AMINATA TALL: Une militante qui n'aime pas les seconds rôles

PORTRAIT. Après son retour en force au gouvernement, le 22 avril 2004, Aminata Tall, perd, à nouveau, son portefeuille, celui de ministre des Collectivités locales et de la Décentralisation pour retourner à la présidence de la République où elle conserve uniquement son titre de ministre d'Etat.
En quittant, mardi, l'équipe du Premier ministre Macky Sall, ''Mme le numéro2 du gouvernement'' revit une expérience qu'elle avait déjà connue en novembre 2002 quand, à la surprise générale, elle n'a pas été retenue dans la composition du gouvernement d'Idrissa Seck. Peu avant, elle avait été citée dans un scandale de marché public concernant l'achat de vivres de soudure.
Le maire de Diourbel (146 km) s'était retrouvée une première fois auprès du président de la République comme ministre d'Etat. Son retour dans le gouvernement n'est intervenu qu'à la suite du départ du Premier ministre Idrissa Seck en avril 2004. A l'époque, leur divergence était de notoriété publique.
Ses relations avec l'actuel chef du gouvernement et numéro 2 du Parti démocratique sénégalais (PDS) sont empreintes de tension à lumière de ses récentes déclarations dans la presse qui révèlent son opposition à Macky Sall. Cela porte notamment sur la restructuration de leur formation commune et sur de nominations à des charges publiques.
Son expérience gouvernementale est longue mais entrecoupée de longues séquences, le temps de se faire oublier, de chercher des forces et de mûrir son plan de retour aux affaires. Ce monde l'ombre fait partie de la vie cinquantenaire de cette chercheuse qui fut formatrice à l'ex-Ecole normale supérieure de Dakar (1986-1990).
D'avril 2000 à mai 2001, la présidente de la fédération du PDS de Diourbel a occupé le poste de ministre de la Famille et de la Solidarité nationale. Puis, elle a hérité du ministère du Développement social et de la Solidarité nationale, son dernier poste avant un premier départ du gouvernement, issu de l'alternance.
Aminata Tall est titulaire d'un diplôme d'études approfondies en lettres (Uuniversité Cheikh Anta Diop, Dakar) et diplômée de l'université du Québec (Canada). Ce statut l'avait privilégiée quand le PDS devait rejoindre, à deux reprises, le gouvernement de majorité présidentielle élargie de l'ex-président socialiste Abdou Diouf.
A l'époque, avec l'entrée de membres de l'opposition, elle a été nommée ministre déléguée chargée de l'Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (avril 1991 - octobre 1992). A la sortie des ''ministres de Wade'', lors de la pré-campagne électorale de 1993, elle avait suivi son mentor qui était lui aussi ministre d'Etat et candidat à la prochaine présidentielle.
Dès les retrouvailles Diouf-Wade, à la suite du solde des troubles post-électoraux, Mme Tall avait refait le come-back avec les ministres dits du PDS, en devenant ministre déléguée chargée de l'Enseignement technique et de la Formation professionnelle (mars 1995-mai 1998).
Comptant parmi les fidèles du ''Pape du Sopi'', elle quitte avec les siens le président Diouf pour, à nouveau, préparer l'élection présidentielle de 2000. Ce scrutin, fatal pour le candidat socialiste, allait donner le pouvoir à son leader, Abdoulaye Wade.
Les multiples fonctions ministérielles ont souvent été entrecoupées de mandat de député. Elue en 1993 et en 1998 sur la liste du PDS, Mme Tall a été 6-ème vice-présidente de l'Assemblée nationale de juillet 1998 à juin 1999.
Suite à une modification du règlement intérieur de l'institution parlementaire, qualifiée de ''manœuvre du PS'', ce poste tant convoité par la majorité que pour l'opposition de l'époque allait lui échapper au profit d'un ex-frère de parti, Jean-Paul Dias, devenu leader du Bloc des centristes gaïndés et nouvelle coqueluche du régime socialiste.
Pour cette quinquagénaire qui aime cultiver ''l'élégance et le raffinement'' dans le paraître et le parler, la vie s'est souvent présentée en course de sauts d'obstacles. A ses déceptions en politique, s'ajoute un divorce dans son ménage, survenu en 1991 alors qu'elle en était à sa première expérience gouvernementale.
Au sein de sa propre formation politique, elle a vécu des printemps mais aussi des périodes de traversée du désert. Son principal insuccès a été son éviction du poste de présidente nationale du mouvement des femmes qu'elle disputait à feue Coumba Bâ et qui est finalement tombé entre les mains d'une toute autre égérie, la députée Awa Diop de Rufisque.
Pour ses admirateurs, ces obstacles répétés à satisfaire ses ambitions politiques n'ont jamais empêché Aminata Tall d'assumer ses responsabilités d'intellectuel ''pur jus''. A tous les coups qui la projettent sur le devant de la scène, elle aime faire montre d'indépendance d'esprit et de franc parler.
A l'opposé, ses détracteurs, surtout dans le PDS où il n'en manque pas, ne lui tolèrent point une ''trop forte propension à affirmer, en tant que militante, sa prétendue fonction critique d'intellectuel''. Cette qualité s'apprécie à l'université et dans les cafés intellos, mais se déprécie vite à l'antre de la politique.
De son expérience propre, ''la distance critique'' du militant ressemble à un vide si ce n'est une source de malheurs pour ''une grande dame'' qui ne fait guère mystère de sa volonté, encore réaffirmée à colonnes de journaux et à longueur d'émissions radiophoniques, de ne jamais se satisfaire de jouer les seconds rôles.