de Ndiaga Mbaye que c’était un ‘’Ndaanaan’’ (personne de culture et de comportement ancrés dans la tradition). La même année (1969), il obtient une distinction au premier Festival panafricain d’Alger, le PANAF.

Depuis lors, l’enfant de Tattaguine enchaîne les tubes sur ce que le musicologue et critique sénégalais Nago Seck appelle ‘’un blues wolof d’une grande spiritualité’’ : ‘’Ñetti Abdu’’ (les trois Abdou), un hommage à Abdoul Aziz Sy, Abdoul Ahad Mbacké et Abdoul Khadre Djeylani), ‘’Dabbaax’’ (hommage au khalife général des Tidianes), ou ‘’Oumar Foutiyou’’ (dédié à Cheikh Oumar Foutiyou Tall, figure emblématique de la conquête islamique en Afrique de l’Ouest).

En 1977, Mbaye quitte l’Ensemble lyrique de Sorano pour se consacrer à une carrière solo. Celle-ci sera d’une exceptionnelle singularité. De l’inspiration de Ndiaga Mbaye sont sortis des titres comme ‘’Bëgg naa la’’, ‘’Suul Kerr’’, qui ont, depuis lors, intégré le patrimoine musical et culturel sénégalais.

Ndiaga Mbaye s’était donné, en plus de l’exaltation de l’action des figures religieuses, une mission d’éducation, d’éveil des consciences, d’affirmation et de célébration des valeurs morales et spirituelles partagées par les communautés sénégalaises dans leur ensemble.

A travers ‘’Réew mi yeen bayi leen’’ (sur les vertus de l’agriculture et de l’autosuffisance alimentaire) ou sa cassette ‘’Ndiaga Mbaye dans le vent’’ (fusion de mballax/jazz ou mballax/hip hop), les Sénégalais découvrent alors un artiste original dans sa démarche et déterminé à jouer un rôle d’éveilleur de conscience.

Dans les textes de cette phase engagée da sa carrière, il aborde les thèmes de l’éducation (‘’Njureel’’), de la solidarité (‘’Nit, nitay garabam’’), de l’amour (‘’Bëgg naa la’’), la foi et l’acceptation du destin (‘’Nañu muñ’’), les difficultés du monde paysan (‘’Baykat’’)…

Cet ‘’inoubliable chanteur a introduit dans la musique traditionnelle une rupture épistémologique, il a été le premier à avoir tourné le dos au chant laudateur pour chanter l’amour, l’amitié, la fraternité, la famille, la vanité, la gloriole, les guerriers, les héros et tous les aspects de la vie’’, analyse Hamidou Dia.

Dia, ami de l’artiste, se montre admiratif devant le talent et la carrière de Ndiaga Mbaye, s’émouvant particulièrement de sa ‘’prouesse d’avoir réussi à se faire écouter de toutes les couches sociales’’ sénégalaises. Mbaye, ‘’un des derniers authentiques princes de la musique sénégalaise’’, est ‘’l’homme aux improvisations magistrales est une voix qui a marqué plusieurs générations.’’

Ndiaga Mbaye à qui Youssou Ndour, son neveu, a dédié son Grammy Award en 2005, ‘’est devenu à jamais l’archétype de la philosophie morale wolof, un monument vivant et incandescent’’ qui, face à ‘’un délitement intellectuel et moral, a pris conscience de l’urgence de ressusciter la conscience’’, retient le philosophe, sensible à ‘’la parole intense et chargée d’émotion’’ de celui qui ‘’est définitivement entré dans l’histoire de la musique traditionnelle sénégalaise’’

Pour Laurence Gavron, les paroles de Ndiaga Mbaye, ‘’dont tous s’unissent à déclarer la grandeur, sa voix à nulle autre pareille, son cri qui a bercé plusieurs générations de Sénégalais, enfin sa personnalité, humble, simple, calme, jamais provocateur ni prétentieux’’, font qu’il restera ‘’longtemps encore’’ parmi ses compatriotes.



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