Samedi 27 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Immigration

Xavier RICOU, architecte : La part de responsabilité des rois africains dans la Traite atlantique

Single Post
Xavier RICOU, architecte : La part de responsabilité des rois africains dans la Traite atlantique

Mulâtre et descendant de Signare, Xavier Ricou se sent bien dans sa peau de Sénégalais. ‘Je suis Sénégalais et ce que pensent les autres m’est peu égal’, clame-t-il. Dans l’entretien, qu’il nous a accordé en marge de la table ronde sur : ‘Gorée et les mémoires de la Traite atlantique’, tenue le jeudi 23 août à l’Université des Mutants, l’architecte revient sur ses origines, les responsabilités partagées dans le commerce des Noirs et sur la commémoration de sa date d’abolition.

Wal Fadjri : Quel sentiment vous anime quand vous parlez de la Traite négrière ?

Xavier RICOU : Je n’ai pas de sentiments particuliers. Je fais un travail qui est le plus détaché possible de ce qui est émotionnel. C’est un travail de recherche généalogique. Je sais que nos ancêtres y compris les noirs ont pratiqué l’esclavage. Mais, l’esclavage avait deux formes. D’une part, il y avait la Traite négrière qui consistait à envoyer des esclaves aux Amériques pour travailler dans les plantations. Et d’autre part les captifs de case, c’est-à-dire les esclaves domestiques. Je sais que les Signare pratiquaient cet esclavage. Bien entendu ces captifs de case avaient des conditions de vie beaucoup plus agréables que les captifs de la Traite négrière. Ils faisaient partie des familles des Signare et étaient considérés comme telles. Ces captifs étaient baptisés et portaient les noms des Signare. Donc je n’ai pas de sentiments particuliers quand je parle de la Traite négrière.

Wal Fadjri : Jusqu’à présent il y a des Blancs qui considèrent le Noir comme un esclave. Que pensez-vous de ce manque de considération ?

Xavier RICOU : Je n’ai vraiment pas cette impression. Et si tel est le cas, je trouve que c’est complètement absurde et ridicule. On devrait évoluer, mais je vois que depuis plusieurs siècles il y a des gens qui n’ont pas évolué dans leur mentalité. J’ai suivi récemment La Controverse de Valladolid, un film qui s’est passé aux XIVe et XVe siècles. On se demandait si les Indiens d’Amérique avaient une âme ; s’il fallait les considérer comme des hommes ; si on pouvait les réduire en esclaves ou pas. A la fin du procès de cette Controverse, la réponse était : ‘oui ! Ils ont une âme. Donc on ne peut pas les réduire en esclaves’. Et du coup ils sont venus pratiquer l’esclavage en Afrique parce qu’ils ne considéraient pas les Africains comme des hommes.

Wal Fadjri : Beaucoup d’Africains mettent un trait sur la responsabilité de leurs ancêtres dans la Traite négrière. Partagez-vous cet avis ?

Xavier RICOU : Je crois que tout le monde est responsable à son niveau. Que ce soient les Occidentaux, les Africains ou les Signare. Je disais que les Signare n’ont pas directement pratiqué la Traite négrière. C’étaient juste des femmes qui profitaient des négociants de passage. Elles leur facilitaient leur activité économique qui était la Traite des esclaves. Mais, même si elles ont participé indirectement à cette Traite, elles ont une part de responsabilité. De même, les rois africains et les négociants Maures, qui vendaient leurs esclaves à Saint-louis ou sur la côte à Dakar, ont une responsabilité évidente. Donc tout le monde est responsable à son niveau.

Wal Fadjri : En plus d’avoir reconnu que l’esclavage est un crime contre l’humanité, la France entend dorénavant célébrer le 10 mai de chaque année son abolition ; la communauté internationale aussi commémore le même événement le 23 août. Ne serait-il pas mieux de conformer les deux dates ?

Xavier RICOU : Bien évidemment, ce serait plus logique. Je sais que la commission, qui a été mise en place pour choisir la date de commémoration, a eu énormément de travail. Il y a eu des débats internes pour le choix de cette date. Finalement il y a eu un consensus. Mais je sais qu’il était très difficile d’arrêter la date du 23 août. Il y a toujours à redire avec ces dates. Parce qu’on peut commémorer la naissance de quelqu’un, son décès ou la publication d’un décret. On peut célébrer une date qui arrange tout le monde. J’avoue que c’est peu important. L’essentiel est de commémorer la date de l’abolition de l’esclavage. Et ce serait mieux si cela pouvait être une même date.

Wal Fadjri : Et si on devrait recommencer l’esclavage, quelle serait la réaction de Xavier Ricou ?

Xavier RICOU : C’est hors de question. Cela ne doit même pas recommencer sous quelque forme que ce soit. Quelle que soit la société, surtout quand c’est monnayé. C’est-à-dire un esclavage où l’on vend un humain. C’est vraiment intolérable.

Wal Fadjri : Suivant votre lignée de descendant de Signare, pouvez-vous nous parler de vos origines ?

Xavier RICOU : Je suis de la famille Crespin. Une famille qui est arrivée au Sénégal durant la Révolution française de 1789. Mon arrière grand-parent Benjamin Crespin, qui est venu de la Rochelle, faisait le commerce de la glace. Il s’est installé au Sénégal et a épousé une Signare du nom de Cathy Couc. Avec sa Signare, ils ont eu beaucoup d’enfants, dont une fille qui a épousé un Der Neville d’une autre famille métisse. Ils ont deux autres garçons qui sont mariés à des Signare. L’un d’eux, Germain Crespin est le père de l’ancien Maire de Saint-Louis, Jean Jacques Crespin. Et c’est de fil en aiguille jusqu’à ma mère qui s’appelle Marie-José Crespin.

Wal Fadjri : Avez-vous été accepté au Sénégal comme les autochtones ?

Xavier RICOU : Je suis Sénégalais et ce que pensent les autres m’est peu égal. Je sais que mes ancêtres se sentaient profondément Sénégalais. Ils ont combattu très durement contre l’autorité coloniale. Donc, nous faisons partie de l’histoire du Sénégal. Qu’on le veuille ou pas. On peut toujours faire des dissertations là-dessus pour savoir si on se sent bien intégrer dans sa peau ou pas. Mais moi, je ne me pose pas de questions. Je trouve que je suis Sénégalais. Et puis, c’est tout.

Wal Fadjri : Donc vous êtes né au Sénégal ?

Xavier RICOU : Je suis né au Sénégal. Et je vis au Sénégal.

Wal Fadjri : Des figures que vous présentez dans votre documentation, on retrouve le personnage de Daniel Sorano. Pourriez-vous revenir sur le parrain du Théâtre national du Sénégal ?

Xavier RICOU : Daniel Sorano était un métis sénégalais qui a plusieurs Signare dans sa généalogie. C’était un acteur bien connu qui a fait une bonne partie de sa carrière en France. D’ailleurs, il est connu pour son rôle dans la pièce de théâtre Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. Il a aussi fait quelques petits films à la télévision. Je crois que Senghor, qui aimait beaucoup le métissage et qui avait du respect pour le Métis, a souhaité lui rendre hommage de cette façon. Parce que c’est un acteur qui est mort très jeune.

 



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email