ANALYSE D’UN REMANIEMENT : Un jeu de cache-cache

Au rythme où le Président fait et défait son gouvernement, il y a un risque évident d’overdose. Une moyenne d’un ministre par mois. Il faudra bien se demander ce qui explique cette frénésie wadienne. Et pourquoi, cette manie à égrener les nominations dans le temps, donnant l’impression d’éternels tâtonnements.

Que retenir de cet énième remaniement de Wade ? Qui intervient moins de deux semaines après le limogeage de Cheikh Tidiane Gadio du département des Affaires étrangères et son remplacement par Me Madické Niang. Un limogeage qui a créé un effet de chaises musicales, précisément avec l’arrivée au Temple de Thémis de Moustapha Sourang, la nomination d’Amadou Tidiane Bâ à la place de ce dernier et tout le reste. Le remaniement d’hier vient aussi s’ajouter aux mouvements subitement déclenchés par le Président Wade, le 10 septembre dernier. Au-delà donc des hommes qu’on nomme, de leurs profils qui peuvent être corrects ou peu attractifs, se pose bien la question de la manière. Non pas seulement dans la façon dont les ministres sont limogés, mais aussi et surtout, dans la fréquence de ces réaménagements. Qu’est-ce qui explique toute cette précipitation et ce manque de sérénité dans la prise de décision du chef de l’Etat ? La question trouve sa pertinence dans le nombre de réaménagements subis par Souleymane Ndéné Ndiaye depuis sa nomination en avril dernier. Le tâtonnement s’érige en mode de choix et les mauvais résultats tombent au bout d’un temps, dictant une nécessité de retoucher. Jusqu’à quand ? Et à quand la prochaine ? Mais, au-delà de cette tendance de Wade à toujours chercher vainement les hommes qu’il lui faut, Maître a aussi le don de dérégler l’agenda de la communication. En effet, on peut bien comprendre que, pour enterrer une affaire qui dérange, le Président Wade ait besoin de créer des tempêtes.

La gravité et la complexité de l’affaire de la corruption sur la personne de l’ancien représentant-résident du Fonds monétaire international (Fmi), Alex Segura, par une haute autorité du Sénégal peuvent bien nécessiter la mise en scène d’un scénario qui puisse dévier l’attention des observateurs de cette séquence qui n’honore pas la République. Qui, en lieu et place d’une réponse vigoureuse à la dernière sortie qui confirme que le paquet a été retourné aux autorités sénégalaises, a adopté l’étonnante posture du silence. Et comme le débat refuse d’être clos, aucune action n’est de trop pour écourter la vision du film Segura.

Mais, à la lecture des actes posés dans ce remaniement, le Président s’engage dans un jeu de cache-cache dont l’issue ne laisse aucune lueur. L’expulsion de Abdoulaye Baldé de la Présidence et le rappel de Aminata Tall aux côtés de Wade sont loin d’être gratuits. Une bonne dose de manœuvre politique à résultat probant motive certaines décisions. D’une part, il a été évoqué, depuis longtemps, que dans les termes de négociations entre Wade et Idy, figure l’éloignement d’un élément extérieur qui gêne. Lors de leur dernière audience, si l’on en croit des confidences alors faites par diverses sources, les retrouvailles entre les deux hommes sont à la phase de finalisation. D’autre part, la réhabilitation de Aminata Tall qui, lors de ses dernières sorties, n’a pas été tendre avec Me Wade, sonne comme le début de la reconstitution de la grande famille libérale. L’ancienne mairesse de Diourbel avait même théorisé sa possible alliance avec Idy pour la prochaine Présidentielle de 2012. Ainsi, Wade évite un nouveau clash dans sa famille. Mais, l’actionnaire majoritaire reste toujours en attente. Le chemin est balisé pour un retour en force des libéraux authentiques aux côtés du Chef. C’est donc dire que Wade n’a pas encore dévoilé tout son jeu. Il lui reste l’acte final avec la nomination prochaine du vice-président. Une «station» pour qui ? Apparemment, il reste une seule personne à l’appel : Idrissa Seck.

Toujours dans ce jeu, la piste Abdoulaye Baldé suscite un questionnement. Qu’est-ce qui motive sa nomination au poste de ministre des Forces Armées ? Il est dit que le duo Baldé-Bécaye est mis en place pour régler la question casamançaise, mais la mission qui leur est assignée est périlleuse en ce sens que le cadeau comporte une petite dose de poison politique. Le défi est assez grand pour être relevé facilement, surtout que les deux hommes sont des fils du terroir, une localité où les susceptibilités et la sociologie peuvent anéantir les efforts consentis. Le moindre sentiment d’échec ouvre la porte de sortie, surtout pour Baldé qui vient, pour la première fois, d’avoir des responsabilités bien définies dans l’appareil d’Etat.