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Penda Mbow – Professeur d’Histoire à l’UCAD: Au commencement, une pénurie d’eau…

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Penda Mbow – Professeur d’Histoire à l’UCAD: Au commencement, une pénurie d’eau…

Elle voulait être Magistrate ou Médecin. Mais elle est devenue historienne, consultante internationale et membre actif de la société civile. Considérée par certains comme une « femme bavarde et agaçante » et par d’autres comme « acteur civil intégral », elle est l’une des femmes célibataires les plus célèbres du Sénégal et elle reste une rebelle qui provoque à souhait tout en étant assise sur de solides principes personnels. 


Penda Mbow, c’est d’abord un foulard enroulé à la manière d’un turban turbulent. « Borom moussor bi » (la femme au foulard), dit-on d’elle. Et ce foulard qui est une pièce maîtresse de son identité vestimentaire est tout un mystère pour le public et fait l’objet de toutes les hypothèses à laquelle elle apporte une simple thèse qui prend date : « un jour, j’écrirai tout ce qui me concerne et je dirai pourquoi mon foulard ». Et alors le timbre coloré de sa voix presque  chantonnante  montre crescendo selon la gravité de ce qu’elle dit. «  Elle est agaçante et méchante », disent ceux qui subissent ses foudres. « Elle est compliquée et on ne sait pas ce qu’elle veut. Elle est sûrement au service d’une force extérieure obscure », accuse un homme politique proche du pouvoir. Pourtant, beaucoup la trouvent « pertinente et courageuse ».  Une féministe qui ne tarit pas d’éloge sur elle considère que c’est une « femme d’utilité publique ».

Mais, Penda Mbow est simplement une femme de cœur qui s’assume. Polémiste à souhait, «aigrie» pour certains, « rancunière » pour d’autres, elle lance même des défis lorsqu’elle a la forte conviction  d’une idée. Intellectuelle féconde, elle sait jouer partout au trouble-fête et aborder des questions presque gênantes ou tabous quoique drapées d’un manteau de pudeur. Incontrôlable dans son action, toujours en phase avec ses convictions, elle met toutes les questions nationales ou internationales sur la balance des idées fortes  qui l’animent et des enseignements de l’histoire. «C’est une historienne, mais sans aucune doxologie; elle ne verse ni dans les louanges encore moins dans un suivisme aveugle qui déshonore l’épopée de son cursus universitaire », juge une femme politique. Elle est ainsi si engagée, si libre et si critique que ceux qui n’arrivent pas à la faire fléchir considèrent qu’elle est simplement « une perturbatrice qui a intérêt à se trouver un mari ». Mais sur ce registre, elle s’est déjà faite une religion :  « je suis célibataire et c’est le coup du destin. Cela ne me dérange point. Peut-être si j’étais mariée, je n’aurai pas accompli ma vie de cette manière ». Puis, elle fixe un regard velouté et franc et affirme avec sérieux et gravité : « je me marierai un jour …. in cha Allah ». Et elle énumère les qualités de son ….. futur époux :  « il doit avoir de la personnalité et être compréhensif. Il faut qu’il soit un intellectuel avec qui je pourrai échanger intellectuellement. Il doit être un homme de foi ouvert sur le monde. Si ce n’est pas un homme cultivé, je ne pourrai pas être avec lui… ». Mais une chose est certaine : elle est contre la polygamie non parce que c’est un modèle familial qu’elle abhorre, mais parce qu’elle peut être, pour elle, un obstacle au progrès. Elle explique : « je suis convaincue, et personne ne me démontrera le contraire, que d’abord l’Islam est une religion monogame. Et je suis ensuite convaincue qu’aucune société au monde ne se développe si son modèle familial n’est pas un modèle organisé, rationalisé et uniforme. C’est-à-dire un modèle basé sur la monogamie. Cela n’a rien à voir avec l’Occident. C’est un principe de base qui fonde les structures sociales d’une société moderne ». Ainsi, sur toutes les questions, Penda Mbow, spécialiste de l’histoire médiévale et ascète de l’histoire de l’islam, pose un regard provocant et provocateur au moyen d’une re-interprétation féministe. Il arrive même qu’elle subisse les foudres d’intégristes comme en 1992 ou des levers de boucliers de féodo-conservateurs. Mais elle reste ferme sur ses positions et, avec un certain culot dont elle seule a le secret, invite des pourfendeurs au choc des idées. Elle donne ainsi l’impression d’une femme qui a une «maniaquerie de tâcheronne». Elle s’intéresse à tout et vit activement sa citoyenneté.

Une enfant de Bandung

Elle est née dans contexte d’agitation politique et intellectuelle. Elle a vu le jour, l’année où des représentants de 29 pays africains et asiatiques s’étaient réunis à Bandung dans une conférence internationale pour condamner le colonialisme et affirmer leur volonté d’émancipation. «  Je suis née avec la Conférence de Bandung », dit-elle fièrement. Mieux elle restitue l’information de son père, Mor Anta Mbow, qui fut un grand militant de Me Lamine Guéye grâce à l’intercession de Serigne Mansour Sy Ibn El Hadji Malick. : «Mon père m’a dit que le jour où je suis née, il assistait à un débat politique sur la confrontation entre Maurice Guéye et Ousmane Socé et il a été trouvé en plein débat politique pour être informé». Ainsi, comme si les forces de la nature s’entrelaçaient avec les forces de hasard, Penda Mbow s’est naturellement intéressée à la chose politique. La conférence de Bandung ayant aussi donné naissance au non-alignement et au principe du neutralisme, elle s’est engagée tôt dans la dynamique de la citoyenneté non partisane comme si encore les axes solaires traçaient son destin dans le sillage des grands événements historiques de son année de naissance.

Son enfance a été turbulente. Mais, elle a été « heureuse grâce à des parents non riches, mais unis dans la dignité ». Elle a fait la lessive et la vaisselle, est allée à la borne-fontaine pour avoir l’eau et s’est occupée de ses frères qu’elle portait au dos, sa sœur aînée étant décédée tôt. En 1968, sa famille déménage aux HLM quittant ainsi la Médina où elle a été marquée par les figures féminines de Adja Seynabou Guèye Ndatté, Adja Ndoumbé Ndiaye entre autres.

Mais Penda Mbow fut une enfant rusée. Elle organisait des sabars de quartier « non pour danser mais pour voir les autres danser ». Elle assistait au Simb, fréquentait les quartiers du Plateau, de la Médina et de la Gueule Tapée pour ne rater aucun grand événement. Elle a eu alors la chance d’avoir  été parmi les enfants qui observaient la «situation de Mamadou Dia» à la Résidence Médina ou d’ailleurs elle arrivait, à chaque fois qu’on y organisait une réception, à passer devant les policiers sans être repérée et à assister à la manifestation où il y avait souvent des chefs d’Etat.

Aussi le Festival Mondial des Arts Nègres l’a beaucoup marquée et c’est avec une nostalgie apparente qu’elle en évoque le souvenir : les chants, les danses, les expositions etc. Le fait culturel l’a alors envahie alors qu’elle en ignorait tout quand bien même elle le vivait. Depuis, elle y étend un empire de passion. Elève à l’école primaire de Médina puis au Lycée Van Vollenhoven où elle a obtenu le Bac en 1975, elle a fréquenté «toutes les bibliothèques de Dakar» pour assouvir sa curiosité intellectuelle qui l’a d’ailleurs poussée à embrasser des études en histoire alors qu’elle voulait devenir magistrate ou médecin. Et les études surtout primaires ne l’empêchaient pas d’être petite fille au foyer familial.

En 1977, une pénurie d’eau perdure aux HLM. Penda Mbow, n’en pouvant plus, mobilise et fait du porte-à-porte pour la signature d’une pétition. C’est le point de départ de son engagement citoyen pour une auto prise en charge des questions d’intérêts collectifs. Depuis le virus de l’engagement l’a transformée en membre actif et fécond de la société civile. « J’ai pris des risques très tôt, mais j’assume tout ». Elle alliait ainsi études et engagement tout en étendant le champ de ses connaissances. C’est que Penda Mbow est une femme tactile : elle réagit dès qu’elle se sent titillée ou interpellée. Elle réfléchit beaucoup et prend son temps parce qu’elle déteste la spontanéité et l’imprévu. C’est pourquoi, elle est flegmatique quoique passionnée parce que continuellement à la recherche d’un bon équilibre aussi bien dans la vie que dans les idées. Féminine et féministe, elle est si sensible qu’elle ressent les malheurs des autres comme si elle les vivait. Elle a mis sur pied le Mouvement Citoyen où elle fait aborder des questions qui touchent la vie en société et la République. Elle participe aux débats, voyage beaucoup pour se rendre dans des institutions politiques ou universitaires du monde où elle dispense des cours et anime des conférences. Elle monte au créneau, condamne, encourage et critique. Certains considéraient qu’elle dérange. Elle a vécu d’ailleurs des scènes qui ont failli la décourager : « Dans certains débats, certains refusaient de venir si on leur disait que j’y serai. D’autres se révoltaient quand ils me voyaient venir. J’avais décidé,  un moment, de me replier sur moi-même. Cela ne me choquait pas. Je ne voulais pas seulement déranger ». En fait, au-delà de ses idées et prises de positions, elle ne passe pas inaperçue.

Elle a un visage ovale bien potelé et une taille moyenne. Ses yeux ressemblent à ceux d’une panthère sûre d’elle-même. La voix colorée et le nez rond, ses lèvres assez charnues rendent compte d’une femme qui fait de la libre expression un instrument de modelage social et politique. Elle a du caractère et sait parfois être « vindicative » pour solder des comptes dans le temps et dans l’espace. C’est pourquoi, étant un contre-pouvoir qui s’assume, elle est considérée par des tenants du pouvoir comme «une femme rancunière». Elle en rit aux éclats et assène : « Je suis dans la citoyenneté et j’agis en conséquence ». Pourtant, elle entretient  de bonnes relations avec les femmes de toutes les formations politiques. Elle a été Ministre pendant deux mois. Mais, très tôt, elle a « compris qu’on ne supportait pas trop son indépendance ». Elle a tourné définitivement la page et poursuit son chemin. Et elle reste la même femme qui entretient les mêmes relations. Pacifique malgré les apparences de combattante, son amabilité et sa grandeur d’âme font d’elle une collaboratrice efficace. Seulement, son niveau d’analyse et son goût de la perfection font qu’elle est parfois difficile dans le compagnonnage où le tâtonnement surgit.

 

De l’UCAD à  l’UPSALA

Penda Mbow, conservatrice ou progressiste selon les valeurs, est très spirituelle et est une musulmane pratiquante très versée dans la science coranique. Ses aspirations et ses inspirations l’amènent à verser dans l’occultisme et la parapsychologie pour s’enrichir et comprendre. C’est pourquoi certains n’ont pas hésité à dire qu’elle est dans une loge maçonnique. Elle s’en étonne :  « Mais nooon ! Je ne suis pas franc-maçon et je ne l’envisage pas.  .Je respecte les franc-maçons. L’histoire m’a enseigné qu’elle a connu des gens de valeur. Mais je ne suis pas de ça ». Lorsqu’elle parle, l’on sent une passion naturelle. Souvent, elle manifeste des signes de nervosité si l’on titille ses principes et son ego.

Dans son appartement, la culture est partout présente. L’on découvre un art décoratif sobre et un don naturel d’harmonisation des couleurs avec une certaine préférence pour le blanc, le rouge, les roses et leurs dérivés. Certes en matière de tenue vestimentaire, elle ne suit  pas tout ce qui est à la mode. Elle aime la beauté sobre et a horreur de l’ostentation. Elle aime les tailleurs et les jupes qui arrivent au-delà des genoux ainsi que les grands boubous légers comme pour faciliter ses effets de manches qui font que la dise « belliqueuse » alors qu’elle est en fait une femme rebelle : « Moi, je respecte l’autorité. Je suis simplement réfractaire à l’autoritarisme. Il y a des choses que je n’accepte pas. J’aime la liberté ». Puis, dans un silence contenu, elle murmure : « J’aurais aimé vivre comme Marguerite Yourcenar, voyager et écrire ». Pourtant elle a voyagé ; elle a beaucoup voyagé. Elle a également beaucoup écrit dans la presse comme des revues universitaires. L’Université de UPSALA, la deuxième université européenne située au nord de Stockholm, en Suède, l’a élevée au grade de Docteur Honoris Causa sur proposition de la Faculté de Théologie. « C’était impressionnant car j’avais découvert le faste de la Royauté et la Magnificence de l’Eglise ». Elle y a reçu les coups de canon et elle exprime encore sa fierté de voir des Sénégalais de Suède et d’autres Africains venir aux côtés même d’Iraniens communier avec elle. Ayant beaucoup travaillé sur l’histoire du monde musulman aussi bien en Mémoire de Maître qu’en Thèse de Doctorat, elle a été naturellement séduite, à UPPSALA, par la seigneurie scandinave.

Matinale et toujours marquée par le décès de sa mère Yaye Fatou, elle ne couche pourtant pas avant 1 h du matin. Mais si elle ne reçoit pas d’amis, elle ferme sa porte à 20 heures. Les hommes volages n’ont pas accès chez elle et elle ne se fait point avoir. Officier de la Légion d’honneur française, entre autres décorations, elle est connue et elle se fait porte-parole de femmes et de jeunes dont certains l’interpellent même dans la rue. Ndary Lo, l’artiste, lui a une fois fait une surprise en reproduisant une galerie de portraits où figurent Amilcar Cabral, Gandhi, Cheikh Anta Diop, Myriam Makéba, Mandela… au côté de Penda Mbow. Elle en était surprise et émue. Mais un polygame jure la main sur le cœur : «oui, c’est une grande dame de cœur et une très grande citoyenne courageuse et pertinente. Mais l’homme qui l’épousera aura réussi à lui apporter la lune sur un plateau d’argent».

 



1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:36 PM)
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