À la surprise générale, le 29 novembre au crépuscule, l’ex-Premier ministre Idrissa Seck avait commencé une tournée ouest africaine par Banjul. Le lendemain, le garde des Sceaux, ministre de la Justice du Sénégal était reçu par Yaya Jammeh. Nos confrères de la presse gambienne, eux-mêmes, étaient dans le noir. À sa sortie d’audience, le ministre Cheikh Tidiane Sy a fait une déclaration très générale à la presse. Hier, dans sa livraison du jour, le quotidien indépendant The Observer a publié la photo de l’entrevue et les mots prononcés par Cheikh Tidiane Sy dans son discours à la presse. Le garde des Sceaux a simplement expliqué avoir remis au Président Jammeh un message du Président Wade. Il a loué «l’exemplarité des relations bilatérales entre les deux pays» et souhaité, «des échanges et des visites assidus pour gérer avec diligence les dossiers de la coopération». Un fonctionnaire du ministère sénégalais de la Justice est lui, formel : «Cheikh Tidiane Sy n’était pas à Banjul sur les traces de Idrissa Seck. La visite n’avait aucun rapport avec la présence de ce dernier à Banjul. À aucun moment, il n’a été question de discuter de son cas. Le ministre n’en a pas parlé avec Yaya Jammeh.»
Preuves consulaires
Nous avons pu nous procurer des documents sur la question, attestant la bonne foi du garde des Sceaux, ministre de la Justice et de son entourage. La visite de Cheikh Tidiane Sy en Gambie était prévue de longue date, au moins une semaine avant la descente de Idrissa Seck en Gambie. Le 23 novembre 2006, le Haut commissaire du Sénégal en Gambie a envoyé une correspondance au ministère sénégalais des Affaires étrangères. Correspondance qui faisait suite à une autre du Department of Foreign affairs gambien. Dans ladite missive PR 569/05/PART II (253), les diplomates gambiens annonçaient à leurs homologues sénégalais l’audience entre le président Jammeh et le ministre Cheikh Tidiane Sy le jeudi 30 novembre 2006. La partie gambienne précise cependant que l’heure de l’audience sera précisée plus tard. Ce n’est que le mercredi 29 novembre que la partie sénégalaise a connu l’heure exacte de la rencontre : midi au State house. C’est la correspondance numéro 16 490 du 29 novembre. Le numéro d’ordre et d’origine est le 50.443.
La partie gambienne gênée
La partie gambienne est gênée aux entournures par la visite de Idy. Le contexte est chargé. Le Sénégal et la Gambie ont traversé une période de froid consécutive au coup d’Etat manqué du 21 mars 2006. Malgré les condamnations du Président Abdoulaye Wade lors de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres du jeudi 30 mars 2006, Jammeh a montré à la partie sénégalaise sa capacité de nuisance : passeport diplomatique pour Salif Sadio, emprisonnement de Ismaïla Magne Diémé et droit de passage pour Alexandre Djiba. Auparavant, Tamsir Jasseh, ex-chargé de l’émigration en Gambie avait mouillé le Sénégal dans la tentative de putsch. Dans un aveu radiotélévisé, il avait accusé le Sénégal d’avoir soutenu et financé Samba Ndur Cham, le cerveau présumé du coup d’Etat. Mais depuis la visite en Gambie il y a deux semaines, du Général Abdoulaye Fall, chef d’état-major de la gendarmerie nationale, les choses semblent aller. La visite de Idrissa Seck à Banjul gêne les autorités gambiennes. À l’exception notable du quotidien The Point, tous les autres journaux gambiens ont fait le black-out sur la visite de Idrissa Seck. Nous avons appris de bonnes sources, que le quotidien The Observer, considéré comme indépendant, mais contrôlé en réalité par le gouvernement gambien, avait fait hier, son ouverture sur la visite de Idy. Aux derniers moments, un ordre est venu d’en haut pour effacer l’article de la Une et du journal. Jammeh a d’ailleurs quitté Banjul hier pour une visite officielle de trois jours en Iran. Visite prévue de longue date. À ce moment, au moins, on ne pourra pas le soupçonner d’avoir rencontré Idy en catimini.
0 Commentaires
Participer à la Discussion