On a fini hier, mardi 1er avril, en fin de matinée seulement, à se rendre à l’évidence. L’information diffusée la veille tard dans la nuit et le lendemain n’était pas un canular, un simple « poisson d’avril ».
Il s’agit bel et bien d’un réaménagement gouvernemental, le énième du genre depuis 2000. Certains internautes, lecteurs, auditeurs et téléspectateurs qui n’y croyaient pas se sont vivement plaints de la « farce ». Le communiqué de l’Agence nationale de presse, paru en milieu de matinée, a calmé les ardeurs dénonciatrices de la presse des internautes.
Dans le registre des « scoops du 1er avril », la presse est souvent taquine. Elle n’a pas manqué par exemple de saisir l’occasion de cette date pour publier le communiqué de l’Anoci (dans l’édition d’hier de Sud Quotidien) invitant les populations à venir partager les bénéfices de l’Oci. Cependant en l’espèce, elle n’a fait que relayer une information certes « encadrée », mais la plus officielle du monde.
D’autant plus que ce sont les services présidentiels qui se sont chargés de briefer les journalistes de différents organes toute la nuit durant avant de leur envoyer finalement un communiqué.
L’heure tardive du réaménagement ainsi que le brouhaha au sein de la déjà troisième équipe de Aguibou Soumaré avec les permutations inattendues qu’il a induites ont assurément conduit certains jusque dans les cercles rapprochés du pouvoir à douter de l’information. À la ranger sous la rubrique « Poisson d’avril ». Pourtant elle est loin d’être une galéjade, même si le moment, l’heure et la diffusion peuvent laisser penser qu’un esprit facétieux a été à l’origine. Il y a eu assurément quelques malices dans le procédé et le procès, mais le rééchelonnement encore une fois de l’architecture gouvernementale découle d’une logique bien « wadienne » qui n’a pas forcément l’humour comme seul soubassement.
Certains observateurs et hommes politiques en avaient averti. Sitôt éteints les lampions du sommet de la Conférence islamique abrité par le Sénégal des 8 et 14 mars 2008, Me Wade reprendra l’initiative politique au plan interne. Une initiative qui lui est fortement disputée par le Front Siggil Sénégal qui en appelle lui à des Assises Nationales. Me travaille-t-il à asseoir les bases d’une dévolution du pouvoir à son fils comme on le lui prête de plus en plus ? Il se raconte que lors du sommet de l’Oci, il aurait demandé à certains de ses hôtes de ne point être surpris si la presse parlait abondamment de son fils car d’aucuns pensent qu’il était le plus habilité pour lui succéder. L’après-Wade préoccupe assurément. Le réaménagement ministériel d’hier a-t-il été conçu dans un schéma de dévolution du pouvoir à la sauce libérale ? Nombreux sont ceux qui l’évoquent et y croient dur comme fer.
Si Me Ousmane Ngom a été incontestablement du point de vue de ses frères et alliés du Parti démocratique sénégalais (Pds), un bon ministre…électoral, il n’est pas évident que sa gestion quotidienne au ministère de l’Intérieur n’a été lue qu’à la lumière de ses résultats électoraux au palais de la République. Y a-t-on pensé qu’il a été moins un sapeur pompier, qu’un « pyromane » plutôt, attisant plus les foyers de tensions sociaux qu’il n’en a éteints ? S’est-on rendu compte qu’il a aussi peiné à nouer un quelconque dialogue durable avec la classe politique ? Ses services ont donné l’impression la plupart du temps d’avoir été plus surpris par les événements sociaux qu’ils ne les ont prévus, sans parler du malaise qui s’est installé aussi bien au sein de l’administration territoriale, qu’au beau milieu de la police et qui résulte d’une gestion des ressources humaines que certains même sous le couvert de l’anonymat ne se sont pas privés de fustiger à l’interne.
L’explication fournie après « l’émeute » des marchands ambulants n’a également pas convaincu grand monde. Surprise et débordée, la police avait constaté les dégâts. La révolte de dimanche dernier des « ventres vides » durement réprimée a-t-elle été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? S’y ajoute également que l’on a prêté au désormais ancien ministre de l’Intérieur le dessein de « réclamer » tout autant que les autres prétendants, l’héritage « sopi ».
L’éloigne-t-on du département qui contrôle les élections, le temps de démanteler ses réseaux pour qu’il ne porte ombrage au prince héritier le moment venu ? Il se susurre que des élections générales auront lieu dès l’année prochaine. La succession en marche ? Me Ousmane Ngom à l’Industrie éprouvera assurément quelques handicaps dans la course de handicaps vers la succession.
Cheikh Tidiane Sy, nommé ministre de l’Intérieur passe du 3e au 1er rang du point de vue du protocole. Protocolaire. Récolte t-il les fruits de la réforme en cours dans la Justice ? Peut-être. Il se trouve néanmoins plus d’un pour croire qu’il aiderait grandement à la matérialisation d’un schéma dont il ferait partie des meilleurs théoriciens. Parmi ces théoriciens, on cite le ministre, Ahmed Khalifa Niasse, président du présidium du Fap.
Du ministère de l’Industrie et des Mines, Me Madické Niang va à la Justice. Fidèle parmi les fidèles, Me Madické Niang, l’homme des missions « sociales » auprès de familles maraboutiques, notamment mourides n’est pas celui qui gênera un quelconque projet présidentiel dans ce cadre. Du moins, on en est convaincu dans les milieux proches du palais. On ne lui connaît aucune autre ambition que celle de servir le « plus loyalement » du monde Me Wade.
Cheikh Tidiane Gadio et Abdoulaye Diop payent-ils leurs velléités « ’indépendance » qu’on leur prête vis-à-vis des tenants de la Génération du Concret ? Comment comprendre qu’ils aient été nommément félicités dernierment en Conseil des ministres pour services rendus et qu’ils dégringolent dans l’ordre protocolaire quelques jours seulement après ? Les deux plus anciens ministres encore en activité sous le magistère Wade si l’on excepte encore le Premier ministre Aguibou Soumaré doivent-ils commencer à ranger leurs dossiers personnels dans leurs bureaux et se mettre à chercher de nouveaux employeurs et/ou emplois ? Abdourahim Agne, l’allié du Parti de la réforme (Pr) quitte le ministère du Commerce qui est à nouveau occupé par Mamadou Diop Decroix d’And Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Aj/Pads) dont le retour et celui de son Secrétaire général Landing Savané aux « affaires libérales » risque d’approfondir davantage la « fracture » au sein d’Aj/Pads.
Abdourahim Agne est encore membre du gouvernement, même si on a semblé lui reprocher d’avoir « dit la vérité » sur la situation des denrées de grande consommation. Il peut encore servir, ne serait-ce que pour le vote… au Fouta. Le leader du Renouveau démocratique (Urd), Djibo Leyti Kâ demeure en poste, malgré ses prétentions affichées. Est-il devenu inoffensif pour les Libéraux ou préfère-t-on le garder à l’œil et ne pas alimenter ainsi l’opposition ?
Cependant, faut-il se convaincre à la suite du Coordonnateur du Forum civil qui s’exprimait hier sur les ondes de Sud FM Sen Radio, que réaménager un gouvernement n’est pas forcément la panacée à la crise multiforme que traverse le pays ? Ce réaménagement suffit-il pour dérouler le tapis rouge au successeur désigné ? Rien n’est moins sûr. Que dire maintenant du cas Oumou Khaïry Guèye Seck, la « ministre » de l’Elevage qui reprend du service ? Sinon comme l’ont constaté les téléspectateurs qui ont suivi l’émission religieuse de jeudi dernier sur le gamou de Ndiassane, se convaincre que le marabout qui a demandé à l’occasion son retour aux affaires a été entendu. Bien entendu du côté de l’avenue Léopold Sédar Senghor.
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