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Politique

BOYCOTT DES LEGISLATIVES PAR L’OPPOSITION- El Hadj Mbodji, Constitutionnaliste : «Un suicide pour la démocratie»

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BOYCOTT DES LEGISLATIVES PAR L’OPPOSITION- El Hadj Mbodji, Constitutionnaliste : «Un suicide pour la démocratie»

Avec l’actuelle configuration politique du Sénégal, un boycott des élections législatives par l’opposition sera suicidaire pour la démocratie et l’institution parlementaire. C’est en substance ce qu’on peut retenir de l’entretien sur l’actualité politique, par le constitutionnaliste, El Hadj Mbodj. Le professeur Mbodj, qui revient du Congo démocratique où il a participé à la rédaction de la constitution de ce pays, estime que l’opposition significative doit avoir en vue une éventuelle vacance du pouvoir, compte tenu de l’âge du Président et pour cela, éviter de donner une fois encore la majorité qualifiée aux libéraux. Il s’est par ailleurs félicité de l’annulation de la loi sur la parité qui, selon lui, est un nouveau piège tendu par le Président Wade, en personne, aux opposants.

EN CAS DE VACANCE DU POUVOIR

«C’est tout à fait regrettable pour la démocratie sénégalaise parce que nous croyons sincèrement que l’ère des boycotts électoraux, était révolue depuis 1990 lors des élections rurales. Avec l’avènement de l’alternance en 2000, on avait tous cru, de bonne foi, que le système électoral sénégalais était à un niveau où tout le contentieux électoral pouvait être géré conformément aux valeurs conviviales et également aux règles qui ont cours dans le cadre d’un système politique sénégalais. Mais, force est de constater des distorsions malheureuses qui ont été apportées au système électoral depuis l’avènement de l’alternance au Sénégal. Avant cette alternance, on pouvait considérer le système électoral comme modéré, consensuel, avec l’existence d’un code électoral apaisé qui a été adopté par l’Assemblée nationale à l’unanimité, sans qu’une virgule n’ait été changée au projet. Ce projet avait été concocté par les partis politiques, sous la direction de feu le président Kéba Mbaye qui dirigeait la commission cellulaire chargée de réformer le système électoral. Maintenant, on est revenu à un système électoral fortement politisé où le ministère de l’Intérieur est dirigé par un politicien qui a forcément des comptes à rendre à son chef de parti. C’est malheureusement ce ministère qui organise les élections ; la Cena (Commission électorale nationale autonome : Ndlr) ne joue qu’un rôle de supervision.

Est-ce que l’opposition à tort ou raison de boycotter les élections prochaines ? Je respecte les décisions des leaders de cette opposition significative qui ne veulent pas prendre part à un processus qui risquerait ainsi de légitimer une situation qui a conduit à la réélection du chef de l’Etat. Mais quand même, personnellement, en tant qu’acteur politique, je trouve que c’est une position tout à fait dangereuse, dans la mesure où le pouvoir ne va pas verser des larmes concernant ce boycott ; au contraire, ce pouvoir en place dira qu’il est le premier à avoir boycotté des élections dans ce pays. Ce boycott ne va pas empêcher d’autres partis, plus ou moins fantoches et moins représentatifs, de se présenter aux élections. Avec ça, on pourrait avoir des partis opportunistes qui vont se réclamer de l’opposition à l’Assemblée nationale. La communauté internationale va se contenter de cette situation pour juger la démocratie sénégalaise. De surcroît, un boycott me paraît extrêmement risqué par rapport à la situation qui est en train de se dessiner, à savoir l’organisation de la succession du président de la République. Soyons réalistes : nous avons un Président dont l’âge est très avancé. Il est de son devoir de faire en sorte que la vacance éventuelle du pouvoir puisse tomber dans un contexte favorable aux intérêts de son parti.

Si on a à l’Assemblée une majorité qualifiée -que je ne souhaite pas du tout- au service du président de la République, les règles du jeu constitutionnel risquent d’être manipulées en permanence. Seule l’existence d’une opposition forte pourrait limiter les ardeurs du président de la République. Moi, je suis personnellement inquiet parce que le premier mandat de l’alternance nous a montré un visage illégal de la majorité parlementaire qualifiée. Si cette pratique, qui se raréfie d’ailleurs dans les systèmes politiques africains, se poursuit au Sénégal, ce sera préjudiciable au système démocratique de notre pays.

Vu toutes ces situations, je souhaite sincèrement que le décret portant répartition des sièges des députés à l’Assemble, qui vient une fois encore d’être attaqué devant le Conseil d’Etat soit annulé (l’entretien a eu lieu avant que la Ld ne soit déboutée de sa requête sur cette question : Ndlr) ; ce qui entraînera, pour une fois encore, le report des élections législatives. Le président de la République devrait alors mettre à profit ce report pour initier des concertations, comme l’avait fait le président Abdou Diouf en 1988, 1992 et 1997. Des concertations sincères, loyales, permettant d’apaiser le système politique sénégalais.»

LOGIQUE DE CONSERVATION

«Le pouvoir libéral est plus ou moins logique dans sa démarche parce qu’il s’est battu pendant longtemps avec des moyens irréguliers pour venir au pouvoir. Ce qui a amené la presse, entre temps, à parler de la «rue publique». Tous les moyens étaient déployés pour conquérir le pouvoir. Une fois au règne du pays, c’est normal que les libéraux s’y accrochent par tous les moyens. Le Parti démocratique sénégalais est dans une logique de conservation du pouvoir à travers des moyens réguliers, irréguliers et même occultes, quitte à fissurer le système social, à remettre en cause les valeurs fondamentales qui ont permis l’avènement des libéraux au pouvoir. Dans ce combat, la nouvelle opposition est confrontée à un problème de perception de son rôle. Elle endure également un problème de moyens, de stratégies, en ce qui concerne la voie à utiliser pour combattre le régime en place. Jusqu’à présent, c’est une opposition républicaine qui ne peut s’épanouir que dans le cadre d’un système républicain. Donc, elle doit réexaminer sa stratégie pour voir quelles mesures entreprendre pour combattre ce pouvoir qui ne recule devant rien. Elle doit néanmoins le faire dans les normes et principes démocratiques, qui font jusqu’à présent la renommée du Sénégal.»

LOI SUR LA PARITE, UN NOUVEAU PIEGE

«Ce qu’on ne comprend pas, c’est cette volonté du président de la République de vouloir imposer la parité aux élections législatives, alors que, lui, en tant que chef de l’exécutif disposant de pouvoir lui permettant de nommer et de révoquer les ministres et des chefs des administrations, peut s’imposer la parité. Charité bien ordonnée devrait commencer par soi-même. On saura par là qu’il est doté de bonne volonté, avant d’imposer la parité pour les élections législatives. Avec le projet de loi sur la parité sur les listes électorales que Wade a transmis à l’Assemblée nationale, c’est encore un piège qu’il tend à l’opposition. Si lui, chef de parti, il peut concocter et orienter les listes des candidats aux élections, il n’en est pas de même pour les partis de l’opposition où il y a un leadership concerté qui fait que le secrétaire général ne peut pas imposer une liste aux autres. Si donc la parité est de bonne foi au Pds, qu’on vote une loi l’étendant à toutes les fonctions gouvernementales, administratives et à toutes les élections.

En tout cas, le recours en annulation de cette loi, déposé par le Parti socialiste me satisfait personnellement. Moi, je faisais partie du Comité de rédaction de cette loi, mais le projet de loi envoyé à l’Assemblée n’est pas celui que le Conseil sénégalais des femmes (Cosef) a remis au Président ; le projet a été charcuté. Il faut éviter d’imposer une quelconque loi à l’opposition. Il doit y avoir concertation et, pour cela, il faut un respect mutuel entre l’opposition et le pouvoir.

Après l’annulation de ce projet de loi, les auteurs du décret ont exprimé leur joie ; ce sont là des attitudes plus ou moins opportunistes qui sous-tendent l’élaboration et l’adoption de certains textes fondamentaux. Il y a visiblement là une volonté d’instrumentalisation du droit. Cette instrumentalisation est facilitée par l’existence d’une Assemblée monocolore qui est au service de la cause présidentielle.»



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